Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Le niveau de qualité du service public n’est pas lié à l’exercice du droit de grève

Continuité du service public dans les transports -

Par / 10 juin 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Nicolas Sarkozy a entamé son mandat présidentiel en 2007 en faisant adopter une loi hautement symbolique, abusivement intitulée « continuité du service public dans les transports de voyageurs ». Il a clos ce même mandat en faisant voter par le Parlement, en mars 2012, une proposition de loi renforçant ce texte et élargissant son périmètre d’application aux transports aériens.

À l’époque, tous ceux qui siègent sur les travées de la gauche de cet hémicycle s’étaient opposés à ces lois attentatoires au droit de grève. (M. Michel Teston acquiesce.)

En effet, nous considérions, à juste titre, qu’elles symbolisaient parfaitement l’esprit de cette mandature : un mépris des corps intermédiaires et une volonté d’étouffer par la force la colère sociale face aux politiques ultralibérales menées alors.

L’élection présidentielle et les élections législatives de 2012 ont mis un terme à cette orientation politique et à cette méthode, en plaçant à la tête de l’État une nouvelle majorité, censée renouer un dialogue respectueux et constructif avec les organisations syndicales.

Pour cette raison, nous avons déposé une proposition de loi dès le 9 avril 2013 visant à abroger, au sein de ces textes, les dispositions que nous jugeons attentatoires au droit de grève, tout en suivant attentivement les travaux menés par la mission sur l’état d’application de la loi de 2007, qui élabore un bilan nécessaire et porteur d’évolutions législatives.

Premièrement, et c’est fondamental, nous partageons avec les rapporteurs l’idée que le niveau de qualité du service public n’est pas lié à l’exercice plus ou moins important du droit de grève.

Ainsi, les grèves constituent, cela a déjà été dit, une part infime des dysfonctionnements dans le secteur des transports : environ 3 %, selon le rapport. Ce qui détériore quotidiennement la qualité du service public de transport, c’est bien l’application du dogme de la concurrence, le manque de moyens humains et la faiblesse des investissements publics. Au fond, c’est le renoncement même à toute idée de service public.

Au lieu de traiter des maux du service public, les promoteurs de ces lois démagogiques se sont contentés de détourner la colère des usagers en les opposants aux salariés, sans répondre à leurs attentes légitimes en matière de service public.

Une seule disposition aurait permis d’améliorer le service public : l’article 12 de la loi de 2007, issu d’un amendement de notre groupe, qui impose l’incorporation de clauses sociales et environnementales dans les appels d’offres. Malheureusement, elle n’a été appliquée qu’à la marge, alors même que les rapporteurs ont souligné son importance dans la lutte contre le recours à la sous-traitance.

Je rappelle, à ce titre, que, durant l’examen de cette loi, nous avions également proposé que « les groupes de transport public ne [puissent] sous-traiter l’exercice des missions de service public qu’ils se voient confier sans avoir procédé auparavant à une négociation de nature à faire appliquer les conditions sociales les plus favorables ».

Malheureusement, cet amendement n’avait pu être adopté. Nous estimons pourtant que cette proposition constitue toujours une piste de travail intéressante en vue d’améliorer la qualité du service et, par conséquent, de diminuer la conflictualité au sein des entreprises de transport.

Par ailleurs, la réforme ferroviaire sera soumise au Parlement d’ici peu. Nous estimons qu’elle devrait être l’occasion de poser la question essentielle de la modernisation du service public et de son financement.

Le deuxième aspect de ce rapport concerne les conditions réelles d’exercice du droit de grève aujourd’hui dans les entreprises de transport. Je rappelle à cet égard que nous avons toujours désigné comme objectif réel de ces lois la volonté de rendre plus difficile l’exercice de ce droit, reconnu par la Constitution.

Nous souscrivons, là encore, aux préconisations du rapport, dont les auteurs proposent la suppression des dispositions, introduites par la loi Diard, relatives à la déclaration individuelle de reprise du travail, qui complexifient et rigidifient les rapports entre salariés et employeurs. Nous prenons donc acte, positivement, des déclarations du secrétaire d’État aux transports, qui constituent un premier pas dans ce sens.

