Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

La maîtrise publique du secteur énergétique n’est pas une posture mais une garantie pour assurer la transition énergétique

Transition énergétique -

Par / 21 février 2013

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la transition énergétique est un des enjeux majeurs des prochaines années, et nous saluons l’initiative prise par le Gouvernement d’organiser un débat national sur ce thème. Pour parvenir à relever ce défi économique, social et environnemental, il est important de fixer les grandes orientations qui guideront la politique énergétique de demain. Dès le 31 mars 2011, le groupe CRC avait déposé au Sénat une proposition de résolution, votée par l’ensemble de la gauche, dont le point 6 prévoyait « l’organisation d’un grand débat public national sur les choix en matière de politique énergétique nationale dans les années à venir ».

Nous remercions le groupe RDSE de la tenue de ce débat d’étape, même si elle intervient de manière quelque peu précoce au regard du calendrier arrêté. En effet, le dernier trimestre de l’année 2012 a été consacré à l’installation des instances du Conseil national du débat sur la transition énergétique, à la détermination du programme de travail et des questions mises en débat. Le début de l’année 2013 a pour sa part été dédié à la préparation de la mise en place du comité citoyen, à l’installation des conférences régionales.

Cette décentralisation des discussions est fondamentale. Pour relever le défi de la transition énergétique, l’adhésion de nos concitoyens au projet est un préalable, or cette adhésion passe évidemment par leur association à la construction de celui-ci.

S’il est essentiel d’associer nos concitoyens au débat, il est également indispensable de leur rendre accessibles des informations qui, dans le domaine énergétique, sont particulièrement techniques, et parfois complexes.

En outre, si nous saluons l’ambition du Gouvernement de permettre la tenue d’un débat au plus près des gens, nous regrettons que certaines questions aient été exclues. Par exemple, les modalités du développement de l’énergie d’origine éolienne ont été largement discutées lors de l’examen au Parlement de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, mais cette question n’a pas été versée au débat national. De même, si le dispositif du bonus-malus a été supprimé au Sénat par la majorité de gauche dans son ensemble,…

M. Ronan Dantec. Non, une partie seulement !

M. Gérard Le Cam. … la question des moyens pertinents pour favoriser la sobriété énergétique mériterait également d’être débattue avec nos concitoyens.

Les discussions parlementaires sur ce sujet ont eu le mérite de faire émerger un consensus sur les lacunes du diagnostic de performance énergétique et de rappeler l’importance de l’installation de compteurs individualisés et communicants.

Nous avons longuement parlé de l’effacement, notamment de l’effacement diffus, comme outil de maîtrise de la consommation énergétique. Ce dispositif permet aux foyers de dépenser moins d’énergie lors des périodes de pointe de consommation. Il nous faut mettre en place un véritable service public de l’effacement.

Mme Delphine Batho, ministre. Très bien !

M. Gérard Le Cam. Cet effort commun doit être fait dans l’intérêt général, et non pas au détriment des usagers, afin de rémunérer quelques opérateurs privés se positionnant sur ce marché ! S’il faut valoriser l’effacement, que celui-ci profite aux usagers !

Si l’efficacité énergétique constitue effectivement, au contraire d’une sobriété imposée, un gisement d’économies, elle nécessite la mise en œuvre de politiques publiques sur le long terme.

À cet égard, la mise en place du service public de la performance énergétique est un bon début, mais il faut donner à celui-ci les moyens d’exister. Dans ce contexte, on peut s’interroger, par exemple, sur la pertinence d’un taux de TVA de 10 % pour le secteur du bâtiment. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, a lui-même préconisé, dans son avis sur l’efficacité énergétique, d’appliquer le taux réduit de TVA de 5 % aux travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Mme Chantal Jouanno. Tout à fait !

M. Ronan Dantec. Nous sommes d’accord !

M. Gérard Le Cam. La rénovation des bâtiments résidentiels est un des axes prioritaires de la transition énergétique. Cela va demander de gros efforts d’accompagnement de l’ensemble des foyers, en particulier ceux des classes moyennes et les plus démunis, pour qui les sommes à engager demeurent considérables.

Par ailleurs, la question du droit à l’énergie pour tous doit être placée au cœur des débats. Selon nous, chaque décision qui sera prise devra l’être au regard du respect de ce droit. L’élargissement des tarifs sociaux et l’interdiction des coupures d’énergie sont de bonnes mesures, cependant insuffisantes pour garantir à tous le droit de se chauffer, de s’éclairer. Il faut améliorer les tarifs sociaux, créer une aide au chauffage pour toutes les énergies, développer l’accompagnement des populations touchées par la précarité énergétique.

Dans cette perspective, la maîtrise publique du secteur énergétique, loin de relever d’une posture idéologique, constitue une garantie non seulement pour répondre aux exigences sociales, mais aussi pour définir, au niveau national et de manière cohérente sur 1’ensemble de notre territoire, la politique de transition énergétique.

