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Les débats

Le Conseil est bien loin du quotidien des citoyens

Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 -

Par / 11 décembre 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains abordera une nouvelle fois des points essentiels pour l’avenir de l’Europe, tels que l’Union monétaire et économique ou la politique économique et sociale, mais il comportera également une discussion thématique sur la politique de sécurité et de défense commune.

Ce sujet revient régulièrement. Serons-nous cette fois-ci moins déçus par les conclusions et décisions prises ? Nous verrons ; jusqu’à présent, nous n’avons pas constaté de réelles avancées de la politique européenne de sécurité et de défense. Les différentes crises internationales qui se sont succédé ces derniers temps nous en ont montré les limites. La France se retrouve toujours bien seule dans ses interventions de maintien de la paix, même lorsqu’elles sont conduites sous l’égide de l’ONU.

Pourtant, les pays européens consacrent 175 milliards d’euros par an à la défense et 1,5 million de femmes et d’hommes se trouvent sous les drapeaux. Toutefois, la crise économique et budgétaire a conduit toutes les nations européennes à effectuer des coupes importantes dans leurs budgets de défense, et donc à réduire leurs capacités militaires ou le format des armées.

Dans le même temps, nous constatons que les programmes de coopération ont fortement diminué depuis dix ans. À un moment où la mutualisation pourrait nous permettre de mieux répondre aux besoins, aux défis de l’avenir, nous ne nous en montrons pas capables.

Si nous voulons renforcer l’industrie européenne de la défense, il est sans doute nécessaire d’agir plus rapidement. Nous voyons bien le retard pris par l’Europe, notamment en matière de drones. La France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie se sont dotés de Reapers achetés aux États-Unis, alors même que, en Europe, nous disposons des capacités industrielles pour construire ce type de matériels ; une proposition a même été faite par trois entreprises européennes à ce sujet.

Il est également nécessaire pour l’Europe de développer son propre système de géolocalisation. Aujourd’hui, les Américains ont le monopole sur ce marché, avec le système GPS, et toutes les données recueillies sont contrôlées par le Pentagone. Le déploiement complet du système européen est prévu pour 2020, si de nouveaux retards n’interviennent pas. Cela pose la question de l’indépendance technologique de la défense européenne.

Dans le même temps, alors que nous parlons de développer une politique industrielle en matière de défense cohérente sur l’ensemble du territoire, EADS annonce la suppression de près de 6 000 emplois. Le pari s’annonce donc difficile à gagner.

Je pense pourtant qu’il est essentiel de permettre une meilleure coopération entre les États membres, sans pour autant remettre en cause leur souveraineté en matière de défense. Cette mutualisation permettrait de diminuer les coûts, de développer des systèmes de défense conçus spécifiquement pour répondre à nos besoins. Nous pourrions, par exemple, relancer la production de missiles anti-radar, capacité que nous avons perdue en 1994. La formation des personnels pourrait également donner lieu à mutualisation. Toutefois, comme le rappelle le rapport d’information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cela ne peut fonctionner si nous ne « redonnons pas souffle et vie au projet politique européen ».

Je pourrais continuer sur le thème de la défense, mais la croissance et l’emploi sont la première préoccupation des citoyens européens. Or, nous le voyons bien, la croissance se fait très timide. Elle doit être confortée et amplifiée, pour déboucher sur un recul durable du chômage.

Cela étant, je ne suis pas sûr que l’ordre du jour du Conseil européen soit à la hauteur des enjeux. Ainsi, ce dernier devrait confirmer la décision, dans le prolongement des travaux menés par les comités compétents, de recourir à un tableau de bord d’indicateurs en matière sociale et d’emploi. Il me semble que le Conseil européen est bien loin du quotidien des citoyens. Certes, intégrer des indicateurs sociaux dans la coordination des politiques est une bonne idée, mais encore faut-il fixer des seuils entraînant un soutien, une intervention de l’Union européenne.

À l’heure où les peuples souffrent, il nous faut agir bien plus rapidement et redonner confiance en l’Europe, en sa capacité d’action. Or, comme c’est trop souvent le cas, l’action européenne reste trop lente, trop complexe, peu lisible. Les citoyens ne perçoivent pas de mobilisation générale des moyens, par exemple de ceux accompagnant le pacte européen pour la croissance et l’emploi, qui seraient particulièrement nécessaires pour accélérer la reprise et faire revenir la confiance.

Cette crise de confiance dans les institutions européennes est d’autant plus inquiétante qu’en mai prochain auront lieu des élections européennes. Devant la montée de l’extrême droite, nous avons besoin d’une Union européenne forte, agissant en faveur des citoyens.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, l’Europe ne peut se contenter d’être économique ; elle doit être solidaire, sociale. Elle doit donner la priorité au développement social, au développement industriel, au développement de la recherche et de l’innovation. Telles sont les bases d’une croissance durable. Le Conseil européen doit promouvoir de telles ambitions.

