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Les débats

L’objectif du pacte de stabilité est de contraindre chaque État à rationner les dépenses publiques

Débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011 -

Par / 22 juin 2011

Monsieur le ministre, à la veille du Conseil européen qui se tiendra demain et vendredi à Bruxelles, vous nous avez exposé les grandes lignes des positions qu’y défendra le Président de la République.

Trois points principaux, ayant déjà fait l’objet d’âpres discussions entre les États membres, retiennent toute l’attention des sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG : la gouvernance de la politique économique, avec l’évaluation des engagements pris par les États membres dans leurs programmes de stabilité et de convergence, à savoir le pacte « euro plus » et le plan de sauvetage de la Grèce ; les politiques d’asile et de migration, avec la révision probable des accords de Schengen ; la nécessaire évolution de la politique de voisinage à la suite des bouleversements entraînés par les printemps des pays arabes.

Concernant le premier point, monsieur le ministre, vos propos me confirment dans l’idée que le Gouvernement persiste à proposer et à soutenir les mêmes mauvaises solutions que lors du précédent Conseil européen.

Alors que l’heure devrait être à la solidarité économique entre les États membres, à la responsabilité et à la réactivité pour surmonter la crise, sauver la zone euro, relancer la croissance et sauvegarder les acquis sociaux dans chaque pays, nous assistons au contraire à des réactions tardives, désordonnées, traduisant la défense d’intérêts étroitement nationaux au seul profit de quelques grands groupes économiques et financiers. Tout cela s’inscrit dans la logique du pacte de stabilité auquel le Gouvernement a souscrit et dont l’objectif premier est de contraindre chaque État à rationner les dépenses publiques.

C’est ce cadre que vous rendrez encore plus contraignant en approuvant sans doute demain les six directives actuellement en cours de discussion au Parlement européen, visant à renforcer le pacte de stabilité, le pacte pour l’euro et la mise sous tutelle des pays très endettés.

Tous ces « pactes » sont présentés comme étant la seule solution pour faire face à la crise financière dont les salariés et les retraités font les frais. C’est pourtant la financiarisation de l’économie qui en est responsable !

Ces questions sont précisément au cœur des discussions actuelles sur la nécessité et les modalités d’un second plan de sauvetage de la Grèce. Pourtant, la démonstration a été faite il y a dix-huit mois que les remèdes préconisés par l’Union européenne et le FMI, loin d’apporter de l’oxygène au malade, l’ont au contraire asphyxié.

La Grèce est dans l’incapacité de rembourser une première dette, mais vous acceptez de conditionner un second plan de sauvetage à des mesures qui assècheront l’économie, tueront la croissance et mèneront tout droit à une explosion sociale. Malgré tout, vous pressez le premier ministre grec d’accélérer le processus.

Une nouvelle fois, ceux auxquels on demande en priorité de faire des sacrifices sont non pas les banques, les compagnies d’assurances, les fonds de pension – sinon de manière bénévole ! –, mais les salariés, les retraités et les contribuables : eux n’auront pas le choix ! On peut même s’interroger, monsieur le ministre, sur le comportement que vous adopterez dans l’avenir à l’égard des banques françaises impliquées dans ce dossier…

Vendredi dernier, le Président de la République et la Chancelière allemande paraissaient être parvenus à un accord, propre à rassurer les marchés, sur une participation des banques créancières de la Grèce fondée sur leur bon vouloir. Toutefois, aucune confirmation claire n’a depuis été apportée par les ministres de l’Eurogroupe.

Au milieu de cette confusion, pour éviter une faillite de la Grèce, une contagion à d’autres pays et un effondrement de l’euro, il faudra bien en passer par une restructuration de la dette grecque selon d’autres modalités. Soyons lucides : les bailleurs de fonds privés ne sont disposés à renoncer à une partie de leur mise qu’à condition de pouvoir la récupérer d’une autre façon.

Ce nouveau plan imposé par l’Union européenne et le FMI n’est donc qu’une erreur, une fuite en avant, et le peuple grec a bien compris qu’il servira à alimenter le tonneau des Danaïdes au seul profit des banques. Le gouvernement grec tente d’imposer de nouvelles mesures d’austérité sociale, encore plus dures que les précédentes, et brade à des intérêts privés étrangers, en particulier chinois, un patrimoine d’activités assurées par le secteur public.

Mais l’histoire n’est pas écrite d’avance. Il se pourrait bien que la résistance du peuple grec à la mise en place de ces mesures économiquement inefficaces et socialement injustes ouvre la voie, en Europe, à des solutions autres qui consisteraient à faire payer les vrais responsables de la crise financière ayant frappé la zone euro. Il ne serait que temps !

Concernant les politiques d’asile et de migrations, nous estimons qu’elles ne devraient en aucun cas remettre en cause les acquis fondamentaux des accords de Schengen que sont le principe de la liberté de circulation des personnes et l’instauration d’un espace sans frontières.

Or, les gouvernements français et italien, pour des raisons électorales internes qui leurs sont communes, ont pris prétexte d’un afflux temporaire, et somme toute relativement limité, de migrants en provenance de Tunisie pour proposer un élargissement des clauses de sauvegarde permettant aux États membres de rétablir les contrôles aux frontières intérieures. Cette politique flatte des sentiments malsains. Elle vise cyniquement à utiliser des situations humainement dramatiques pour tenter de répondre à l’influence grandissante de partis populistes et xénophobes.

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

Mme Annie David. Des moyens de faire face à ces événements ponctuels sont pourtant prévus par les accords de Schengen. Il n’est donc pas nécessaire de durcir encore les conditions d’entrée et de circulation sur le territoire européen. Votre réponse n’est pas adaptée : elle ne résoudra en rien les problèmes posés par une immigration illégale due avant tout à des motivations économiques.

Nous nous opposerons donc à ces projets de révision des accords de Schengen, tendant à donner aux États une plus grande latitude pour rétablir temporairement les frontières nationales, les visas et la conditionnalité des aides. Tout cela traduit une approche étroitement sécuritaire des mouvements migratoires qui n’est pas la nôtre : nous proposons au contraire que l’on s’attaque à la source de ces problèmes, en aidant financièrement les pays concernés de façon équitable et en établissant des coopérations équilibrées. Si nous partageons la même volonté de refonder la politique de voisinage, nous divergeons profondément sur les moyens de le faire.

En remettant en cause le principe de la libre circulation des personnes dans l’espace Schengen, en vous confinant dans une « Europe forteresse » que je dénonçais déjà lors de la rencontre interparlementaire des 16 et 17 novembre 2009, dont le thème était « Construire l’Europe des citoyens », vous ne permettrez pas à la France d’être à la hauteur des événements historiques en Tunisie et en Libye, ni même d’en mesurer la portée. En proposant de relancer une politique de voisinage conditionnelle, sans tenir compte de la nouvelle situation dans cette région, vous ne changerez rien sur le fond.

Pour instaurer véritablement de nouvelles relations entre les pays européens et ceux du sud de la Méditerranée, il faut les fonder sur des rapports économiques justes et équilibrés et sur une nouvelle politique de circulation entre les deux rives. Sinon, vous persisterez dans la même démarche déséquilibrée, marquée par des relations conditionnées à l’ouverture au marché européen et à la conclusion d’accords renforcés de libre-échange.

Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions dont les sénateurs du groupe CRC-SPG voulaient vous faire part avant le Conseil européen de demain.

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