Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Les déserts médicaux progressent et l’accès aux soins pour nos concitoyens ne cesse de se réduire

Déserts médicaux -

Par / 11 juin 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis moi aussi de la tenue de ce débat, qui nous permet d’échanger sur l’excellent rapport de nos collègues Jean-Luc Fichet et Hervé Maurey.

Ce rapport traite de la question des déserts médicaux et de l’accès aux soins pour nos concitoyens, que la Haute Assemblée ne saurait ignorer. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’elle fasse l’objet d’un rapport de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, alors qu’elle relève a priori du champ de compétence de la commission des affaires sociales. Nous pouvons y voir le signe de l’attachement de notre commission et de son président à veiller à ce que tous nos concitoyens, indépendamment de leur lieu de résidence, soient traités sur un pied d’égalité. Cela témoigne également de notre volonté commune de développer nos territoires et de les aménager dans le respect des besoins de celles et ceux qui ont choisi d’y vivre, et que nous représentons.

Madame la ministre, j’observe que nous héritons d’un système mis en place voilà une dizaine d’années : vous n’avez donc de leçon à recevoir de personne en l’occurrence.

C’est avec la préoccupation de répondre aux besoins de nos concitoyens que j’ai participé aux auditions menées par le groupe de travail et que j’ai finalement fait le choix, en concertation avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, d’approuver les conclusions de son rapport, malgré quelques réserves sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Nous partageons le constat que nos collègues ont dressé et approuvons pour l’essentiel les seize propositions qu’ils ont formulées, ainsi que, d’une manière générale, l’esprit dans lequel ils ont travaillé.

Intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment », le rapport d’information souligne l’inefficacité des mesures mises en œuvre jusqu’à présent et appelle à l’adoption de dispositions plus audacieuses, mais aussi, tout simplement, plus efficaces. Madame la ministre, nous vous donnons acte de votre volonté de résoudre la problématique de la désertification médicale.

Le premier constat que nous avons établi durant nos travaux est celui de la situation quelque peu paradoxale dans laquelle nous nous trouvons : si les décennies à venir seront assurément marquées par un déficit démographique, du fait d’un taux insuffisant de remplacement des nombreux médecins partant à la retraite, tel n’est pas le cas actuellement.

Aujourd’hui, malgré trente années de politiques incitatives reposant presque exclusivement sur des aides financières à l’installation, les déserts médicaux progressent et l’accès aux soins pour nos concitoyens ne cesse de se réduire, en raison, essentiellement, d’une mauvaise répartition des personnels médicaux.

Nos collègues estiment, dans leur rapport d’information, que 5 % de la population, soit 3 millions de nos concitoyens, connaît d’importantes difficultés pour accéder aux soins. Ce nombre, déjà inquiétant, est appelé à croître si aucune mesure sérieuse n’est prise, et cette évolution posera un problème majeur pour l’avenir de nos territoires.

Nous ne pouvons nous résoudre à cette situation et nous refusons tout discours pessimiste selon lequel rien, au fond, ne serait possible.

Les mesures que vous avez annoncées, madame la ministre, ont le mérite de reposer sur une série de constats que la majorité précédente ignorait. Je pense particulièrement à la reconnaissance de l’attrait de plus en plus grand du salariat aux yeux des jeunes médecins. Je me souviens que, lors de l’élaboration de la loi HPST, Xavier Bertrand et un certain nombre de nos collègues avaient repoussé nos amendements, considérant qu’il fallait préserver à tout prix le modèle dit libéral et éviter le salariat, qu’ils réduisaient, avec un certain mépris, à une médecine de caisse.

Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreux à reconnaître cette aspiration des jeunes médecins, et particulièrement des femmes ; nous entendons celles et ceux, aujourd’hui majoritaires, qui plaident pour l’exercice collectif.

Nous souscrivons donc pleinement à la proposition n° 8 du rapport de favoriser et de soutenir financièrement l’exercice regroupé, même si nous souhaitons que l’attribution de fonds publics soit conditionnée au respect des tarifs opposables.

