Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Les ressources financières existent pour financer les retraites de nos aînés

Retraites -

Par / 16 juin 2010

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui n’est pas un exercice facile, et ce pour deux raisons : tout d’abord, la question des retraites est éminemment complexe ; ensuite, lancé sur l’initiative de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, ce débat se tient le jour même où le Gouvernement annonce ses projets en matière de retraite, ce qui clôt une longue période de rumeurs, de fausses informations, de ballons d’essais, en bref de tests...

Autant de techniques destinées à prendre le pouls de la population, à préparer l’opinion publique et à imposer les mesures les plus scandaleuses : report de l’âge légal de départ à la retraite, allongement de la durée de cotisation, attaques frontales contre les trois fonctions publiques !

Le groupe CRC-SPG a fait le choix, depuis quelques mois déjà, de se positionner clairement en tant que force de proposition. Personne dans cette assemblée ne pourra prétendre le contraire !

Nous avons donc présenté, conjointement avec le rapport de la MECSS rédigé par nos collègues Dominique Leclerc et Christiane Demontès, une contribution faisant état de nos observations et propositions. Notre groupe parlementaire a d’ailleurs été le seul à engager cette démarche, qui prendra la forme, le 21 juin prochain, d’un débat à l’Assemblée nationale, au cours duquel les parlementaires communistes déposeront une proposition de loi relative au financement des retraites.

Je tiens à rappeler ce que nous avons déjà dit dans notre contribution au rapport de la MECSS : nous sommes convaincus que notre pays n’est pas confronté, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, à un défi démographique insurmontable ni à un manque crucial de financement.

Soyons clairs : nous ne contestons pas le fait que notre système de retraite soit « impacté » par des facteurs démographiques. Il est vrai que, à l’horizon de 2025, le nombre de retraités aura considérablement augmenté, et les effets du papy-boom ne cesseront de croître jusqu’en 2020. Mais il s’agira d’une situation transitoire, comme s’accordent à le dire tous les sociologues et tous les économistes. Le Gouvernement dramatise la situation !

Nous contestons également l’analyse selon laquelle il serait devenu impossible de financer notre régime de retraite par répartition. Nous considérons que les ressources financières existent et que nous devons impérativement, pour financer les retraites de nos aînés, mais surtout celles des générations à venir, poser la question d’une plus juste répartition des richesses produites.

Les économistes le disent tous : il s’est produit un véritable tournant dans les années quatre-vingt puisque, pour la première fois, la part de valeur ajoutée consacrée aux salaires a perdu entre 8 et 10 points au profit des actionnaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !

M. Guy Fischer. Dans le même temps, les prélèvements financiers sur la valeur ajoutée produite dans les entreprises ont littéralement explosé. Ils représentent aujourd’hui 359 milliards d’euros, c’est-à-dire 36 % de la valeur ajoutée, alors que les prélèvements sociaux ne représentent que 151 milliards d’euros, soit deux fois moins.

Autrement dit, et nous sommes en complet désaccord sur ce point avec le Gouvernement et sa majorité, l’argent existe, et c’est bien sa mobilisation en faveur de l’emploi et des retraites qui doit être au cœur des politiques publiques.

Comment ignorer, par exemple, que la part des richesses produites dans les entreprises consacrée aux dépenses salariales soit progressivement passée de 72,8 % en 1970 à 66,2 % en 2000, alors que la productivité des salariés de notre pays, elle, n’a cessé de croître et se révèle être l’une des meilleures au monde ?

Selon les estimations de la Commission européenne, une somme de 100 milliards d’euros par an est consacrée à la rémunération du capital, en lieu et place de celle du travail. De surcroît, sur la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires n’a cessé d’augmenter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !

M. Guy Fischer. Ne comptant que pour 5 % de la valeur ajoutée en 1985, elle en représente à l’heure actuelle 25 %.

Mme Annie David. C’est scandaleux !

M. Guy Fischer. Cette survalorisation du capital joue contre le travail, entraînant à la fois la massification du chômage, le non-investissement dans l’outil productif et la stagnation des salaires.

En fait, on assiste à un véritable écrasement des salaires et des retraites, ainsi qu’à la délocalisation de la production.

Cette situation n’est pas acceptable !

Est tout aussi intolérable la manière dont les gouvernements successifs organisent, année après année, l’appauvrissement volontaire des comptes sociaux et le transfert progressif de leur financement des entreprises vers les foyers, les familles.

Le système mis en place prend principalement la forme d’exonérations ou d’exemptions de cotisations sociales et fiscales, principalement patronales. Ainsi, depuis 1992, les exonérations de cotisations sociales représentent une ristourne de 21 % accordée aux employeurs. Ces mécanismes sont d’autant moins acceptables que les exonérations, mêmes compensées par l’État, non seulement conduisent à un appauvrissement des comptes sociaux, mais également constituent une mauvaise pratique budgétaire, laissant croire à l’État qu’il peut disposer à sa guise des fruits du travail des salariés qui sont, en réalité, une part de salaire socialisée.

De la même manière, les exemptions de cotisations sociales – moins popularisées que les exonérations de cotisations sociales – participent de cet appauvrissement des comptes sociaux ; leurs effets sont d’ailleurs proportionnellement plus importants, dans la mesure où les exemptions, à l’inverse des exonérations, ne sont pas compensées par l’État. Elles sont cependant d’autant plus lourdes de conséquences qu’elles induisent des comportements patronaux néfastes pour les comptes sociaux et pour les salariés eux-mêmes.

