Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Les communes constituent le pivot de l’organisation territoriale, le cœur battant de notre République

Avenir de l’organisation décentralisée de la République -

Par / 7 janvier 2014

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, durant ces dernières années d’intenses discussions ont eu lieu autour de l’organisation territoriale de notre pays.

Intelligence, confiance, égalité, efficacité, mais aussi rationalité et compétitivité ont été les maîtres mots des différents débats qui se sont tenus dans cet hémicycle.

La répartition des compétences, les échelons territoriaux pertinents, les moyens de l’action publique, sont autant de questions encore sans réponse aboutie aujourd’hui.

Notre débat est marqué par un contexte d’incertitude. En effet, nous avons assisté à la production de très nombreux textes législatifs ayant une incidence directe sur nos collectivités territoriales : réforme de 2010, métropolisation, nouvelle programmation des fonds structurels européens, contractualisation État-régions pour la période 2014-2020. Par ailleurs, nous sommes dans l’attente des deux autres volets législatifs de la réforme voulue par le Président de la République.

Bref, la réflexion sur notre organisation territoriale à l’horizon 2020-2025 s’inscrit, vous en conviendrez, dans un contexte extrêmement mouvant.

Si nous souscrivons à certains éléments de l’état des lieux esquissé et à certaines des préoccupations relevées par la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, nous ne partageons pas l’essentiel de ses préconisations.

Qu’il me soit permis d’abord de dire un mot de la méthode. Les États généraux de la démocratie territoriale, qui se sont déroulés ici même, au Sénat, ont permis aux élus d’exprimer leurs attentes et leurs inquiétudes. Nous devons les écouter.

Les élus ont clairement affirmé la nécessité de rétablir la compétence générale des régions et des départements. Ils ont mis l’accent sur leur attachement à la commune ainsi que sur l’importance de mettre en place un véritable statut de l’élu. Surtout, ils ont exprimé le besoin d’évaluer les normes et d’effectuer une pause dans les réformes.

L’objet de notre mission est si fondamental qu’il eût justement été opportun de réfléchir à une nouvelle méthodologie. Quatre réunions d’auditions, quatre discussions et trois déplacements ne nous semblent absolument pas suffisants pour un tel chantier. Puisque cette mission commune d’information avait pour objectif de se pencher sur l’avenir, nous aurions pu prendre plus de temps et réfléchir au moyen de rendre la parole non seulement aux élus mais aussi aux citoyens, aux fonctionnaires territoriaux, aux entrepreneurs, aux commerçants et artisans, aux agents des services publics, bref, aux premiers concernés.

À cet égard, cela aurait pu être l’occasion d’élaborer un questionnaire, puis de le soumettre au débat public. Les questions se bousculent, et on a mesuré leur grand nombre depuis le début de cette après-midi : « Y a-t-il réellement trop de communes ? Y a-t-il trop d’échelons, trop de doublons ? Faut-il supprimer les départements ? Qu’attendez-vous de vos élus ? Quels doivent être les services publics et à quelle échelle ? Pensez-vous que notre organisation territoriale soit trop complexe ? » Cette méthode nous aurait permis de sortir de l’ « entre soi » qui nous est si souvent reproché, et sans doute de nous bousculer dans nos points de vue.

C’est que, malgré la complexité du sujet, on observe, sur l’ensemble du territoire, un foisonnement d’initiatives populaires et de réflexions d’une très grande richesse. Mme la ministre vient de nous livrer quelques-unes de ses réflexions, clause de solidarité, compétence en matière de tourisme. Monsieur le rapporteur, j’ai l’impression que notre mission vient tout juste de commencer !

Sur le fond, il nous semble que ce rapport prélude à un éclatement des solidarités territoriales, et à ce que son auteur qualifie lui-même d’« émergence d’un sous-prolétariat territorial ». Voilà une expression que je reprends volontiers également !

En effet, après la territorialisation de l’action publique, qui porte en germe cette fracture territoriale, cette mission commune d’information propose d’aller plus loin encore vers « la différentiation des territoires », permettant la mise en place d’un véritable pouvoir décentralisé d’adaptation de la législation et mettant ainsi à mal, à nos yeux, l’égalité des citoyens devant la loi, au risque de renforcer les inégalités territoriales.

