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Les débats

Le Gouvernement demandera-t-il des comptes au Luxembourg ?

Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014 -

Par / 10 décembre 2014

Débat interactif et spontané

Monsieur le secrétaire d’État, M. Juncker, qui préside aujourd’hui aux destinées de la Commission européenne, est l’un de ceux qui, en exerçant la double mission de chef de gouvernement et de ministre des finances de son pays, s’est affranchi de la règle commune pendant des années.

Le Luxembourg est devenu une plateforme idéale pour la fraude et l’évasion fiscales à l’échelle européenne. Les déficits constatés par les autres pays de l’Union européenne procèdent pour une part importante des manipulations comptables encouragées sur le territoire grand-ducal.

De nouvelles révélations viennent de paraître dans plusieurs medias. S’appuyant sur quelque 28 000 pages de documents obtenus par le Consortium international des journalistes d’investigation, la nouvelle vague de documents baptisés Lux Leaks 2 implique trente-cinq nouvelles sociétés, parmi lesquelles Skype, Walt Disney Company, Koch Industries, propriétaire de la marque Lycra, mais aussi Bombardier ou Telecom Italia. Les rulings ont été conclus entre 2003 et 2011. Pour mémoire, le système du rescrit fiscal, le tax ruling, permet à une entreprise de demander à l’avance comment sa situation fiscale sera traitée dans un pays. Il est utilisé par les multinationales pour faire de l’évasion fiscale.

« Disney [...] a mis au point un dispositif fiscal sophistiqué centré sur le Grand-Duché, dans le but de réduire sa charge d’impôts aux États-Unis et en Europe », en particulier en France, souligne Le Monde. Selon Le Soir, les accords conclus dans le cadre de ce Lux Leaks 2 ont été mis au point par les quatre grands cabinets d’audit et de conseil, PricewaterhouseCoopers, KPMG, Ernst & Young et Deloitte. Le journal belge évoque des outils hybrides concernant Bombardier, des déductions fiscales spectaculaires : 95 % des revenus pour Skype, qui ne paye donc des impôts que sur les 5 % restants, ou des taux réels d’imposition extrêmement faibles, de l’ordre de 0,28 % pour Walt Disney Luxembourg. C’est tout simplement insupportable !

Le Gouvernement demandera-t-il des comptes au Luxembourg concernant le détail des accords fiscaux conclus par cet État avec des entreprises étrangères, comme y invite enfin le gouvernement luxembourgeois ? Quelles actions compte-t-il conduire pour combattre l’évasion fiscale au sein même de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, à la suite des révélations du Lux Leaks 2, le président de la Commission européenne a été amené à s’engager très clairement sur la lutte contre l’optimisation fiscale. C’est ce que nous lui demandons.

Le système du rescrit fiscal, tel qu’il a été pratiqué, notamment au Luxembourg, n’est pas acceptable.

D’une manière générale, toutes les astuces qui ont pu être mises en place avec l’accord d’un certain nombre d’États membres pour permettre à des grandes entreprises – les petites et moyennes entreprises ne peuvent bénéficier de tels systèmes – de ne pas payer la part d’impôt due dans le pays où elles réalisent leur activité ne sont pas supportables. C’est autant de concurrence déloyale vis-à-vis des autres entreprises, celles qui n’ont pas le choix et qui doivent payer leur impôt. Cela provoque des délocalisations d’activité. C’est un manque à gagner pour les finances publiques des autres pays de l’Union européenne. Tout cela va à l’encontre de tous les objectifs que nous pouvons nous fixer en commun.

Pour financer notre service public, nos mécanismes de solidarité sociale, mais aussi les infrastructures dont nous avons longuement parlé ce soir, nous avons besoin que chacun, citoyen, mais entreprise, petite ou grande, paie sa part de l’impôt.

Il est absolument vital pour l’avenir de l’économie européenne de combattre le système du rescrit !

Selon nous, il faut une transparence totale sur ces mécanismes, qui doivent être encadrés. En réalité, ils n’ont pas beaucoup de raisons d’être. La Commission européenne doit donc viser leur suppression.

Par ailleurs, nous voulons un échange automatique d’informations dans tous les domaines de la fiscalité. Il faut même nous donner comme objectif une forme de « serpent fiscal européen » en matière de fiscalité sur le bénéfice des sociétés, avec un plancher et peut-être un plafond. Cela relève de l’intérêt commun. Chaque État membre peut garder la possibilité d’ajuster son taux d’impôt sur les sociétés en fonction d’un niveau moyen, comme c’est le cas pour la TVA. Dans un système qui compte un marché unique, une liberté de circulation des capitaux et de tous les facteurs de la production, du travail, des investissements, il ne peut pas y avoir de niveaux de fiscalité totalement discordants d’un point à l’autre de l’Union européenne.

La Commission Juncker doit inscrire dans son programme une plus grande harmonisation fiscale et une lutte absolue de tous les mécanismes de fraude fiscale.

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