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Les débats

La France est entrée en récession au cours du premier trimestre, le chômage atteint un niveau inégalé et le pouvoir d’achat a régressé lors de l’année passée

Orientation des finances publiques -

Par / 4 juillet 2013

Présidente de la commission des affaires sociales.

La France est entrée en récession au cours du premier trimestre, le chômage atteint un niveau inégalé et le pouvoir d’achat a régressé lors de l’année passée
La France est entrée en récession au cours du premier trimestre, le chômage atteint un niveau inégalé et le pouvoir d’achat a régressé lors de l’année passée

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière intervenante à cette heure un peu tardive, j’aimerais, à mon tour, m’associer aux propos de M. Foucaud. Si le débat parlementaire doit avoir lieu, il ne doit pas se faire au détriment des conditions de travail du personnel, dont le travail est essentiel à la bonne tenue de nos débats.

Comme d’autres intervenants l’ont déjà souligné, le débat d’orientation des finances publiques se déroule dans un contexte particulièrement difficile, les résultats de l’exercice en cours et les perspectives pour 2014 n’étant pas à la hauteur des hypothèses votées par le Parlement en fin d’année dernière.

La France est entrée en récession au cours du premier trimestre, le chômage atteint un niveau inégalé et le pouvoir d’achat a régressé lors de l’année passée.

Bien entendu, cette situation pèse sur les comptes sociaux, auxquels je limiterai mon intervention. Je rappelle qu’ils représentent environ la moitié de l’ensemble des finances publiques, ce qui n’est pas négligeable, et qu’ils sont alimentés, en grande partie, par l’argent des assurés sociaux.

Au nom de notre commission des affaires sociales, le rapporteur général Yves Daudigny a retracé de manière précise l’évolution et les perspectives des finances sociales. Il en ressort que, pour la première fois depuis 2008, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est repassé sous la barre des 20 milliards d’euros. Il devrait en être de même en 2013, puisqu’une stabilisation est prévue.

Je veux le souligner, ce résultat tient essentiellement à l’apport de recettes nouvelles, adoptées en loi de finances rectificative. Ces dernières ont permis de réduire le sous-financement chronique qui fragilisait dangereusement la sécurité sociale.

Ce résultat tient aussi à une progression contenue des dépenses, du fait des limites imposées à l’ONDAM et de la faible revalorisation des prestations familiales en 2012. Ceci s’est fait au prix d’une détérioration des prestations fournies aux assurés sociaux, notamment en matière de remboursement de soins.

J’observe néanmoins que le redressement a été contrarié par la très faible évolution de la masse salariale, conséquence directe de la situation de l’emploi et de la multiplication des plans sociaux, comme de l’extrême modestie des revalorisations salariales. Pourtant, une augmentation des salaires nets de 1 %, c’est 2,5 milliards d’euros de plus dans les caisses de la sécurité sociale.

Mes préoccupations sont donc grandes face aux perspectives annoncées par le Gouvernement à l’occasion de ce débat d’orientation des finances publiques.

Certes, les autorités européennes ont reporté à 2015 les exigences de retour sous la barre des 3 % du PIB de déficit. Alors même que les hypothèses de croissance ont été sensiblement revues à la baisse pour 2014 – si l’on se réfère à celles des organismes de prévision, cette révision pourrait même se révéler insuffisante –, l’effort structurel de réduction du déficit devrait être, l’an prochain, deux fois supérieur à celui qui avait été prévu dans la loi de programmation des finances publiques. En effet, il devrait atteindre un point de PIB, autrement dit 20 milliards d’euros, ce qui représente le montant du CICE.

Dès lors que le Gouvernement souhaite faire porter cet effort à 70 % sur les dépenses publiques, je m’interroge sur l’impact qui en résultera sur l’activité et la consommation. Je m’interroge également sur les effets de cette décision sur la protection sociale de nos concitoyens.

Plus que jamais, nous mesurons le lien étroit entre la situation de l’emploi et les comptes sociaux. Veillons à ne pas confondre les causes et les conséquences. Réduire les dépenses publiques est essentiel, M. Moscovici l’a dit tout à l’heure, mais trouver des recettes nouvelles l’est tout autant !

L’effort qui devra être fait en 2014 serait, pour les dépenses sociales, de l’ordre de 5 milliards d’euros. En revanche, aucun chiffre n’a été donné pour les recettes affectées aux administrations de sécurité sociale. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, avoir des précisions sur ces différents points, afin de mesurer la part des mesures déjà annoncées et de celles qui restent à prendre dans les textes financiers de l’automne. Bien que ce débat ait nécessairement une dimension européenne, qui, des parlementaires nationaux, de la Cour des comptes ou de la Commission européenne décidera finalement du vote de notre budget ?

J’en viens aux mesures relatives à la politique familiale, annoncées le 3 juin dernier par le Premier ministre. Elles participeront à l’effort de réduction des dépenses, pour un montant de l’ordre d’un milliard d’euros.

Je tiens à le rappeler, il est abusif de parler de déficit « structurel » de la branche famille. En effet, le déficit constaté ces cinq dernières années résulte exclusivement des décisions du précédent gouvernement, qui avait retiré à la CNAF une partie de ses recettes les plus solides, tout en lui imposant de financer la part des retraites liée à la situation familiale.

