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Les débats

Le réseau culturel français est puissant, mais il est déclinant

Rayonnement culturel de la France à l’étranger -

Par / 26 mars 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rayonnement culturel international est une composante à part entière de la politique étrangère française. Dans un monde globalisé où intérêts économiques, culturels et diplomatiques paraissent plus que jamais liés, il est fondamental.

Il est la base de notre soft power, notre pouvoir doux, comme l’a théorisé Joseph Nye, et il est constitutif de la diplomatie d’influence.

Le rayonnement culturel permet non seulement d’influer indirectement sur un certain nombre d’acteurs internationaux par des moyens non coercitifs, contrairement au hard power, ou pouvoir dur, mais aussi de séduire et de convaincre d’autres États, sans utiliser la force.

Ainsi, la langue, les idées, la création artistique concourent au développement du positionnement et de l’influence générale et durable de notre pays à l’étranger. Le soutien des échanges artistiques et le développement de l’apprentissage de notre langue permettent de promouvoir intérêts politiques et économiques.

De ce point de vue, la France paraît assez bien positionnée sur la scène mondiale. Mais le modèle français ne doit pas cacher un certain nombre de problèmes et de faiblesses qui pourraient continuer à dégrader la situation de notre pays à l’avenir.

La France a un réseau encore puissant.

La diplomatie culturelle française s’appuie sur la coopération et les actions culturelles des ambassades. Avec ses 154 services de coopération et d’action culturelle, notre pays dispose du premier réseau mondial.

La France possède également le premier réseau scolaire à l’étranger. Elle est présente dans plus de 130 pays : 485 établissements accueillent environ 310 000 élèves, dont 115 000 Français, ce qui est positif.

Avec 175 espaces dans 110 pays, Campus France, créé en 2010, regroupe sous un statut unique d’EPIC, ou établissement public à caractère industriel et commercial, l’ensemble des moyens humains et financiers de l’enseignement supérieur français à l’étranger, dans un objectif de valorisation de l’image et de l’influence de notre pays.

À cette action s’ajoutent les 145 instituts et centres culturels dans 92 pays et les 1 075 Alliances françaises dans 134 pays, qui, si elles ne dépendent pas directement du ministère des affaires étrangères, bénéficient, pour 300 d’entre elles, d’une aide financière de ce ministère. Tous ces organismes contribuent, quel que soit leur statut, au rayonnement de la culture française, notamment par l’offre de cours de français à l’étranger, chapeautée depuis 2010 par l’Institut français, qui est chargé de coordonner l’action culturelle internationale.

Le réseau culturel français est donc puissant, mais il est déclinant, et ce déclin est accentué par un désengagement financier et humain. Si la France est toujours considérée comme un modèle en termes de rayonnement culturel à l’étranger, puisque nos partenaires d’Amérique latine et d’Asie du Nord-Est sollicitent encore notre expertise, le recul de l’influence française sur le terrain culturel, le déclin de la francophonie et l’étonnement des pays francophones lorsqu’ils voient la France en retrait dans le combat pour la promotion de sa langue et de sa culture, sont bien des réalités.

La culture française est moins présente sur la scène mondiale qu’il y a quelques décennies. La langue et la culture française sont en recul. L’anglais est la langue internationale et la langue officielle dans 94 pays, sans compter tous ceux où il est couramment parlé, tandis que le français n’est une langue officielle que dans 54 pays. L’influence culturelle de la France diminue en conséquence, alors même qu’elle est le fondement de notre action et de notre conception de la diplomatie.

Cette diminution de notre influence a une cause évidente : malgré son importance stratégique, la diplomatie culturelle a été durement soumise à la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et donc à des suppressions d’empois et à une diminution drastique de ses moyens.

Force est de constater que le nouveau gouvernement n’a pas suffisamment inversé les orientations budgétaires. Nous le regrettons. Le budget pour l’année 2013 s’inscrit dans l’effort de réduction des dépenses publiques : 184 postes seront supprimés en 2013 ; les crédits budgétaires baissent de 7 % en 2013 et devraient baisser de 4 % en 2014 et en 2015. Au total, la réduction globale cumulée sera donc de 15 % sur la période 2012-2015. J’ajoute que les crédits du programme 185, consacré à la diplomatie culturelle et d’influence, s’élèvent à 665 millions d’euros pour l’année 2013, hors dépenses de personnel, ce qui représente une diminution de 0,54 % par rapport à 2012.

Certains instruments de la diplomatie d’influence ont certes été préservés, conformément aux priorités et orientations gouvernementales, mais cela ne suffira sans doute pas à enrayer le déclin.

L’enseignement fait partie des secteurs préservés. Les bourses de mobilité des étudiants étrangers en France constituent le cœur du dispositif d’influence et d’attractivité de la France et du français : la dotation affectée à ce dispositif reste stable. Les crédits pour les échanges d’expertise et scientifiques sont également maintenus à leur niveau de 2012. La diplomatie culturelle est ainsi recentrée sur une vision plus utilitaire, dans la perspective très claire d’éventuels débouchés économiques.

Cette baisse de moyens intervient à un moment où les grands pays émergents, conscients du pouvoir qu’apporte le rayonnement culturel, commencent à investir pour imiter notre modèle. Lancé en 2004 par Pékin, qui a ouvert six établissements cette année-là, dont le premier implanté en France, le réseau Confucius a connu depuis lors une croissance exponentielle : il y avait 118 centres dès 2006, 249 en 2008 et 358 en 2010, l’objectif étant d’atteindre le nombre de 500 instituts dans le monde. La France, loin de s’implanter à des points stratégiques des pays en plein développement, consacre la majorité de ses effectifs et ressources à l’Europe ou à ses anciennes colonies, contrairement à l’Allemagne et au Royaume-Uni, qui n’hésitent pas à déléguer en Europe pour mieux s’imposer dans les pays émergents.

C’est dans ce contexte global que, ces dernières années, l’approche de la France a semblé plus timorée, puisqu’elle n’a consacré que des moyens et instruments plus modestes et moins efficaces à ce volet de sa politique extérieure. Ainsi, le Maroc demeure le premier budget du réseau français pour des raisons historiques – du fait de l’héritage colonial –, mais les investissements dans les pays émergents, notamment les pays dits BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine –, ne sont pas revalorisés.

Or, si le rayonnement culturel a pour finalité d’améliorer son attractivité, de promouvoir ses savoir-faire, sa culture et ses créations, la France doit développer sa présence dans les pays d’avenir. Le risque est en effet que la baisse de l’influence française continue, alors qu’elle a été à l’origine d’initiatives internationales fortes, telles que l’exception culturelle et la lutte contre l’impérialisme culturel.

Dans un contexte de mondialisation, l’enjeu va même au-delà de la stratégie politique et économique nationale : il y va de la survie des spécificités culturelles dans un monde globalisé et uniformisé. Notre culture est porteuse de paix et de solidarité. La France doit poursuivre ses efforts : notre avenir et de notre espoir commun en dépendent.

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