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Les débats

La crise n’est pas une simple affaire de dérèglement des marchés financiers

Crise financière internationale -

Par / 29 avril 2009
La crise n’est pas une simple affaire de dérèglement des marchés financiers
La crise n’est pas une simple affaire de dérèglement des marchés financiers

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise financière est loin d’être terminée. Elle trouve ses prolongements dans le champ de l’activité économique et de la réalité sociale tant de la France que des autres pays européens.

C’est pourquoi la tenue de ce débat sur la crise financière internationale et ses conséquences économiques, organisé sur notre initiative et à notre demande, sera sans doute utile pour faire un point précis de la situation, comme de son interprétation.

Pour ma part, je commencerai par le point où nous en sommes arrivés, c’est-à-dire par le sommet de Londres, cette réunion du G20 qui, selon les termes élyséens, devait tout changer.

À l’occasion de ce sommet, l’opinion publique a manifesté à la fois beaucoup d’attente et un important scepticisme quant aux suites et aux décisions prises à l’issue des discussions entre les vingt plus importants chefs d’État et de gouvernement de la planète.

Or, malgré le battage médiatique, rien ne semble devoir profondément modifier la situation économique après la réunion de Londres.

L’objectif du G20 était précis : comment permettre aux pays occidentaux et au Japon, engoncés dans les effets de la crise systémique des marchés financiers, de solliciter auprès des économies émergentes les moyens de renflouer les caisses de leurs établissements financiers en difficulté ?

Dans cette optique, pour masquer ce qui était sans doute le véritable enjeu du G20, c’est-à-dire le maintien coûte que coûte et quoi qu’il arrive de l’ordre actuel des choses, on a agité avant l’heure quelques pistes de réflexion secondaires, qui se révèlent en réalité être des leurres.

Il en va ainsi des paradis fiscaux, des agences de notation ou encore de la rémunération des traders.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, on a publié une liste noire comprenant quatre pays essentiels sur l’échiquier des transactions financières internationales : le Costa Rica, les Philippines, l’Uruguay et la Malaisie.

Pas de trace en revanche des territoires situés sur le périmètre même de l’Union européenne ou dans sa périphérie, comme peuvent l’être Jersey, Guernesey, Andorre, Monaco ou encore le Liechtenstein. En effet, peu de sanctions semblent devoir être prises face aux agissements des établissements financiers domiciliés dans ces « paradis fiscaux ».

Le déclassement rapide des pays placés sur la liste noire et la montée en charge d’une « liste grise », où se sont discrètement intégrés des pays comme Malte, Chypre, l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas, tous membres de l’Union européenne, sont autant de signes qu’on ne souhaite pas vraiment s’attaquer au problème.

Demain, le canton du Zoug pourra continuer sans trop de risques à exempter largement entreprises et gros revenus de toute fiscalité !

Demain, le Delaware pourra jouer au dumping fiscal avec l’État de New York ou le Connecticut et le Nevada pourra poursuivre le recyclage dans ses casinos de l’argent du jeu et de la retraite des pensionnés américains.

L’Irlande pourra continuer de s’en sortir en « écrasant » le taux de l’impôt sur les sociétés !

Et Arcelor-Mittal restera une société de droit néerlandais, tandis que l’usine de Gandrange a fermé et que la moitié de Florange est à l’arrêt !

Et ne parlons pas de la facilité avec laquelle la City de Londres ou les services juridiques belges accueillent les entreprises soucieuses de bénéficier de délocalisations le plus souvent « immatérielles », mais à fort rendement en termes d’exemption fiscale !

En prétendant lutter contre les paradis fiscaux exotiques, on laisse de côté ce que M. Daniel Lebègue appelle les « trous noirs » de la finance, ces lessiveuses d’argent pas toujours honnêtement gagné qui existent au cœur même des pays les plus développés !

Dans ces conditions, je crains que la lutte contre les paradis fiscaux n’en reste au niveau de la proclamation.

Sur les agences de notation, qui ont failli en accordant à certains établissements financiers en déroute depuis 2007 une bonne note jusqu’à la crise, comment ne pas être surpris par l’étonnement bien tardif de certains ?

