Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Ne cherchons pas à vider la mer avec une petite cuillère !

Réforme de la politique de la ville -

Par / 6 décembre 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la politique de la ville comprend l’ensemble des actions soutenues par l’État visant à lutter contre les phénomènes d’exclusion des populations urbaines défavorisées, n’oublions pas que la dégradation des conditions de vie de ces populations trouve d’abord ses racines dans les politiques menées depuis des décennies. Ces politiques se sont soldées par un chômage plus important et par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires, ce qui a mis à mal notre système éducatif. Par ailleurs, ces politiques n’ont pas hésité à dresser les populations les unes contre les autres.

Dans le même temps, elles réduisaient les dépenses et les services publics, y compris en matière de sécurité, rognaient les ressources des collectivités locales et diminuaient le soutien à la vie associative.

Aussi, si l’on veut agir utilement contre les exclusions dont souffrent les couches populaires, ce sont d’abord ces politiques qu’il faut changer. C’est pourquoi les actions ciblées spécifiques devant être mises en œuvre ne pourront réellement être efficaces que si elles s’insèrent dans des actions globales de droit commun – Claude Dilain vient de le rappeler – s’attaquant réellement aux fondements de la crise durable que traverse notre pays. À défaut, nous chercherions à vider la mer avec une petite cuillère !

Pour parvenir à atteindre nos objectifs, il est nécessaire de mener des actions spécifiques labellisées « politique de la ville », mais il faut aussi que la volonté de lutter contre les discriminations sociales trouve son expression dans toutes les politiques publiques, et donc dans tous les départements ministériels.

Ce point vient d’être rappelé, cela fait près de trente-cinq ans que des actions prioritaires se succèdent. Souvent, elles n’ont d’ailleurs jamais dépassé le stade de l’expérimentation faute d’avoir, à mon avis, disposé de moyens réels, et faute d’une vision globale et cohérente. Le résultat est là : jamais les inégalités n’ont été aussi profondes dans ces quartiers.

En fait, ces actions se sont en permanence heurtées au mur de l’exclusion sociale qui se dresse toujours plus haut dans notre société. Le risque d’émeute évoqué tout à l’heure n’est aujourd’hui pas totalement écarté !

Au fil des ans, ces actions se sont développées dans quatre directions : la rénovation et le renouvellement urbain, la sécurité et la prévention, le développement social, enfin, l’emploi et la revitalisation économique.

Les gouvernements successifs ont tous mis l’accent sur tel ou tel domaine, prenant le risque de l’instabilité là où la permanence de l’action est essentielle.

Les différentes actions se sont superposées sans former une vraie politique publique cohérente, coordonnant l’action de tous les intervenants ministériels et nécessairement partagée avec les autorités locales.

Aussi, monsieur le ministre, nous soutenons la volonté affichée par le Gouvernement de mettre à plat, dans la concertation, l’ensemble des politiques publiques dans ce domaine. Les pistes ouvertes par les groupes de travail sont intéressantes bien qu’elles soient encore trop générales en termes d’action à mettre en œuvre.

Il nous faut, par ailleurs, encore préciser les critères pris en compte pour redéfinir la géographie des actions prioritaires.

Outre les données urbaines liées à la concentration de logements sociaux, à l’état du bâti, aux réseaux de transport et à l’implantation des équipements et services publics, il nous semble nécessaire de prendre en compte des indicateurs de fragilisation sociale, de précarité et de niveau de formation.

Il faut bien entendu également s’accorder sur le niveau territorial d’intervention.

Sur ce dernier point, il nous semble que le territoire communal reste l’échelon le plus pertinent, car il assure des données fiables et la coordination de l’ensemble des politiques publiques à mener, liant actions prioritaires et actions de droit commun au plus près des besoins, des attentes et des engagements citoyens, le périmètre intercommunal ne disposant pas toujours, lui, de l’ensemble des compétences nécessaires dans le domaine de l’action locale.

Cette question est importante. Prenons l’exemple du Val-de-Marne, mon département, qui compte seize contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS, dont quatre projets intercommunaux qui rayonnent sur vingt-huit communes et concernent soixante-dix-neuf quartiers. C’est dire combien ces périmètres s’entrecroisent et combien de nombreuses communes ont parfois en leur sein plusieurs quartiers relevant de la politique de la ville.

Certaines communes comptent même jusqu’à 80 % de leur population habitant dans ces quartiers ; dans le département, c’est un quart de la population qui y vit.

Aussi, la mise en cohérence territoriale et la coopération sont nécessaires.

Une autre piste ouverte par la concertation en cours nous semble intéressante et irait dans le bon sens : il s’agit du regroupement éventuel de l’ensemble des actions en une même démarche contractuelle, ce qui en assurerait la cohérence.