Nous sommes également d’accord avec la proposition n° 10, concernant le développement de la médecine salariée via notamment le renforcement des centres de santé. Aussi nous interrogeons-nous, madame la ministre, sur les raisons pour lesquelles l’accord national destiné à organiser les rapports entre les centres de santé et les caisses nationales d’assurance maladie, conclu en 2003 et reconduit une première fois en 2008, a été confirmé tacitement en l’état, alors même que la Fédération nationale des centres de santé et la majorité des acteurs de ce secteur appelaient à une renégociation, afin que les dispositions s’appliquant aux médecins libéraux puissent être étendues aux centres de santé, qui demeurent aujourd’hui exclus du champ de certains dispositifs utiles à leurs patients, comme le forfait ALD, les tests de diagnostic rapide des angines ou le dépistage de certains cancers.

M. Dominique Watrin. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour soutenir les centres de santé ?

Puisque notre collègue Hervé Maurey nous invite à réfléchir sur la notion de salariat, pourquoi ne pas envisager clairement la création d’un service public de santé de premier recours, qui pourrait être assumé tant par les centres de santé que par des médecins exerçant en dehors des structures collectives ? Sans doute faudrait-il alors sortir de la logique de la rémunération à l’acte, particulièrement inadaptée dans certains territoires, pour créer enfin une rémunération forfaitaire, qui intégrerait clairement une dotation pour l’accomplissement de cette mission de service public de garantie de l’accès aux soins de premiers recours.

Mme Annie David et M. Dominique Watrin. Très bonne piste !

Mme Évelyne Didier. Cette mesure nous apparaît d’autant plus légitime que notre pays investit beaucoup d’argent – à bon droit – dans la formation de ses médecins, lesquels bénéficient, même à titre libéral, pour leurs consultations à tarifs opposables, d’une garantie totale de leurs salaires par la sécurité sociale. J’ai coutume de taquiner un peu les médecins que je connais en leur disant que leur exercice n’a de libéral que le nom et qu’ils assurent en réalité une mission de service public, dont la rémunération est garantie par la collectivité.

Naturellement, nous soutenons la proposition n° 6, qui est de créer, à l’échelle départementale, une commission de la démographie médicale, chargée d’évaluer au plus près les besoins. Cela est cohérent avec la position du groupe CRC, qui a constamment plaidé en faveur de la régionalisation des épreuves classantes, tout simplement parce que les étudiants s’installent généralement dans la région où ils ont suivi leurs études.

Enfin, le groupe CRC approuve les deux dernières propositions de nos collègues, qui sont sans doute celles qui ont fait le plus parler d’elles : l’une est d’instaurer, pour les médecins spécialistes, une obligation temporaire d’exercice dans certains territoires déficitaires, l’autre est d’informer dès à présent les étudiants en médecine de la possible création, à l’issue de la présente législature, d’une obligation temporaire d’exercice dans des zones sous-denses.

Il s’agit clairement, comme le groupe CRC le propose depuis des années, de passer d’une politique incitative à une politique que je qualifierai non pas de coercitive, mais plutôt de solidaire. La mesure consistant à garantir un revenu aux médecins généralistes qui s’installeraient dans des zones sous-dotées pour une durée limitée de deux ans valide notre analyse. Cette disposition, vous la concevez, monsieur le rapporteur, comme une aide temporaire allouée aux médecins, ceux-ci étant censés, après deux ans, avoir réussi à attirer et en quelque sorte à fidéliser une patientèle.

Nous préférons, quant à nous, inverser la logique en partant des besoins des patients. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le principe d’une période minimale d’exercice obligatoire dans des territoires sous-dotés pour les jeunes diplômés. Une telle obligation existe déjà pour certaines professions médicales, y compris libérales, comme celle d’infirmier. Je souligne d’ailleurs que les instituteurs s’engageaient à servir l’État durant dix ans à l’issue de l’école normale, et mon expérience personnelle me permet de vous assurer qu’ils n’en mouraient pas !

M. Gérard Le Cam. Très bien !

Mme Évelyne Didier. L’enjeu est clairement de concilier les désirs légitimes des jeunes médecins et les besoins de nos concitoyennes et concitoyens, même si, on le voit bien, la question de la démographie médicale met en jeu toute notre politique d’aménagement du territoire. Tous ensemble, nous devons absolument trouver des solutions.

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