Les agences de notation ne notent que quelques entités économiques, celles qui font « appel public à l’épargne » ou qui sont cotées en Bourse.

Mais qu’attend-on pour confier aux banques centrales, autorités indépendantes des marchés financiers, une mission de notation de toutes les entreprises et de tous les établissements financiers, une mission de service public, permettant d’avoir de la transparence sur la situation réelle des entreprises et donc résoudre les difficultés nées de l’inégalité d’accès au crédit ?

Tant que rien ne sera fait en ce sens, nous en resterons au mieux aux déclarations d’intention.

Et en ce qui concerne la rémunération des traders, je souhaite poser une question simple. Qui est le plus coupable dans l’affaire de négoce sur titres dite « affaire Kerviel » et qui a failli faire perdre 5 milliards d’euros à la Société générale ?

Les traders sont seulement les opérateurs de stratégies bancaires et financières définies par les directives qui leur sont données.

Et si la Société générale a préféré un temps les produits dérivés au développement des entreprises françaises et à la facilitation de l’accès au crédit de nos PME et TPE, elle est directement responsable des difficultés qu’elle a rencontrées !

Ne cherche-t-on pas, en fait, à faire des traders des boucs émissaires bien commodes d’une crise du capitalisme que l’on cherche à présenter comme passagère, simple résultat d’une dérégulation qu’il suffirait de corriger et de moraliser ?

La crise financière et économique internationale n’est pas une simple affaire de dérèglement des marchés financiers, qu’il conviendrait de résoudre au travers d’une plus grande régulation ou de mesures de contrôle « administratif » plus importantes.

Ces pistes de réflexion évoquées au G20 - paradis fiscaux, agences de notation et rémunération des traders, - ne peuvent pas masquer l’essentiel.

Car les deux principales décisions prises au sommet de Londres consistent précisément à encourager la poursuite des pratiques anciennes.

Ainsi annonce-t-on un renforcement des moyens du Fonds monétaire international et des autres institutions financières internationales, à hauteur de 1 000 milliards de dollars.

Je souhaite formuler une remarque sur l’origine de ces fonds. On s’oriente, semble-t-il, vers une ponction particulièrement forte sur les disponibilités des pays émergents. Mais pour quels motifs et quelles politiques ces moyens seront-ils mobilisés ?

Comme rien ne figure dans les conclusions du sommet de Londres sur l’aide au développement des pays du Sud ou, par exemple, sur l’accès à l’eau pour les peuples et les êtres humains qui en sont aujourd’hui privés, il est à craindre que les ressources du FMI ne soient mobilisées au secours de la crise financière !

J’en fournirai un seul exemple. Il a été décidé de mobiliser 19 milliards de dollars pour subventionner des investissements dans les pays les plus pauvres, mais le gouvernement américain est prêt à engager 70 milliards de dollars pour sauver de la faillite la seule compagnie d’assurance AIG, dont les pertes sont supérieures au PIB de 150 des pays de la planète !

En réalité, le G20, loin de parvenir à la mise en place d’une nouvelle organisation économique internationale, a surtout permis à chaque puissance de valoriser son plan « national » de sortie de crise.

Ainsi en est-il du plan Geithner, appliquant le vieux principe « socialisation des pertes, privatisation des profits ».

La décote appliquée aux créances douteuses des établissements financiers et des compagnies d’assurance sera supportée, pour l’essentiel, par le Trésor américain, c’est-à-dire par le contribuable et, au-delà, par l’émission de nouveaux titres de dette publique américains sur les marchés financiers !

Le plan Geithner, c’est, en effet, 66 % de la valeur d’une créance en contrepartie d’un engagement du Trésor !

De fait, les désaccords persistants sur le processus de convergence des politiques économiques des gouvernements du G20 montrent que la règle du chacun pour soi prime sur tout autre principe !

D’aucuns se félicitaient encore il y a peu de temps, ce lundi même, que le nombre de chômeurs progressait moins vite dans notre pays qu’en Espagne ou aux États-Unis !