Des leviers existent pour agir, mais que d’atermoiements et de contradictions ! Prenons l’exemple de la taxe sur les transactions financières : depuis combien de temps la Commission européenne travaille-t-elle sur la question ? Cette taxe est toujours en cours d’élaboration… Comme le rappelait mon collègue Gattolin lors du débat sur l’article 41 du projet de loi de finances, « c’est quand même une course de lenteur » ! Monsieur le ministre, pourrez-vous nous assurer que la mise en place de la taxe sur les transactions financières avance ? Pour ma part, je nourris beaucoup d’inquiétudes quant à son aboutissement.

Si l’ambition du Conseil européen est de favoriser la croissance, l’emploi et la compétitivité à l’échelon européen, comme affiché, il est indispensable de prendre les dispositions nécessaires.

Au Parlement européen, le groupe Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique a formulé plusieurs propositions allant dans ce sens. Il a demandé la mise en place d’un plan européen de relance ciblé pour les cinq prochaines années, en particulier au profit des pays en récession économique, afin de lutter contre la stagnation économique et la hausse du chômage. Il a également demandé que 1 % du PIB de l’Union européenne soit consacré, chaque année, à l’investissement dans le domaine du développement durable environnemental et social. Je ne crois pas que soit le chemin choisi.

Quand on se soucie d’un développement social harmonieux au sein de l’Union européenne, la question des travailleurs détachés se pose naturellement. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, mon collègue et ami Éric Bocquet a rédigé un rapport sur ce sujet. La résolution en découlant a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes et par celle des affaires sociales.

Lundi, un accord a été conclu à Bruxelles afin d’empêcher les fraudes concernant les travailleurs détachés. Nous ne pouvons que saluer cette avancée, même s’il ne peut s’agir que d’un premier pas, car c’est là un accord a minima.

Ainsi, la résolution proposée par le Sénat reposait sur un consensus très large sur plusieurs mesures clés.

Tout d’abord, il s’agissait de limiter à trois le nombre de sous-traitants, alors que, aujourd’hui, la chaîne de sous-traitance peut aller jusqu’à douze intermédiaires ! L’accord n’évoque pas cette question.

Ensuite, il était proposé d’instituer la responsabilité solidaire du donneur d’ordres pour l’ensemble des activités économiques ; pour l’heure, elle ne porte que sur le secteur du BTP. L’accord ne prévoit pas, pour le moment, de rendre cette responsabilité conjointe et solidaire obligatoire dans les autres domaines, alors que le phénomène touche aussi des secteurs tels que les transports, l’agriculture et l’événementiel.

D’autres points méritent d’être intégrés dans cet accord, comme la mise en place de clauses de responsabilité sociale d’entreprise dans les cahiers des charges d’achat de prestations. La mise en œuvre d’une révision du règlement sur l’affiliation au régime de sécurité sociale de l’État d’envoi afin de prévenir efficacement les situations de faux détachement et de limiter les pratiques d’optimisation sociale mériterait également d’y trouver place.

Monsieur le ministre, il me semblerait donc intéressant, puisque ce texte doit encore être présenté au Parlement européen, que la France continue d’être à l’initiative de propositions fortes dans ce domaine.

Enfin, pour rebondir sur la nécessité d’instaurer une Europe des peuples, solidaire, je conclurai mon propos sur la question de l’élargissement de l’Union européenne.

L’actualité nous montre que des peuples croient en cette Europe, que l’Union européenne a un bel avenir si elle trouve en elle les forces pour se transformer. La situation en Ukraine, ce pays charnière, le démontre chaque jour. Le processus d’association de l’Ukraine à l’Union européenne doit être relancé. D’ailleurs, le Parlement européen a raison d’appeler le Conseil européen à soutenir les manifestants ukrainiens. Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France sur ce sujet ?

La question de l’intégration des pays des Balkans, après celle de la Slovénie et de la Croatie, se pose également. Dernièrement, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté à l’unanimité une résolution concernant la perspective de l’adhésion à l’Union européenne de la Serbie. Je pense que, dans l’intérêt de l’Europe, nous ne pouvons laisser de côté ces pays. Nos histoires sont intimement liées. Étant donné les efforts réalisés par la Serbie, les États membres de l’Union européenne doivent encourager ce pays dans cette perspective. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment la France, au vu des relations qu’elle entretient avec ce pays, pense pouvoir influer sur son processus d’adhésion ?

Je prendrai un peu d’avance sur le calendrier en formant le vœu que 2014 soit une année citoyenne et engagée pour une Europe solidaire.

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