En effet, les employeurs, pour éviter d’acquitter les cotisations sociales qui pèsent sur les salaires, préfèrent, notamment, remplacer les augmentations de salaires – un mécanisme collectif – par l’intéressement, la participation, l’épargne salariale ou l’épargne retraite, autant de mécanismes individualisés et non soumis à cotisations sociales.

On constate d’ailleurs la perversité de ce mécanisme en comparant les sommes distribuées au titre de ces dispositifs, qui, en cinq ans ont augmenté de 9 %, alors que la masse salariale, elle, n’a progressé que de 3 %.

Ainsi, selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale, les 17,4 milliards d’euros versés au titre de l’intéressement auraient pu rapporter, s’ils avaient été acquittés sous forme de salaires, 7 milliards d’euros à la protection sociale, dont une part aurait pu alimenter tant la Caisse nationale d’assurance vieillesse que les régimes complémentaires de retraite.

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Guy Fischer. D’une manière plus globale, nous réaffirmons qu’une seule piste, une seule solution doit être envisagée pour assurer le financement pérenne de nos régimes de retraite et de la protection sociale dans son ensemble : favoriser l’emploi, singulièrement l’emploi de qualité, autrement dit l’emploi qualifié.

La crise économique et financière, qui résulte de la financiarisation outrancière de l’économie et qui a provoqué la destruction de 680 000 emplois depuis la fin de l’année 2008, n’est pas sans conséquences sur la situation actuelle.

Ainsi, les économistes estiment l’impact financier de la crise sur les régimes de retraite à environ 10 milliards d’euros, soit la moitié du déficit actuel.

C’est pourquoi nous considérons qu’il est urgent d’élaborer une vraie politique de l’emploi, tant, certes, pour les salariés âgés de 50 ans et plus que, à l’autre bout de la chaîne, pour les jeunes qui peinent à trouver leur premier emploi et à le garder. Cela suppose l’instauration de règles fiscales et sociales qui favorisent les entreprises dans lesquelles la part de richesse consacrée à l’emploi et aux salaires est importante et qui, au contraire, sanctionneraient celles qui consacrent une part considérable de leur valeur ajoutée aux actionnaires et à la spéculation.

Mais, visiblement, ni la majorité parlementaire ni le Gouvernement ne sont prêts à faire un tel choix !

Dans ce contexte, il n’y a rien d’étonnant, comme le souligne le rapport de la MECSS, à ce que nos concitoyens, particulièrement les plus jeunes d’entre eux, ne croient plus en la retraite par répartition et estiment que le système actuel est à bout de souffle. Il faut dire que tout est fait pour le présenter comme tel, à commencer par les recommandations des deux coauteurs du dernier rapport de la MECSS : annonce de l’augmentation des périodes de cotisation et du report de l’âge légal de départ à la retraite après 60 ans.

Cette observation a conduit nos deux collègues à préconiser un renversement complet du système et à proposer l’émergence d’un système dit de « retraite par points ».

La mise en place d’un tel régime constituerait un véritable renoncement à la solidarité entre les générations. En effet, dans un tel scénario, l’assuré accumule des points qu’il achète avec ses cotisations, en fonction d’une valeur d’achat ; le montant de sa pension se calcule en multipliant le nombre de points cumulés par la valeur du point. C’est la règle du chacun pour soi qui l’emporte. Les périodes de chômage, de précarité ou de maternité ne sont pas prises en compte.

Les régimes de retraites complémentaires français sont précisément assis sur un système de points. Or, année après année, on constate un double mouvement : augmentation du prix du point et diminution du rendement de ce dernier. Autrement dit, on achète toujours plus cher des points dont la valeur est, chaque année, inférieure à celle de l’année précédente !

Mais, au-delà même d’un changement en matière d’acquisition des droits, les modèles de retraites dits « à cotisations définies », parce qu’ils entraînent une plus grande individualisation des comportements, accroîtront inévitablement la part de capitalisation.

Ce mouvement a déjà commencé en France avec la généralisation des mécanismes d’épargne retraite qui, contrairement à la retraite telle qu’on la connaît aujourd’hui, sont individualisés et sont précisément à cotisations définies. Les retraites que se constituent par le biais de ces mécanismes nos concitoyens dépendent donc non seulement de leur propre capacité à épargner, mais aussi des choix de placements qu’ils ont réalisés conjointement avec leurs banques. Les salariés deviennent peu à peu eux-mêmes responsables de la faiblesse de leur niveau de pension.

Il existe bien une théorie selon laquelle il faudrait lever tous les obstacles à la retraite en permettant l’instauration d’une retraite à la carte – une limite d’âge ne serait plus fixée et le salarié serait le seul à décider de la date de son départ –, mais c’est une véritable chimère, car, très majoritairement, les salariés ne sont pas décisionnaires en matière d’emploi. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les statistiques : le taux d’emploi des salariés âgés de 55 ans à 64 ans n’est que de 50 %.

Par ailleurs, il nous faudrait également mesurer l’importance du nombre de salariés usés par le travail qui, en l’absence d’une véritable reconnaissance de la pénibilité de leur emploi, seraient contraints de partir à la retraite de manière anticipée, subissant alors une décote d’autant plus injuste que leur état de santé est précisément la résultante d’une activité professionnelle lourde de conséquences.

Faute de temps, je ne peux détailler les analyses et les propositions que nous avons formulées via notre contribution au rapport de la MECSS. Je vous renvoie donc à la lecture de ce document, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, certain que vous y trouverez les éléments vous permettant de proposer, enfin, une réforme des retraites juste et équitable.

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