Cette recherche de cohérence, doublée d’une certaine permanence dans les engagements, qui semble se dessiner, devrait être renforcée dans le domaine de l’action sociale en général, mais aussi être prise en compte dans le domaine de l’éducation, en particulier, avec l’assurance d’attribution des moyens pédagogiques nécessaires à la réussite de tous, dans le domaine de la formation et de l’emploi des jeunes. La presse, ce matin, faisait état de l’échec de la réforme de la carte scolaire. C’est un sujet extrêmement préoccupant, notamment dans les quartiers relevant de la politique de la ville. J’ai en tête des exemples précis de collèges qui, malheureusement, se trouvent vidés de leurs meilleurs élèves par des politiques d’évitement, ce qui conduit à l’appauvrissement et à une forme de ghettoïsation – ce point a été évoqué précédemment.

Cette double volonté devrait aussi, nous semble-t-il, s’inscrire dans le domaine de la rénovation urbaine. Sur ce point, je ne vous cacherai pas les inquiétudes et les espoirs des élus locaux.

Toutes les communes engagées avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, souhaiteraient avoir l’assurance que leurs projets iront bien à leur terme. Par ailleurs, la perspective d’un plan ANRU 2 est vivement souhaitée en de nombreux endroits.

En effet, certains quartiers, pour des raisons budgétaires, n’ont parfois été pris en compte qu’en partie, ce qui créé des tensions : les travaux étant maintenant très largement engagés, une partie de la population a le sentiment d’être abandonnée par rapport à celle qui habite la partie du quartier devant être rénovée. Nous avons besoin de continuité. Même si cette politique de rénovation urbaine a été engagée par un autre gouvernement, il importe de la poursuivre jusqu’à son terme.

Ainsi, dans mon département, ce ne sont pas moins de onze quartiers qui seraient concernés par de nouveaux projets de rénovation.

Sur ce sujet de la rénovation urbaine, permettez-moi de formuler deux remarques supplémentaires.

D’abord, la règle du « un pour un » – reconstruction d’un logement social pour un logement démoli – doit être revue compte tenu de la charge financière qu’elle représente pour la puissance publique. Il faudrait, à cet égard, soutenir les projets et les maires bâtisseurs, qui s’engagent à réaliser un effort plus important, en particulier en région parisienne où la pénurie de logement est insupportable. Il faut, non bien sûr dans le même quartier, mais sur le territoire communal ou intercommunal, que les constructions de logements soient plus nombreuses que les démolitions.

Par ailleurs, la rénovation urbaine ne doit-elle pas soutenir la réalisation des équipements publics structurants et le développement des réseaux de transport nécessaires au désenclavement des quartiers et des villes, en lien, bien sûr, avec les syndicats des transports et les politiques régionales ? Ne doit-elle pas aussi permettre le retour et l’amélioration des services publics ? Dans certains quartiers, on a vu des bureaux de poste supprimés, des permanences de caisses d’allocations familiales réduites, des agences de Pôle emploi disparaître. Il ne faut jamais oublier que, par-delà l’urbain, c’est l’humain qui nous intéresse.

Finalement, plus que d’une réorganisation des actions prioritaires – que nous soutenons –, c’est d’un redéploiement et d’un renforcement de celles-ci que nous avons besoin.

Et c’est bien dans la réaffirmation des droits collectifs que la question des moyens spécifiques envers telle ou telle population se pose. Aussi, agir dans cette direction nécessite de dégager des moyens supplémentaires. Je sais que ce n’est pas simple et là est bien notre inquiétude.

En effet, une réduction des aides attribuées à certains semble être envisagée afin d’augmenter les soutiens à un nombre de territoires plus réduit, de manière à en renforcer l’efficacité. Certes, dans les villes qui disposeront de ces ressources supplémentaires, les capacités de répondre aux besoins seront accrues. Mais nous ne saurions accepter cette solution, qui laisserait de côté de très nombreuses communes.

Cela serait d’autant plus néfaste que les collectivités locales vont être mises au régime sec, comme chacun le sait. Aussi, dans ces territoires abandonnés par la politique de la ville, les communes ne pourront plus faire face aux désengagements de l’État. Nous ne saurions le tolérer.

Je souhaite que l’alerte que je lance soit entendue. Sachez que le Gouvernement pourra compter sur la participation de très nombreux élus locaux de ma sensibilité aux concertations en cours, élus qui formuleront des propositions sérieuses afin de renforcer la cohérence et l’efficacité des actions prioritaires en faveur de la politique de la ville ; ils sauront s’investir à vos côtés, monsieur le ministre, en s’appuyant résolument sur les experts de la vie quotidienne que sont les habitants eux-mêmes. L’un des enjeux, c’est également la manière dont la population peut être associée à la définition de ces politiques de la ville et mobilisée. Les attentes sont fortes ; j’espère que vous ne les décevrez pas.

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