Nous souhaitons aller plus loin, en supprimant purement et simplement toute obligation de déclaration faite aux salariés grévistes. En effet, celle-ci n’a qu’un objet : individualiser le rapport des salariés à un mouvement collectif, c’est-à-dire les rendre plus vulnérables aux pressions patronales.

Il en va de même pour la consultation, laissée à l’appréciation de l’employeur au bout de huit jours de mouvement social. Cette mesure reste d’ailleurs difficile à appliquer, et les organisations patronales elles-mêmes ont fait part aux rapporteurs de la difficulté d’obtenir les déclarations, au point que ce sont parfois les syndicats eux-mêmes qui ont dû faire ces décomptes.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport, ces procédés ont contribué à judiciariser les rapports sociaux au sein de l’entreprise. Cela, à l’évidence, ne va pas dans le sens d’une amélioration du dialogue social, ce qui était pourtant l’objectif affiché.

Troisièmement, concernant la création des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers, force est de constater que l’application de la loi est très inégale et que les indicateurs manquent pour juger de l’intérêt de ces dispositions. Je regrette que l’obligation de consultation des institutions représentatives du personnel sur ces plans, avant leur approbation par l’autorité organisatrice, n’ait pas été respectée.

Enfin, alors que les promoteurs de cette loi ont argué de l’instauration d’une information précise et fiable sur la continuité du service, cette obligation n’est assortie d’aucune sanction légale. Dans ces conditions, aucun progrès n’a donc pu être réalisé en la matière.

Le Gouvernement avait également prétendu que cette loi permettrait d’améliorer le dialogue social. Le rapport confirme pourtant qu’il est impossible d’affirmer que l’instauration d’une sorte de préavis du préavis par le dispositif d’alarme sociale a permis d’enrayer la conflictualité. En effet, si les demandes de consultation immédiate ont significativement augmenté, les dirigeants des entreprises continuent d’attendre de constater l’état réel des rapports de force avant d’engager toute négociation.

Or, si le code du travail précise d’ores et déjà que « pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier », cette obligation est souvent méconnue par les dirigeants d’entreprise. Allonger la durée du temps de négociation apparaît donc inutile si rien ne les contraint à se présenter à la table de négociation avec des propositions.

À ce titre, les auteurs du rapport notent très utilement que la procédure de prévention des conflits se résume souvent à la tenue d’une unique réunion entre direction et organisations syndicales, ce qui, à nos yeux, n’est absolument pas suffisant.

Le rapport a également démontré que ces dispositions sont totalement inopérantes lorsque la grève répond à un appel national ou européen interprofessionnel, ce qui représente pourtant la plus grande source de conflictualité. On l’a vu au sujet des grands projets touchant aux retraites et à la protection sociale.

Je me permets alors de formuler une idée simple : la clef de la paix sociale réside dans l’affirmation du choix de politiques progressistes. Cesser de porter atteinte aux acquis sociaux et aux statuts et d’inquiéter les salariés quant à leur avenir est le moyen le plus sûr de réduire la conflictualité au sein des entreprises, notamment dans le secteur des transports.

Au regard des éléments de ce rapport, nous restons persuadés que, afin de restaurer la confiance avec les partenaires sociaux, il convient d’abroger les dispositions de ces lois dont les finalités tendent plutôt à la limitation d’un droit constitutionnel. Nous demandons donc officiellement au Gouvernement d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi que nous avons déposée en ce sens.

Je terminerai, mes chers collègues, en vous rappelant que le droit de grève est le droit ultime pour les salariés dans la défense de leurs droits et de leur outil de travail. Je souhaite aussi rappeler que les grèves menées par les ouvriers ont été, historiquement, la voie la plus sûre pour obtenir les plus belles avancées sociales pour l’ensemble de nos concitoyens.

Plus que jamais, le droit de grève est un droit non seulement constitutionnel mais fondamental pour notre démocratie. Il nous appartient de le protéger !

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