Dans ces conditions, et bien que le Gouvernement maintienne l’universalité des allocations familiales, je regrette le choix consistant à réduire plusieurs avantages destinés à compenser les charges supportées par les familles.

De surcroît, la nature fiscale de la plupart de ces mesures requerra la mise en place de nouveaux circuits financiers du budget de l’État vers la CNAF, une nouvelle « tuyauterie », donc, dont la Cour des comptes dénonce pourtant l’opacité.

De fait, le dispositif réduira un peu plus la part des cotisations sociales dans le financement de la branche famille, ce qui constitue pourtant un des piliers de notre système de protection sociale. Au passage, je vous rappelle, mes chers collègues, que les cotisations sociales dans leur ensemble sont le fruit du travail et représentent, en réalité, une forme de salaire socialisé.

La contribution à la réduction des déficits passera également par une réforme des retraites. Je ne veux pas anticiper le débat annoncé pour cet automne. Je regrette simplement que la phase de concertation soit particulièrement courte, si j’en crois, du moins, le calendrier imposé aux partenaires sociaux, ainsi que celui qui est envisagé pour la discussion parlementaire.

Je tiens également à déplorer la sous-indexation des retraites complémentaires jusqu’en 2015, avalisée par l’accord intervenu entre le patronat et certaines organisations syndicales. Je ne crois pas que la réduction du pouvoir d’achat des retraités soit le meilleur gage du retour à la croissance et du rétablissement des comptes publics.

Si elle était étendue aux retraites de base, cette mesure accentuerait, à mon sens, les difficultés de notre économie. Bien évidemment, elle aggraverait aussi les difficultés d’un nombre grandissant de retraités, dont certains vivent déjà avec le minimum contributif, soit 678 euros par mois, ou avec l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soit 777 euros par mois.

Enfin, le Gouvernement évoque une nouvelle réduction du taux d’évolution de l’ONDAM. La contrainte pèsera directement sur les assurés et sur les organismes complémentaires. En effet, si les prises en charge par la sécurité sociale peuvent être contenues, les besoins et les dépenses de santé continuent, pour leur part, à progresser. Cette décision provoquera une augmentation indéniable du nombre de nos concitoyens contraints de repousser leur recours aux soins, voire de s’en passer. Je pense, notamment, aux étudiants.

De même, peut-on maintenir encore longtemps une telle pression financière sur les hôpitaux publics, dont une part des dotations est régulièrement annulée en cours d’année, après avoir été mise en réserve ? Au début de cette après-midi, j’ai rencontré une délégation de salariés de l’Hôtel-Dieu. Ils s’insurgent contre les décisions financières qui risquent d’aboutir à la fermeture de l’établissement et qui contribuent à accentuer le risque de privatisation d’une grande part de notre système de santé publique.

En ce qui concerne le chapitre recettes, je souhaiterais que le Gouvernement précise également ses intentions, notamment à l’égard d’une éventuelle majoration de la CSG pour les retraités, évoquée tant par la commission Moreau que par la Cour des comptes depuis plusieurs années.

Pour ma part, je préférerais une action plus résolue en matière de réduction des niches sociales, notamment de celles qui ne font l’objet d’aucune compensation pour la sécurité sociale, ainsi que la remise en cause des exemptions d’assiette qui font échapper à cotisation certains compléments ou substituts au salaire.

Aussi, j’éprouve une certaine déception à l’égard du récent rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui n’a pas véritablement tranché cette question, alors que ces niches sont coûteuses pour les finances publiques et peu probantes en termes de bénéfice économique et social.

Cette instance est aussi restée bien timide quant à la contribution des revenus du patrimoine au financement de la protection sociale. Je rappelle que ceux-ci ne représentent que 4 % des ressources de la sécurité sociale. De surcroît, malgré son relèvement récent, le taux de prélèvement n’est que de 15,5 %, alors que les prélèvements sociaux sur les salaires approchent les 50 % et sont bien supérieurs si l’on ajoute les cotisations aux régimes de retraite complémentaires et à l’assurance chômage.

Selon moi, il serait nécessaire qu’à l’objectif d’équilibre des comptes soit associé un financement garantissant des ressources suffisantes à notre système de protection sociale, compte tenu des besoins de la population, notamment ceux qui sont liés à la santé et au vieillissement.

Pour conclure, je donne acte au Gouvernement de sa volonté de résorber les déficits sociaux. Je partage d’ailleurs cet objectif, dans la mesure où nous ne devons pas mettre en péril, en fragilisant son financement, la pérennité de notre système de protection sociale, basé, je vous le rappelle, mes chers collègues, sur la solidarité entre les générations, entre les bien portants et les malades, entre ceux qui sont chargés de famille et ceux qui ne le sont pas.

Notre système de protection sociale permet de réduire les inégalités, de rendre de la dignité humaine et de faire avancer d’un même pas notre société, d’un point de vue tant économique que social. De plus, et vous le savez bien, les dépenses de protection sociale génèrent un tiers des richesses du pays.

Monsieur le ministre, bien que vous nous assuriez ne pas vouloir « ajouter l’austérité à la récession », je tenais néanmoins à vous faire part de mes interrogations sur les orientations choisies par le Gouvernement quant à l’évolution des finances publiques pour les années à venir.

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