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Les débats

Le « toujours plus » sécuritaire n’est pas la solution

Débat préalable au Conseil européen des 12 et 13 février 2015 -

Par / 4 février 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, compte tenu des événements dramatiques qui ont touché notre pays il y a quelques semaines, il est légitime de s’interroger sur les moyens mis en œuvre au sein de l’Union européenne afin de lutter contre le terrorisme.

L’ensemble des responsables européens ont fermement condamné ces actes barbares. Depuis lors, nous assistons à une vague déferlante de mesures sécuritaires prises un peu en ordre dispersé au sein de l’Union.

Ces réactions multiples et peu coordonnées illustrent la difficulté de définir une réponse commune de l’Union européenne. Cela va de la confiscation des papiers d’identité des personnes considérées comme potentiellement dangereuses à l’accélération des accords sur le partage des données des passagers des transports aériens, en passant par le renforcement ou la réforme de l’espace sans frontières de Schengen.

La plus grande difficulté, actuellement, est d’analyser de façon concrète la situation. Au regard de ce que nous avons connu ces dernières décennies, nous pourrions qualifier cette forme de terrorisme de « nouvelle », sous un certain angle. Elle est nouvelle dans le sens où elle s’est totalement adaptée aux technologies de notre temps, ce qui la rend d’autant plus difficile à appréhender, à anticiper et donc à combattre.

L’année dernière, la Commission estimait le nombre de combattants islamistes européens à 1 200 environ, principalement présents en Syrie. Mais, en réalité, leur nombre pourrait aujourd’hui osciller entre 3 000 et 5 000, selon diverses estimations.

Selon la commissaire européenne Cecilia Malmström, les lois actuelles « sont importantes, mais pas suffisantes ». C’est pourquoi il est demandé à l’Union européenne de ne faire qu’une face à ce fléau.

Déjà, certains gouvernements proposent diverses solutions à l’échelon national.

Certains mettent en place des formations pour les travailleurs sociaux, qui sont en première ligne dans la lutte contre les groupes radicaux. D’autres mesures visent à proposer des « stratégies de sortie » aux membres de ces groupes terroristes.

La lutte contre la propagande terroriste sur internet se met désormais en place.

Par ailleurs, l’exécutif européen compte consacrer 20 millions d’euros à la création d’un « pôle européen de connaissance ». Celui-ci, qui devrait être opérationnel dès cette année, contribuera à la détermination et à la diffusion des bonnes pratiques parmi les États membres.

Mais rappelons que l’Union européenne n’a pas attendu ces terribles événements pour mettre en œuvre le projet de réseau européen de sensibilisation à la radicalisation, dont le budget s’élève à 8 millions d’euros et au travers duquel les experts européens et des acteurs issus de la société civile coopèrent et confrontent leurs expériences.

Il s’agit donc d’une question récurrente, à laquelle il est compliqué d’apporter des réponses purement législatives.

Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du 19 janvier dernier, différentes pistes ont été abordées, comme la création d’un réseau d’agents de sécurité à l’étranger, dans le cadre d’une réponse commune à la menace djihadiste.

La cybersécurité est également une thématique prioritaire, mais il faut s’assurer du respect de la vie privée, droit fondamental que l’Union européenne doit garantir.

La proposition de directive sur la cybersécurité, en cours de négociation au Conseil des ministres, devrait également voir le jour assez rapidement. Cette dernière obligerait certaines entreprises à déclarer les cyberattaques dont elles sont victimes. Pour le moment, c’est justement la définition des entreprises devant être concernées par cette mesure qui fait débat.

Je m’interroge cependant sur la pertinence de certaines mesures. Je ne pense pas que le « toujours plus sécuritaire » soit la seule solution pour lutter contre le terrorisme. Si nous voulons de véritables résultats, il est nécessaire de s’attaquer aussi aux réelles sources du terrorisme. Pouvons-nous prévenir de futures attaques terroristes seulement en renforçant le contrôle aux frontières, en conservant les données du PNR durant cinq ans ? Ces mesures ne créent pas mécaniquement plus de sécurité.

En revanche, nous pourrions nous assurer qu’il n’y ait pas d’exportations d’armes vers les zones de conflit. Cela risque de déplaire fortement à certains marchands d’armes, mais ce serait tout aussi efficace, voire davantage. Quelle sera la position de la Commission par rapport au commerce des armes dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme ?

