Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Le chemin à parcourir reste immense

Bilan de la loi de 2005 sur le handicap -

Par / 12 mars 2015

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Dominique Watrin a présenté l’analyse globale du groupe CRC sur les effets de la loi du 11 février 2005 sur la situation des personnes en situation de handicap. Comme lui, je constate que des pas en avant ont été accomplis.

Pour autant, le chemin qu’il reste à parcourir pour que le handicap ne soit plus un obstacle à la reconnaissance pleine et entière de la citoyenneté est immense. Ce chemin est d’autant plus rude que la loi de 2005 péchait par manque de financement et que la politique actuelle de réduction des dépenses publiques, en particulier les ponctions drastiques sur les budgets des collectivités territoriales, porte atteinte aux plus défavorisés, aux plus fragiles, dont les personnes en situation de handicap.

En six minutes, je n’aurai le temps d’aborder que deux points : l’accès à l’emploi et la scolarisation.

En matière d’accès à l’emploi, le bilan des dix années passées est mauvais, puisque les salariés en situation de handicap rencontrent des difficultés spécifiques sur le marché de l’emploi : 22 % d’entre eux sont au chômage, soit un taux double de celui de l’ensemble de la population.

Comment ne pas faire nôtre cette déclaration d’une grande association : « aujourd’hui, de nombreuses personnes en situation de handicap se trouvent en situation de précarité grandissante avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté. […] Elles ne veulent plus demeurer des citoyens de seconde zone » ? Ce constat critique, mais lucide, montre bien à quelles difficultés sociales et financières considérables sont confrontées les personnes en situation de handicap et leurs familles.

L’accès à l’emploi est donc l’une des clefs de l’amélioration de cette situation toujours très difficile. La loi est pourtant claire : l’effectif total de tout employeur du secteur privé, de tout établissement public de vingt salariés ou plus doit compter au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Or le taux réel s’établit bien en deçà de cette obligation légale, puisqu’il est de 3,1 % dans le secteur privé et de 4,6 % dans le secteur public. En effet, une autre faiblesse de la loi de 2005 était le manque de mesures de coercition en matière d’emploi des personnes en situation de handicap.

Au-delà de ces chiffres, insuffisants, se pose la question des conditions d’emploi, des statuts et des rémunérations proposés aux salariés handicapés. Sur ce point, l’heure n’est pas aux progrès, puisque le projet de loi Macron accroît les marges de manœuvre des employeurs pour se soustraire à leur obligation d’emploi de personnes handicapées.

Ainsi, l’article 93 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit que l’employeur pourra s’acquitter partiellement de cette obligation en accueillant des personnes en situation de handicap pour des périodes de « mise en situation » en milieu professionnel, la personne handicapée n’étant pas rémunérée par l’entreprise. L’article 93 bis, quant à lui, résultant de l’adoption d’un amendement présenté discrètement par M. Macron dans la nuit de samedi 14 février, dispose que les stages de découverte des métiers concernant les élèves de la cinquième à la terminale permettront eux aussi aux employeurs de s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Nous aurons dans quelques semaines un débat fort sur ce texte, notamment sur ces dispositions encore peu connues, qui me paraissent tout à fait scandaleuses : comment accepter que soient mis sur le même plan un stage scolaire d’observation et un emploi !

Ces remarques m’amènent à faire le point sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.

L’intégration dans le milieu scolaire de ces enfants constituait l’un des grands enjeux de la loi de 2005. À la rentrée de 2014, 258 710 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés, soit une augmentation moyenne de leur effectif de 6,3 % par an depuis 2005, supérieure à la moyenne générale.

Une augmentation d’un tiers en dix ans du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés constitue un fait positif, mais dans quelles conditions cette scolarisation s’opère-t-elle ? Beaucoup d’observateurs soulignent que, trop souvent, il s’agit d’une scolarité a minima.

La réforme engagée pour améliorer le statut des assistants de vie scolaire n’a pas été menée à son terme. La précarité de ce statut, l’insuffisance de la formation, les difficultés de recrutement ne rendent pas la situation pleinement satisfaisante aujourd’hui, tant s’en faut. Là encore, la loi de 2005 a créé un droit sans prévoir de financement. Il est temps d’engager un programme ambitieux de formation des adultes, AVS et enseignants, adaptée aux différents types de handicaps, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

En outre, les classes recevant en inclusion des enfants en situation de handicap ne devraient pas dépasser vingt élèves. Sinon, l’inclusion reste un leurre !

S’agissant des projets personnalisés de scolarisation, l’équipe éducative est rarement mobilisée en permanence : on se contente trop souvent d’une réunion en début et en fin d’année pour valider les propositions d’orientation. De plus, l’équipe éducative est souvent trop administrative.

Pour permettre une scolarisation réussie, il faut également renforcer le lien entre l’éducation nationale et les MDPH, lieux de centralisation de l’information à destination des personnes en situation de handicap. Ces dernières ont un rôle central à jouer dans le suivi de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Elles peuvent orienter parents et enfants, leur indiquer à qui s’adresser pour telle ou telle question liée à la scolarisation. Elles présentent l’avantage de suivre la personne en situation de handicap à tous les âges de sa vie et pourraient être mobilisées pour préparer le passage de l’école à la vie active. Toutefois, de grandes incertitudes planent aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, sur l’avenir des MDPH : peut-être pourrez-vous nous rassurer ?

Si les efforts en matière de scolarisation sont réels et efficaces, la question de l’avenir des jeunes en situation de handicap, passé l’âge de 16 ans, reste posée. À ce titre, l’absence de réflexion sur la professionnalisation dans le cadre des classes ULIS – unités localisées pour l’inclusion scolaire – est regrettable. À mon sens, le développement de classes ULIS pro en lycée devrait être envisagé, de même qu’un renforcement de l’encadrement dans les SEGPA, les sections d’enseignement général et professionnel adapté. Cela permettrait à des enfants pouvant envisager ce type de scolarité d’être mieux accueillis et de construire leur avenir.

Je tenais à aborder ces deux sujets, très liés, qui constituent, avec celui de l’accessibilité, des volets de la loi de 2005 sur lesquels d’importants efforts restent à faire. Le bilan de l’application de cette loi ambitieuse n’est pas négatif. Elle a ouvert des chemins, permis une première reconnaissance. Il faut aujourd’hui empêcher que le poids des contraintes économiques, l’austérité n’entraînent de profonds reculs.

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