Nous aimerions que le Gouvernement, afin d’éclairer le débat, puisse mettre à disposition des études d’impact environnementales et socioéconomiques, comme l’a recommandé le groupe de travail de la section environnement du CESE dans sa contribution sur la transition énergétique.

D’une part, il nous paraît important, en tant qu’élus et citoyens, de pouvoir disposer d’informations précises sur toutes les solutions possibles en matière d’énergies renouvelables : hydroélectricité, géothermie, éolien et hydrolien, solaire thermique et photovoltaïque, biocarburants dits de seconde génération, biomasse, valorisation des déchets… Madame la ministre, pouvez-vous également nous dire où en sont les travaux de recherche sur le stockage de l’énergie ?

D’autre part, il serait intéressant, en vue d’éclairer les choix, de dresser le bilan carbone des énergies renouvelables. En effet, une production délocalisée accroît parfois fortement les émissions de gaz à effet de serre d’énergies réputées propres.

Enfin, il faudrait établir un bilan des aides publiques indirectes et directes allouées à ces énergies, ainsi que des perspectives en termes d’emploi et d’activité industrielle. Nous saluons l’annonce par M. Thierry Wahl, secrétaire général du débat national, de la mise en place, à côté des cinq groupes de travail initiaux, d’un groupe de travail sur les questions sociales d’emploi et de transition professionnelle.

En effet, les filières industrielles liées aux énergies renouvelables sont souvent inexistantes en France. Les éoliennes sont par exemple fabriquées par l’entreprise danoise Vestas, qui a annoncé la suppression de 3 000 postes, ou encore par la société espagnole Gamesa, qui a également prévu une restructuration d’ampleur. La production mondiale de panneaux photovoltaïques est principalement répartie entre la Chine, Taiwan, l’Allemagne, le Japon et les États-Unis.

La transition professionnelle et la mise en place de filières industrielles nationales constituent, on le voit au travers de ces deux seuls exemples, un défi majeur à relever. Bien entendu, la réussite ne se décrète pas, mais elle se prépare : il est donc important de renforcer, en amont, la recherche, tant fondamentale qu’appliquée, dans le secteur énergétique, ainsi que d’offrir des formations pour préparer à ces nouveaux métiers.

Or nous assistons aujourd’hui à un mouvement opposé, avec les menaces qui pèsent sur la recherche intégrée au sein d’EDF et de GDF-Suez, en conséquence de l’application de la déréglementation européenne dans ce secteur.

Mme Delphine Batho, ministre. C’est vrai !

M. Gérard Le Cam. En outre, nous ne devons pas négliger l’incidence du développement des énergies renouvelables sur les réseaux de transport et de distribution d’énergie. Un effort non négligeable doit être fait pour soutenir l’extension et la modernisation de ces réseaux ; RTE et le syndicat des énergies renouvelables ont déjà engagé une coopération pour gérer au mieux l’insertion des énergies renouvelables.

Cependant, il serait illusoire de penser que la transition énergétique se fera par le biais d’une production délocalisée de l’énergie.

M. Jean-Claude Lenoir. Les campagnes en ont pourtant besoin !
M. Gérard Le Cam. Il est important que l’État conserve la maîtrise de la politique énergétique pour en assurer la cohérence et l’efficacité dans l’intérêt général, ce qui n’interdit pas aux régions de faire des efforts.

Enfin, nous voudrions insister sur la nécessité d’inclure complètement le secteur des transports dans le débat. En France, il est, parmi l’ensemble des secteurs d’activité, le premier consommateur d’énergie et le premier émetteur de gaz à effet de serre. Pour le transport de marchandises, la loi Grenelle 1 a fixé l’objectif de faire passer la part modale du non-routier et du non-aérien de 14 % à 25 % d’ici à 2022. Il y a un mois, ma collègue Mireille Schurch expliquait ici même l’importance « de développer un nouveau cadre juridique qui permette le rééquilibrage modal et d’impulser une politique offensive en termes de fret ferroviaire ». Nous pensons que le fret ferroviaire, et plus précisément l’activité de « wagon isolé », doit être déclaré d’intérêt général.

M. Ronan Dantec. Tout à fait !

M. Gérard Le Cam. Les citoyens doivent également pouvoir s’exprimer sur la question des transports collectifs et nous faire part de leurs attentes en termes d’aménagement du territoire.

Le débat national sur la transition énergétique recoupe bien des sujets ; une loi ne suffira pas à traiter toutes les problématiques. La force de ce débat, au-delà de sa complexité, de sa technicité, repose sur l’association des citoyens. Aujourd’hui, nous saluons l’initiative du Gouvernement, car nous sommes intimement convaincus que la transition énergétique ne pourra être une réussite qu’avec l’adhésion du plus grand nombre.

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