Je pense que ce dont l’Union européenne a véritablement besoin, c’est d’un débat et d’un dialogue honnête sur l’anti-islamisme, l’antisémitisme, la xénophobie et la marginalisation, plus que de restrictions supplémentaires et de législations d’urgence.

Le terrorisme trouve ses racines, pour partie, là où les États ont failli : la pauvreté, la misère intellectuelle et culturelle sont de fertiles terreaux, facilement exploitables !

Je voudrais, à cet instant, citer le philosophe et théologien Ghaleb Bencheikh, qui disait, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo : « Le fondamentalisme n’est que le culte sans la culture, la religiosité sans la spiritualité, c’est une forme de fanatisme, c’est une croyance sans la connaissance. »

Il est donc nécessaire de donner aux États les moyens financiers et humains de mener, dans ce domaine comme dans bien d’autres, des politiques ambitieuses. Pour ce faire, l’austérité n’est pas la bonne voie. Il faut créer l’espoir d’un horizon meilleur pour nos jeunes générations. Sans cet espoir, la multiplication des politiques sécuritaires n’aura, au fond, que peu d’effet.

Monsieur le secrétaire d’État, il me paraît difficile, à l’occasion de ce débat, de ne pas aborder d’autres sujets qui font l’actualité européenne. Concernant la situation de la Grèce, j’avoue avoir un peu hésité à en parler, mais je m’y suis décidé en vous entendant l’évoquer.

Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, était aujourd’hui même à Paris. Il est essentiel que la Commission prenne en compte la nouvelle donne dans ce pays. Après des années d’austérité, de chômage de masse et de dette colossale, le peuple grec, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, a choisi une autre voie. Il a ainsi clairement exprimé son rejet des politiques d’austérité imposées par la « troïka ».

Oui, l’action du nouveau gouvernement sera scrutée jour après jour par ceux qui l’ont porté au pouvoir, mais aussi par l’ensemble du peuple grec et par les autres peuples européens. Les citoyens ont envoyé un message, mais ils n’ont pas signé un chèque en blanc, comme l’a dit lui-même Alexis Tsipras.

Oui, il faut aider la Grèce à se réformer ; donnons-lui un peu d’espace budgétaire pour lui permettre de se reconstruire, donnons un peu d’oxygène à ce peuple qui a tant souffert ces dernières années, mais aussi à l’Europe. Voilà des questions qui se posent à nous.

Vous avez parlé d’un « accompagnement », monsieur le secrétaire d’État, mais il y a lieu de préciser ce que l’on entend exactement par là.

Au début de la semaine, Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission, a confirmé que, « à terme », la « troïka » devrait évoluer. Qu’elle doive fortement évoluer dans les prochains mois n’est, en soi, ni une nouveauté ni une surprise. Même le Parlement européen s’est montré très critique à son égard, dans un rapport d’enquête qui mentionnait que la « troïka » avait privilégié, en Grèce, les coupes budgétaires aux réformes de structures. Quelles propositions la France formulera-t-elle dans ce domaine ?

Enfin, je voudrais aborder aujourd’hui un autre point d’actualité qui me semble incontournable, comme vous l’avez fait vous-même à juste titre, monsieur le secrétaire d’État. Je veux évidemment parler de la situation dans l’est de l’Ukraine, pays voisin de notre ensemble européen.

Les affrontements ont repris et la crise humanitaire se durcit dans l’est du pays. Depuis le début des affrontements, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, le conflit ukrainien a provoqué le déplacement de 600 000 personnes environ et aurait fait près de 5 000 morts et de 10 000 blessés.

Selon certaines sources, les séparatistes russes ne seraient pas les seuls fauteurs de troubles. D’après Amnesty International, les combattants pro-Kiev bloquent l’aide humanitaire dans l’est de l’Ukraine. On le voit, tous les foyers de tension sur notre continent peuvent engendrer des menées terroristes. Les injustices de toute nature, où qu’elles se produisent, constituent à l’évidence un terreau fécond pour le terrorisme.

La Commission européenne et les États membres préparent actuellement un « paquet » humanitaire commun. Quelle sera, dans ce cadre, la participation de la France ? Comment la France et l’Union européenne comptent-elles intervenir dans ce conflit ? Quelle est la stratégie pour permettre une paix durable, surtout quand on sait que l’administration américaine débat de l’opportunité de fournir des armes à l’Ukraine ?

Il est nécessaire que l’Union européenne soit garante d’une paix durable sur le vieux continent. Nous devons donc tout mettre en œuvre pour qu’il en soit ainsi et ouvrir de nouveaux horizons.

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