Doit-on rappeler que, en France, le droit du travail, malgré sa rigidité et ses pesanteurs, permet de protéger les salariés du licenciement à effet immédiat. Doit-on rappeler également que le chômage partiel et l’exercice du droit à la formation préservent parfois du chômage total ?

Quant aux mauvaises habitudes, elles n’ont pas été oubliées !

Malgré les louables efforts de René Ricol et de ses collaborateurs, les banques de notre pays continuent de « snober » la demande de crédits des PME et TPE, trop occupées sans doute à attribuer parachutes dorés, « retraites chapeau » et autres stock-options à leurs dirigeants !

Pourtant, avec la retraite chapeau de Daniel Bouton, il y avait sans doute de quoi sauver quelques-unes de nos PME qui ont déposé leur bilan ou ont été placées en redressement judiciaire depuis l’automne !

Le capitalisme ne peut pas être refondé si on se contente, comme nous le voyons, de mesures temporaires avant de renouer avec les pratiques anciennes.

L’ordre des choses, économique et social, tant sur le plan national qu’aux échelons européen ou international, doit être profondément modifié.

Une véritable sortie de crise, c’est autre chose que le sommet du G20 !

S’agissant des solutions, de notre point de vue, trois échelons doivent être clairement identifiés.

Le premier échelon est national.

Le Gouvernement doit soumettre au débat et mettre en œuvre la constitution d’un pôle public financier destiné à faciliter l’accès au crédit des PME et des TPE, encourageant une juste allocation de la ressource disponible en faveur de l’activité créatrice de richesses et d’emplois.

Dans ce cadre, il faut bien évidemment revenir sur la privatisation des établissements financiers mise en œuvre depuis 1986, une privatisation qui ne se comprend d’ailleurs plus aujourd’hui, notamment quand l’État se déclare prêt à engager 360 milliards d’euros pour recapitaliser les établissements de crédit ou leur apporter de l’argent frais !

Et la révélation du nouveau « trou » de la Société générale - 5 milliards d’euros de pertes de la filiale SGAM, Société Générale Asset Management » - montre la gravité de la situation !

Le deuxième échelon est européen.

Cette question est d’actualité, au moment même où l’on « lockoute » le débat sur les enjeux européens à un mois du renouvellement du Parlement européen.

La Banque centrale européenne, ou BCE, doit changer de rôle et cesser d’être le gardien d’une orthodoxie monétariste et libérale qui a failli, comme l’a montré la crise.

Ce sont les choix de Maastricht, de Nice et de Lisbonne qui sont sur la sellette avec la crise !

La Banque centrale doit donc, à notre sens, devenir l’instrument d’un financement de l’économie valorisant les potentiels de chaque pays membre, favorisant les coopérations transfrontalières, générant la création de richesses et d’emplois, développant la formation et la promotion professionnelle des salariés !

Tournons le dos aux politiques d’allégement du coût du travail et de dumping fiscal, tournons le dos à la directive Bolkestein et à ses rebondissements multiples !

L’Europe sociale, c’est d’abord une BCE recentrée sur l’aide à l’économie et à l’activité !

Enfin, le troisième échelon est international.

Nous ne pouvons nous contenter des conclusions du sommet du G20, où les plus riches tentent désespérément de maintenir leurs positions dominantes, quitte à s’affronter, bien entendu !

Il faut profondément transformer les conditions d’intervention du FMI, en réduisant le poids excessif des États-Unis dans les droits de vote et en développant le dispositif des droits de tirage spéciaux. Ces derniers doivent devenir l’alternative à la suprématie d’un dollar sans cesse dévalué, mais toujours prédominant.

Le monde a changé et changera encore.

Les puissances occidentales ne peuvent ignorer la place de nouvelles économies dans le concert des nations : le FMI, dans sa composition comme dans ses interventions, doit en tenir compte.

Comment ne pas critiquer le peu de place accordé aux questions du développement du Sud dans le sommet de Londres ?

Et nos réflexions sur le FMI valent aussi pour le cycle de négociations commerciales de Doha, c’est-à-dire l’Organisation mondiale du commerce, ou OMC.

Le libéralisme appliqué à la mondialisation a fait son temps ici, en Europe, comme dans le monde.

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