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Les débats

Les prérogatives des CHSCT doivent être renforcées, de même que les moyens de l’inspection du travail

Suivi de la mission d’information de 2005 sur l’amiante -

Par / 21 octobre 2014

Membre du comité de suivi de la mission d’information de 2005 sur l’amiante.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les troisième et quatrième axes de nos propositions, qui tendent à mieux protéger les travailleurs et la population face au risque amiante.

Mieux protéger les travailleurs passe d’abord par une formation spécifique obligatoire à ce risque pour tous les maîtres d’œuvre au sens large, formation pouvant s’inspirer en partie des règles prévues par l’arrêté du 23 février 2012 pour les salariés des entreprises de désamiantage.

Nous souhaitons également une véritable sensibilisation des organisations professionnelles des métiers particulièrement exposés au risque amiante. L’enjeu est considérable, puisque près d’un million de travailleurs dans le secteur du bâtiment seraient concernés par ce risque.

Parallèlement, nous espérons que la négociation actuelle des partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel aboutira à un renforcement du rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en matière de prévention du risque amiante.

Mais il faut surtout renforcer l’action de l’inspection du travail, qui est en première ligne pour défendre les droits des salariés exposés à l’amiante.

L’augmentation du nombre d’agents de contrôle de l’inspection du travail est la condition sine qua non pour protéger les salariés. Qui peut croire un seul instant que les 743 inspecteurs et 1 493 contrôleurs en section d’inspection peuvent assurer sereinement leurs missions ? Un agent de contrôle peut-il vraiment suivre en moyenne 8 130 salariés ?

La création d’une cellule nationale d’appui « amiante » à la direction générale du travail, la DGT, et de cellules régionales dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, permettra de mieux accompagner les agents et d’élaborer une doctrine cohérente, sans remettre en cause, bien évidemment, leur liberté pour ce qui concerne les suites qu’ils comptent réserver à leurs contrôles.

Dans ce cadre, les efforts récents pour clarifier la distinction entre les travaux relevant de la sous-section 3, qui désigne les travaux de retrait, le confinement et la démolition, et ceux qui relèvent de la sous-section 4, regroupant les travaux limités dans le temps et l’espace, doivent être poursuivis.

Il convient également d’encourager la coopération systématique avec d’autres services, comme les agents de prévention de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAM, dans le respect des compétences de chaque corps. Il serait d’ailleurs très utile de lancer une grande campagne de contrôle sur les chantiers de désamiantage au niveau national pilotée entre la direction générale du travail, l’INRS et le réseau prévention, à l’image de celle qui avait été menée au début des années 2000. Mais l’inspection du travail ne peut pas et ne doit pas être seule face au risque amiante ; chaque ministère doit jouer son rôle en amont ou en appui pour protéger nos concitoyens.

Le comité de suivi est également favorable à un élargissement de l’arrêt de chantier amiante à tous les secteurs d’activité et à tous les risques liés à l’amiante.

Enfin, le comité plaide pour que la direction générale du travail accentue ses efforts à l’égard des laboratoires de prélèvement et d’analyse, qui sont l’objet de nombreuses critiques. Des réunions de travail ont été organisées sous l’égide du ministère du travail depuis le début de l’année, mais elles doivent déboucher sur un véritable plan d’action.

J’en viens maintenant au dernier axe de nos propositions visant à mieux protéger la santé de la population.

Le comité a proposé d’abaisser le seuil déclenchant des travaux de désamiantage à 0,47 fibre d’amiante par litre d’air, mais nous constatons que le Haut Conseil de la santé publique, dans un rapport rendu public le 14 août dernier, propose un seuil à deux fibres par litre à compter de 2020. Cet abaissement du seuil est subordonné à la mise en œuvre de l’ensemble des recommandations très ambitieuses du Haut Conseil, lesquelles rejoignent pour la plupart celles qui ont été formulées par notre comité de suivi.

L’amiante présente un risque important pour les particuliers qui y sont confrontés dans leur environnement, notamment lors d’activités de bricolage. Or il existe un fossé entre les mesures de prévention prévues par les textes et la réalité du terrain. Il convient donc de mieux informer les particuliers sur la gestion des déchets susceptibles de contenir de l’amiante et de réfléchir avec les collectivités locales aux moyens d’organiser la collecte et le stockage à des coûts abordables.

Un autre enjeu important est le suivi post-professionnel des personnes exposées au cours de leur activité à des produits cancérigènes comme l’amiante.

Le mécanisme actuel demeure, hélas ! bien trop complexe, car il impose une démarche volontaire des personnes exposées. Dans son rapport de 2005, la mission commune d’information avait pourtant placé comme première recommandation l’amélioration de l’information des salariés susceptibles d’avoir été exposés à l’amiante au cours de leur carrière. Notre comité de suivi ne peut que réitérer cette recommandation.

Certaines avancées ont eu lieu, il est vrai.

Ainsi, grâce notamment à la mobilisation de syndicats, comme le Syndicat national des personnels techniques des réseaux et infrastructures, ou SNPTRI-CGT, une circulaire a récemment prévu la mise en place d’un suivi post-professionnel des personnels des travaux publics. Par ailleurs, un décret du 12 décembre 2013 relatif au suivi post-professionnel des agents hospitaliers et sociaux de l’État fait obligation aux établissements employeurs d’informer ceux-ci de leur droit à un tel suivi lors de leur cessation d’activité. Mais le comité de suivi considère que cette obligation doit être étendue à l’ensemble des employeurs publics et reposer également sur les employeurs privés.

Le comité de suivi souhaite également interpeller le Gouvernement sur les graves difficultés que rencontrent les services de l’université Pierre et Marie Curie pour assurer le suivi post-professionnel des personnels ayant travaillé sur le site de Jussieu entre 1966 et 1996. Sur 6 790 personnes identifiées, 1 700 personnes n’ont pas pu être contactées, faute d’une adresse à jour. Le service des pensions de l’État, contacté par l’université, n’a pas donné suite à leur demande d’information. Madame la secrétaire d’État, pareil cloisonnement administratif est particulièrement regrettable. Il convient, nous semble-t-il, d’y remédier très rapidement, à travers la création d’une cellule d’aide aux employeurs publics qui recherchent les agents publics susceptibles d’avoir été exposés à l’amiante.

Nous regrettons également que la réforme du statut des médecins du travail engagée en 2011 n’ait pas permis de faire le lien entre suivi professionnel et suivi post-professionnel. Nous recommandons que la promotion de l’accès à ce dernier soit un des axes du futur plan de santé au travail 2015–2019, qui est actuellement en cours d’élaboration.

Par ailleurs, il apparaît indispensable de renforcer le suivi épidémiologique dans les zones à affleurement naturel d’amiante et pour les populations exposées au traitement de l’amiante et au désamiantage. Il est essentiel de mener des études de santé publique sur tous les anciens sites industriels contaminés par l’amiante, comme le démontre l’exemple du Comptoir de minéraux et matières premières, jadis implanté à Aulnay-sous-Bois. Dans cette optique, nous appelons à un renforcement des effectifs de l’Institut national de veille sanitaire, et notamment de son département santé-travail.

Tel est le fruit des réflexions du comité de suivi de la mission d’information sur l’amiante. De notre point de vue, cette instance a pleinement joué son rôle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques, tout en formulant des propositions concrètes, que mes deux collègues et moi-même venons de rappeler. La tâche est grande et le chantier est immense ; nous en sommes pleinement conscients.

C’est pourquoi je vous invite, madame la secrétaire d’État, à répondre aux défis relevés par notre comité de suivi sur l’amiante.

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