Le « choc des territoires » – pour reprendre la terminologie du rapport – fondé sur la mise en concurrence de ces derniers, serait destructeur des solidarités nationales et d’un aménagement harmonieux et équilibré du territoire, au seul profit des zones denses qui « aspireraient » l’essentiel des capacités de développement. Sur ce point, nous devons être extrêmement attentifs et vigilants.

Nous ne souscrivons pas à l’objectif de réduction du nombre de régions. J’ai du reste le sentiment que Mme la ministre n’y adhère pas non plus ! Nous ne souscrivons pas davantage à une possible disparition des départements dans les zones urbaines, ou à la perspective d’une fusion rapide des départements de la petite couronne d’Île-de-France. Au demeurant, ces projets de modifications ne tiennent jamais compte de l’avis des populations concernées. L’exemple alsacien devrait pourtant nous inspirer !

Si nous nous associons à la mission d’information pour réaffirmer la place des communes, nous nous interrogeons sur leur véritable avenir. En effet, le rapport ne mentionne plus qu’un « bloc communal » pour la mise en œuvre des politiques publiques de proximité. Il situe ce « bloc communal » comme premier échelon de la démocratie locale, en lieu et place des communes. Or nous n’avons pas défini ce terme de « bloc communal » que pourtant nous ne cessons d’employer ! Est-ce une manière d’acter diplomatiquement la fin des communes ? Je pose la question. Ce nouveau vocable est flou. Il peut se révéler dangereux pour tous ceux et toutes celles qui, comme les sénateurs du groupe auquel j’appartiens, sont profondément attachés à la commune.

Nous n’avons cessé en effet de le rappeler, que ce soit lors de débats relatifs à la politique de la ville, à la politique du logement – avec l’obligation du PLU intercommunal – ou au mode d’élection de ceux que l’on nomme non plus les « délégués » mais les « conseillers communautaires » : les communes constituent le pivot de l’organisation territoriale, le cœur battant de notre République. Il serait impensable de se priver de cet atout unique en Europe, en leur retirant leurs compétences.

L’avenir de notre pays ne peut reposer sur quelques métropoles que l’on compterait sur les doigts d’une ou de deux mains. L’équilibre est à rechercher entre les territoires, urbains, rurbains et ruraux. C’est cette démarche qu’entreprennent aujourd’hui plus d’une trentaine de départements avec le concept de « nouvelles ruralités », sur l’initiative du président du conseil général de l’Allier.

Enfin, le traitement des questions financières et fiscales, auxquelles l’ensemble des collectivités territoriales sont confrontées, mériterait d’être approfondi par notre mission commune d’information. De fait, à l’heure actuelle, les collectivités territoriales sont étranglées financièrement. Si elle est la bienvenue, une simplification de la fiscalité des EPCI ne sera pas la solution à tous les problèmes !

Pour notre part, nous considérons que la décentralisation doit être organisée selon le principe de proximité, permettant d’optimiser les décisions publiques dans le sens d’une plus grande satisfaction de l’intérêt général.

Nous faisons le choix du développement des coopérations et non de la mise en concurrence des territoires.

L’autonomie des collectivités territoriales devrait être assurée par l’actualisation du principe de libre administration et par une réforme de la fiscalité locale, avec participation des actifs matériels et financiers des entreprises.

Nous saluons la qualité du rapport, mais nous ne jugeons pas que ses conclusions satisfassent à ces objectifs. Cette mission commune d’information aurait dû être un premier pas vers une réflexion rénovée, permettant de rapprocher les citoyens de leurs élus, en leur donnant la parole. Il s’agit, à cet égard, d’une occasion manquée. C’est une autre raison pour laquelle nous n’avons pas voté les conclusions de ce rapport.

Une véritable décentralisation démocratique et républicaine doit être fondée sur la souveraineté populaire, le contrôle citoyen, l’égalité de traitement, la coopération entre les collectivités et la solidarité entre les territoires et les populations. Ce n’est qu’au prix du respect de ces conditions qu’une réforme territoriale pourra être pérenne !

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