Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Nous attendons un véritable changement qui soit réellement profitable aux territoires ruraux et à leurs habitants

Nouveaux défis du monde rural -

Par / 19 février 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les nouveaux défis du monde rural », tel est l’intitulé de ce débat sollicité après la remise du rapport de la délégation à la prospective par les sénateurs Renée Nicoux et Gérard Bailly. Je tiens ici à saluer la qualité de leurs travaux.

Cependant, et de prime abord, permettez-moi de constater que ce n’est malheureusement pas la première fois que nous échangeons sur ce thème. Le constat est connu et même partagé, sans que cela ait permis d’évolutions pour les territoires ruraux. Cette situation n’est plus acceptable.

Alors que les majorités gouvernementale et parlementaire ont changé le 16 juin dernier, nous attendons, au-delà de la création du ministère de l’égalité des territoires, un véritable changement, qui soit réellement profitable aux territoires ruraux et à leurs habitants.

En effet, durant les précédentes années où la droite était au pouvoir, les maîtres mots ont été ceux de l’affaiblissement de l’action publique et de la libéralisation du marché. (M. Jean-François Husson s’exclame.) Les territoires ruraux ont été les premières victimes de cette politique, qui a accentué la fracture sociale et territoriale, plaçant les territoires en concurrence les uns avec les autres, mesurant les politiques publiques à l’aune de la seule rentabilité.

C’est donc bien les conditions d’une nouvelle politique pour la ruralité et même, plus largement, pour les territoires qu’il nous faut envisager maintenant, et en urgence. Il nous faut, pour ainsi dire, passer du constat à l’action.

Je voudrais ainsi revenir sur les quatre leviers identifiés par le rapport, que je regrouperai en deux thématiques : celle de la démocratie au sein des territoires et celles des services publics.

En termes de démocratie, au sein du groupe CRC, nous avons soutenu, lors de la réforme des collectivités de 2010, et nous continuons de soutenir le rôle prépondérant des communes. Les 36 000 communes de notre pays ne sont pas un poids, mais une richesse, qui témoigne de la diversité des territoires. Ainsi, la marche forcée des intercommunalités, sous l’égide des préfets, nous semble être incompatible avec les développements des territoires ruraux, puisque cela conduit à une absorption par les villes-centres de communes plus petites. Personnellement, je défends l’idée qu’il n’y a pas d’intercommunalités fortes sans communes fortes. (Oui ! sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. Jackie Pierre. Bravo !

M. Gérard Le Cam. Parallèlement, les politiques de pôles ont conduit à une spécialisation des territoires et à une concentration spatiale des richesses et des investissements, laissant sur le banc des pans entiers du territoire.

Loin de remettre en cause ces logiques, la préparation de l’acte III de la décentralisation conforte cette démarche. D’ailleurs, le rapport remis, tout en reconnaissant « le rôle pivot de la commune », préconise « l’élargissement de certaines structures intercommunales à des ensembles économiquement cohérents ». Pourtant, une telle démarche contribue à éloigner toujours plus les lieux de décisions des citoyens. Je ferai également remarquer à mes collègues que ce qui doit fonder une intercommunalité de projet, ce n’est pas un périmètre économique pertinent, mais le projet politique partagé par les communes et leurs élus. Nous demandons que les communes et leurs représentants élus soient respectés. Nous déplorons ainsi que le débat sur le projet de loi relatif aux modes de scrutin n’ait pas permis une juste représentation des territoires, notamment ruraux, garantissant à la fois le respect de la parité et du pluralisme.

En ce qui concerne les dotations faites à ces mêmes collectivités, le processus engagé organise l’asphyxie des communes, au grand dam de tous les élus locaux. D’ici à 2015, ces dotations devraient baisser de 3 milliards d’euros, et ce alors même que ce sont les collectivités qui supportent majoritairement les dépenses d’investissement.

M. Jean-François Husson. C’est vrai !

M. Gérard Le Cam. Porter atteinte au volume des dotations constitue ainsi très clairement un frein à l’essor de tous les territoires, y compris des territoires ruraux. (Eh oui ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Par ailleurs, nous trouvons profondément anormal que les dotations puissent varier du simple au double entre les villes et les territoires ruraux. Celles-ci doivent être impérativement revalorisées. Nous proposons donc que la nécessaire taxation des actifs financiers contribue à revaloriser les dotations des communes rurales en particulier, mais aussi des zones urbaines en difficulté. Cela devrait être possible : la DGF étant accordée par habitant, cela ne toucherait qu’un cinquième de son volume global. On pourrait ainsi estimer de manière purement comptable que, avec un milliard d’euros, la situation pourrait se régler et l’écart être résorbé. Les collectivités assument de plein fouet les conséquences de la crise ; il n’est pas opportun de les priver de ressources.

Par ailleurs, alors que les transferts de charge n’ont jamais été compensés, la réforme des rythmes scolaires va peser une nouvelle fois lourdement sur les budgets des communes.

M. Jean-François Husson. Eh oui ! Le changement, c’est maintenant !

M. Gérard Le Cam. Cette démarche, qui alourdit les charges des communes sans jamais les compenser, contraint certaines communes à réfléchir à de nouveaux transferts de compétences aux intercommunalités, faute de pouvoir y répondre par leurs propres capacités financières.

