Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Nous voulons tout faire pour que cette victoire réponde aux espoirs qu’elle a suscités

Déclaration de politique générale du gouvernement -

Par / 4 juillet 2012

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, le Gouvernement hérite d’une situation difficile. En effet, si notre pays a quelque peu résisté aux pires effets de la crise financière, grâce à son modèle social, que la droite n’a d’ailleurs eu de cesse de casser (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.), il n’en est pas moins en grande souffrance.

Monsieur le Premier ministre, vous avez vous-même dressé le tableau de la situation que nous ont léguée dix ans de politique de la droite (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) : chômage massif, emploi industriel en chute libre, pouvoir d’achat en recul, dette publique abyssale, des riches toujours plus riches et des pauvres de plus en plus nombreux. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Mme Isabelle Debré. Bien sûr ! C’est aussi simple que cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour certains, la crise serait tombée du ciel. Eh bien non, la crise n’est pas tombée du ciel : elle résulte de la financiarisation continue de l’économie à l’échelle mondiale, financiarisation mise en place ou soutenue par les États eux-mêmes.

Nous avons combattu sans concession la politique de la droite et nous avons contribué à ce que celle-ci soit battue. Les 4 millions de voix qui se sont portées sur le Front de gauche et Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle ont été décisives pour la victoire de la gauche le 6 mai et lors des élections législatives.

Aussi notre position est-elle claire : nous voulons tout faire pour que cette victoire réponde aux espoirs qu’elle a suscités.

M. Philippe Dallier. Dans ce cas, il fallait voter la confiance !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas souhaité prendre en compte la diversité de la gauche qui a permis l’élection de François Hollande et avez considéré que le projet présidentiel de ce dernier était votre seule feuille de route. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité participer à votre gouvernement. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)

Toutefois, partie prenante de la majorité de gauche et souhaitant que celle-ci réussisse, nous ferons en sorte d’être utiles à nos concitoyens pour permettre que les changements attendus aboutissent.

Lors de votre nomination, vous avez déclaré que la page du sarkozysme était tournée. Nous apprécions les symboles, comme celui d’une présidence et d’un Gouvernement « modestes », tant la droite sarkozyenne a donné à voir au cours de ces dernières années l’insolence des riches et le mépris envers les plus humbles (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.), agitant les peurs et la haine, faisant prospérer le Front national en légitimant ses idées.

M. Christian Cointat. N’importe quoi !

M. