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Les débats

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2007, 2008 et 2009 ne sont toujours pas pleinement applicables

Rapport annuel du contrôle de l’application des lois -

Par / 7 février 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre débat de ce jour nous donne l’occasion inédite d’aborder publiquement des questions qui, jusqu’à présent, étaient étudiées par chaque commission avant qu’une synthèse de leurs travaux fasse l’objet d’une communication interne du président du Sénat. C’est à mon sens une initiative heureuse de la nouvelle commission spécifiquement chargée du contrôle de l’application des lois, dont le Sénat a récemment décidé la création.

En effet, cet exercice est fondamental pour mesurer le degré de difficulté pratique d’application de la législation que nous votons, mais plus encore pour savoir si les lois adoptées cette année et au cours des précédentes sessions s’appliquent réellement. Cela devrait aller de soi, mais qu’en est-il exactement ?

Au cours de la session ordinaire 2010-2011, sur les 48 lois adoptées par le Parlement, 7 ont été examinées au fond par la commission des affaires sociales, portant toutes sur des sujets « lourds », mais également variés : ce furent, entre autres, la réforme des retraites, la gestion de la dette sociale, la bioéthique ou les soins psychiatriques, sans oublier la loi annuelle de financement de la sécurité sociale.

De plus – les sénatrices et sénateurs déjà élus avant le mois de septembre dernier s’en souviennent –, l’activité législative s’est poursuivie de manière intense au cours de la session extraordinaire qui a suivi, puisque 5 autres lois ont été adoptées dans notre secteur de compétence. Ces textes, majoritairement issus d’initiatives parlementaires, ne font cependant pas partie du champ de mes propos, puisqu’ils figureront dans les statistiques de l’année prochaine.

Ce cadre étant posé, j’en viens à l’application des lois proprement dite.

La première observation est plutôt encourageante : le taux d’application des textes votés l’an dernier est plus satisfaisant que celui de l’année précédente. Toutefois, les comparaisons se trouvent biaisées, le bilan étant établi cette année à la date du 31 décembre, tandis que la pratique habituelle arrêtait les compteurs au 30 septembre. Le délai supplémentaire de trois mois accordé à l’exécutif pour qu’il dispose des six mois auxquels il a droit pour publier ses décrets a naturellement contribué à améliorer le résultat d’ensemble.

Ainsi, sur les 7 lois que j’ai mentionnées, 2 sont déjà entièrement en vigueur : la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, qui était d’application directe, et la loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale, dont les six mesures qu’elle appelait sont rapidement parues ; 4 le sont en grande partie, à hauteur de 81 % en moyenne, soit un taux particulièrement élevé qu’il convient de souligner. C’est notamment le cas de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, applicable à 72 %, et de la loi portant réforme des retraites, applicable à 84 %.

En revanche, la dernière loi relative à la bioéthique doit être considérée comme non-applicable en l’absence totale de parution des décrets correspondants. Certes, cet état de fait était prévisible, car la complexité des mesures réglementaires nécessaires avait conduit le secrétariat général du Gouvernement à annoncer qu’elles ne commenceraient à intervenir qu’à compter de mars 2012. Pour autant, au regard d’un texte aussi essentiel qui affecte directement l’activité de nos chercheurs et dont l’adoption a été très tardive par rapport à l’échéance initiale, on ne peut que déplorer cette situation.

Pour en revenir à des considérations générales, les lois votées cette année dans notre secteur appelaient 168 mesures d’application, soit presque trois fois plus que l’an dernier. Cela correspond au tiers des mesures requises par l’ensemble des lois adoptées par le Parlement durant cette session. Je me dois de souligner cette particularité des lois sociales, qui nécessitent un grand nombre de mesures réglementaires. Cette constatation appelle une question : est-il légitime, monsieur le ministre, de laisser à l’exécutif un champ aussi vaste pour compléter les textes que nous votons ?

Mes hésitations se fondent notamment sur ces fameux décrets d’application de la loi portant réforme des retraites, dont nous avions été nombreux à dénoncer qu’ils ne correspondaient pas à l’esprit du législateur.

