Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

L’un des lieux privilégiés de l’inégalité des sexes

Place des femmes dans l’art et la culture -

Par / 16 octobre 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat fait suite au rapport d’information sur le thème « La place des femmes dans l’art et la culture » de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Cette dernière s’est saisie opportunément d’un sujet qui, trop longtemps minoré, mérite d’être étudié en tant que tel afin de favoriser une prise de conscience manifestement difficile. Évidemment, c’est la place des femmes dans l’ensemble de notre société qui doit être examinée et faire l’objet de la plus grande attention ainsi que de politiques fortes, car les inégalités entre les hommes et les femmes restent importantes, quel que soit le secteur professionnel.

Présentes dans la quasi-totalité des secteurs professionnels, ces inégalités sont, dans certains milieux, plus exacerbées encore que dans d’autres. C’est malheureusement le cas du secteur culturel, que l’on aurait pu croire « avancé » sur les questions de représentation et de places accordées aux femmes. Il se révèle être, au contraire, l’un des lieux privilégiés de l’inégalité des sexes.

Le rapport précité nous enseigne opportunément non seulement que la culture est le véhicule de stéréotypes sexistes par le biais des œuvres créées et via les médias, mais aussi que la place des femmes créatrices y est minorée, pour ne pas dire niée dans certains domaines. Il constate, enfin, que le « plafond de verre » s’y applique comme ailleurs, avec une sous-représentation manifeste des femmes aux postes clés des industries culturelles.

Il ne s’agit pas seulement d’une inégalité professionnelle caractérisée ; il s’agit bel et bien d’une amputation grave de notre imaginaire collectif ! Comment accepter qu’une moitié de l’humanité soit ainsi entravée dans sa capacité créatrice ? L’enjeu culturel est évident, au sens plein du terme, pour toute la société.

Ces constats accablants ont amené la délégation aux droits des femmes à proposer dix-neuf recommandations ciblées sur le monde culturel. Je ne les reprendrai pas, elles viennent en partie d’être exposées par Mme le rapporteur.

Notre groupe les soutient pleinement, afin de corriger ce déséquilibre entre les hommes et les femmes qui, comme toujours, se fait au détriment des femmes. Il est d’autant plus important de mettre ces préconisations en œuvre que la révélation de ce problème dans le monde culturel est finalement assez récente et n’a été évoquée qu’à partir de 2006, avec le rapport de Reine Prat.

Sans doute cette prise de conscience tardive est-elle l’une des raisons de la force de ces inégalités, puisque l’on ne peut traiter efficacement ce qui n’est pas clairement diagnostiqué.

En tout cas, force est de constater aujourd’hui que, depuis 2006, la situation ne s’est absolument pas améliorée. Ainsi, entre 2006 et 2009, les deux rapports de la mission Égalités du ministère de la culture sur l’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, aux réseaux de diffusion dans le domaine des arts du spectacle n’ont pas relevé d’évolution positive : les femmes restent sous-représentées et ce dans des proportions dramatiques, que Mme la rapporteur a rappelées.

Les femmes dirigent seulement 11 % des institutions musicales et 8 % des théâtres de création dramatique. Elles ne représentent qu’une part très faible des compositeurs programmés, des chefs d’orchestre, des auteurs de textes dramatiques des théâtres publics. Je ne reprendrai pas tous les chiffres évoqués, mais ils sont éloquents sur la gravité du problème et l’ampleur du chemin à parcourir.

Nous disposons désormais de plusieurs rapports et constats de divers acteurs, qui ont tous participé à cette progressive prise de conscience collective : ont été ainsi étudiées en 2009, la question de l’image des femmes par Michel Reiser et Brigitte Grésy et, en 2011, la place des femmes dans le spectacle vivant et aux postes à responsabilité. Enfin, la publication, au mois de juin 2012 pour le festival d’Avignon, par la SACD de la brochure intitulée Théâtre, musique, danse : où sont les femmes ? et dénonçant les structures et établissements où les femmes sont sous-représentées, a semblé commencer à produire des effets positifs. Nous disposons donc d’une connaissance désormais objective de la situation, complétée par le rapport présenté aujourd’hui.

Comme le souligne ce document, le temps de la prise de conscience est révolu et l’immobilisme ne peut plus perdurer. Il faut donc désormais agir. Et il faut que les deux ministères concernés – le ministère de la culture et de la communication et le ministère des droits des femmes – mettent en œuvre des mesures correctrices et incitatives, comme le rapport le prône. C’est sur ce point, madame la ministre, que nous souhaitons connaître vos intentions.

Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur un sujet qui, s’il n’est pas directement abordé aujourd’hui, est entièrement lié au débat qui nous préoccupe, puisqu’il est spécifique aux femmes et au monde de la culture : je veux parler de la question de l’intermittence, dont nous avons eu également à débattre au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

La nécessité de réformer le régime de l’intermittence est souvent abordée, mais malheureusement trop peu dans le sens d’une meilleure appréhension des problèmes rencontrés par les femmes concernées. En effet, les annexes VIII et X au règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l’indemnisation du chômage prévoient d’indemniser deux tiers d’hommes contre seulement un tiers de femmes.

Quant à la réforme du statut des futures mères intermittentes, qui s’en soucie ? Celles qui, pour porter leur combat, se sont nommées les « matermittentes », sont trop souvent oubliées.

À la suite de la réforme de 2003, le congé de maternité n’ouvrait plus droit ni à l’assurance-chômage ni aux cotisations retraite.

En 2004, heureusement – et c’est le seul point sur lequel le combat contre la réforme de 2003 a fini par aboutir –, ce recul des droits a été corrigé. Les périodes de congé de maternité ouvrent désormais de nouveau droit à l’assurance chômage comme aux cotisations retraite.

Cependant, le taux d’indemnisation reste extrêmement bas au retour de ce congé de maternité.

En effet, si les mois de congé de maternité ouvrent bien ces droits, puisque cinq heures journalières sont comptabilisées, ils sont pris en compte à niveau zéro, si bien que l’indemnisation est calculée sur le reste des cachets annuels, peu nombreux, et que son montant reste très faible.

De surcroît, les « trous » de carrière des intermittentes dépassent souvent les seules seize semaines légales de congé de maternité du fait même de la spécificité de l’activité professionnelle.

Les modes de calcul ouvrant droit à une indemnisation au titre du congé de maternité sont tellement complexes, voire impossibles, à mettre en œuvre que certaines « matermittentes » ne touchent pas d’indemnisation durant leur congé de maternité.

Effectivement, afin d’acquérir ce droit, il est nécessaire d’avoir réalisé deux cents heures au cours des trois derniers mois précédant le congé de maternité, soit entre le sixième et le huitième mois de grossesse ou pendant les trois mois précédant la conception de l’enfant.

Le volume d’heures exigé est donc extrêmement important puisqu’il faut normalement avoir effectué 507 heures sur dix mois ou dix mois et demi. Il est d’autant plus difficile à atteindre que certaines professions ne permettent pas une pratique jusqu’au huitième mois. Comment imaginer une danseuse continuant d’exercer au-delà de quelques mois de grossesse ou même une actrice, dont la capacité à incarner certains rôles sera limitée ?

Le mode de calcul des indemnités de ces intermittentes pose donc un véritable problème. En 2010, cette question a fait l’objet d’une plainte pour discrimination, à nos yeux parfaitement fondée, auprès de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Nous soutenons cette démarche et demandons que cette situation soit prise en compte.

Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je voulais, au nom du groupe CRC, ajouter aux constats et recommandations du rapport présenté par Brigitte Gonthier-Maurin et que, je le rappelle, nous soutenons pleinement.

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