Alors que les élus de la nouvelle majorité défendaient, voilà encore quelques mois, de nouveaux moyens pour les collectivités, et s’opposaient aux transferts de charge non compensés, nous appelons le Gouvernement à revoir sa copie afin que les élus des territoires disposent enfin des moyens financiers pour mettre en œuvre les politiques pour lesquelles ils ont été élus.

M. Rémy Pointereau. Voilà !

M. Gérard Le Cam. En ce qui concerne la seconde thématique, celle des services publics, je dois vous dire, mes chers collègues, que je trouve amusant que l’initiative de ce débat revienne à nos collègues du groupe UMP.

Mme Laurence Rossignol. C’est cocasse !

M. Gérard Le Cam. En effet, nous devons à l’ancienne majorité nombre de lois ayant entériné la « casse » des services publics, organisant même ce que certains ont pu qualifier de désert français. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

La politique d’aménagement du territoire et de présence des services publics s’est trop longtemps opérée à la calculette, sous l’angle de la contraction de l’action de l’État, notamment dans le cadre de la RGPP, tous domaines confondus.

Je voudrais pour commencer évoquer le plus emblématique d’entre eux, s’agissant des territoires ruraux : je veux bien entendu parler de La Poste. L’ancien gouvernement a privatisé cette entreprise publique, transformé des bureaux de poste de plein exercice en simple agence postale communale ou, pire encore, en point de contact. (Mme Sophie Primas s’exclame.) Cette politique a eu des conséquences dramatiques dans les territoires. Pourquoi, alors que la majorité de gauche était à nos côtés pour combattre cette loi, voilà quelques années, les critères de présence postale n’ont-ils pas été modifiés depuis le mois de mai dernier ? En effet, aujourd’hui encore, des points sont attribués aux bureaux de poste en fonction de l’importance de leur activité. Passé en deçà de la barre des 30 000 points, le bureau se transforme en agence postale communale et la descente infernale s’engage.

Nous demandons au Gouvernement que les critères définissant la présence postale soient adaptés aux réalités rurales, dans le cadre de la convention passée entre l’État, La Poste et l’Association des maires de France.

Il en est de même pour l’hôpital. La loi HPST, que nous avons combattue sur toutes les travées de la gauche, a soumis ce service public aux règles de la rentabilité et a engagé la fermeture d’hôpitaux, opérant sous couvert de rationalisation de l’offre. En Rhône-Alpes, territoire que ma collègue Annie David connaît bien, seul cinq territoires sur les huit départements ont été identifiés par l’Agence régionale de santé, l’ARS. L’hôpital de Saint-Agrève, en Ardèche, est menacé de fermeture parce que son taux d’activité est jugé insuffisant. Mes chers collègues, pourquoi prôner, dans le même temps, la création de maisons de naissance, qui n’offrent pas les mêmes conditions de sécurité qu’un hôpital de plein exercice ? Nous vous engageons à réviser, là encore, les critères de présence territoriale et à organiser la refonte de la loi.

Il en est de même des seuils de fermeture de classe en zone rurale : au-delà de la création de 60 000 postes, que nous soutenons totalement, il faut, là encore, sortir des logiques comptables et permettre le maintien en zone rurale de structures scolaires de proximité. Le rapport traite la présence de services publics uniquement sous l’angle du temps d’accès. Ce n’est pas suffisant. Il faut aussi renforcer la qualité même des services publics et la formation de ses agents, garantir la nécessaire maîtrise publique pour répondre prioritairement à l’intérêt général et, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, adapter la législation et les critères aux réalités rurales si spécifiques.

Le rapport traite aussi des infrastructures de réseau que sont les transports et le numérique. Là encore, mes chers collègues, je crois qu’il faut être clair et affirmer la nécessité de ne pas laisser à la seule initiative privée le choix de la localisation des réseaux.

À défaut, ce sont des pans entiers du territoire qui resteront au banc de la révolution numérique. Pourtant, les financements existent. Je vous rappelle ici que la rente du cuivre permet à France Telecom, société aujourd’hui privatisée, d’afficher un taux de profitabilité maximum, de l’ordre de 28 milliards d’euros sur cinq années. Une telle somme aurait permis le fibrage de l’ensemble du territoire…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Le Cam. Je raccourcis mon propos, monsieur le président.

Pour finir, je voudrais souligner l’importance de la revitalisation des bourgs, qui permet de ne pas empiéter inutilement sur les terres agricoles. Par ailleurs, la diversification de l’agriculture de proximité doit être favorisée. Nous serons à ce titre très attentifs aux évolutions de la PAC.

Alors que 40 % des citadins d’agglomérations de plus de 100 000 habitants souhaitent s’installer à la campagne,…

M. le président. Concluez !

M. Gérard Le Cam. … soit 8 millions de personnes aspirant ainsi à une meilleure qualité de vie, davantage en prise avec la terre et la nature, il faut que les pouvoirs publics permettent concrètement d’accueillir ces nouveaux habitants. Il faut maintenant relever le défi et poser des actes pour le changement.

En conclusion, le monde rural français mérite de nouveaux moyens et de nouveaux critères d’attribution. Les élus ruraux sauront faire le reste ; faites-leur confiance !

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