Nous aurions tous à y gagner si la co-élaboration des décrets entre les parlementaires et l’exécutif, mesure que vous avez évoquée, monsieur le ministre, voyait le jour.

J’en reviens aux 168 mesures d’application susvisées. L’objectif a été atteint à 78 % par les services concernés ; ils ont assuré la publication de 130 textes. C’est un résultat spectaculaire et un record jamais atteint en la matière. Je nuancerai toutefois mon propos en rappelant le délai supplémentaire accordé cette année à l’exécutif, qui améliore indéniablement ce résultat d’ensemble.

J’observe aussi que les mesures effectivement publiées ont respecté, dans 62 % des cas, le fameux délai de six mois prévu par une circulaire de 2008 du Premier ministre. Ce taux n’était que de 50 % l’an dernier, ce que nous avions déploré. Cela étant, des marges de progression appréciables subsistent.

Pour ce qui concerne les lois plus anciennes, la situation est plutôt favorable, même si des cas particuliers plus singuliers perdurent.

J’observe d’abord que quelques lois restent insuffisamment applicables. Ainsi, aucun des trois décrets attendus depuis presque deux ans pour l’application de la loi relative à la création des maisons d’assistants maternels n’a encore été pris. Certes, ces maisons n’en ont pas besoin pour être mises en place et fonctionner, mais ce retard est fâcheux s’agissant d’un dispositif législatif issu d’une initiative parlementaire, et ce d’autant que lesdits décrets concernent les liens entre les parents et les assistants maternels.

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2007, 2008 et 2009 ne sont toujours pas pleinement applicables, leur taux d’application s’établissant respectivement à 77 %, à 92 % et à 84 %. S’agissant de textes aussi fondamentaux, il est fort regrettable que le travail ne soit pas achevé.

Ensuite, si le Gouvernement porte son effort sur certaines lois emblématiques, comme la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie – cette dernière nécessite apparemment un toilettage –, c’est aux dépens d’autres textes, qu’il semble avoir oubliés. Il en est ainsi de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui stagne à 47 % d’application, 46 mesures sont toujours en attente, ou encore de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, dont le taux d’application stagne depuis plusieurs années à 51 %, avec 62 mesures toujours en attente.

Ne faudrait-il pas envisager, dans ces situations qui durent plus que de raison, que le Gouvernement revienne devant le Parlement pour trouver une issue constructive ? La loi elle-même pourrait être améliorée si son application pose des difficultés pratiques qui n’avaient pas été pressenties lors de son adoption.

Je dirai enfin quelques mots sur les rapports régulièrement demandés au Gouvernement. Les statistiques confirment notre sentiment qu’ils sont bien peu opérants. Sur les 101 rapports prévus par les lois examinées par la commission des affaires sociales entre 2007et 2011, seuls 22 ont été effectivement remis au Parlement.

Ce chiffre illustre les limites de la méthode, même s’il s’agit bien souvent de la seule façon, pour les parlementaires, d’attirer l’attention du Gouvernement sur un sujet sans encourir les foudres de l’article 40 de la Constitution. Il serait nécessaire et légitime, à mon sens, que nous réfléchissions ensemble à cette manière de procéder.

En conclusion, pour permettre à notre nouvelle commission de renforcer l’effectivité de la législation en vigueur, nous avons souhaité lui confier le contrôle de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé et à laquelle nous attachons une attention extrême. En effet, bien qu’adoptée voilà sept ans, elle ne remplit toujours pas les objectifs qui avaient été alors fixés : je pense notamment aux difficultés de scolarisation des enfants par manque d’auxiliaires de vie scolaire, ou encore aux problèmes d’accessibilité des locaux.

Peut-être nous faudra-t-il adopter des textes complémentaires ou ajuster ceux qui ont déjà été votés… Selon moi, il revient à notre nouvelle commission d’en juger. Cela étant, monsieur Assouline, la commission des affaires sociales continuera de se préoccuper de ces sujets, dans un esprit de parfaite collaboration, par la voix de Claire-Lise Campion et Isabelle Debré.

Nul doute que ce travail collectif, mis en œuvre dans un esprit constructif, nous permettra d’améliorer l’application des lois votées par le Parlement.

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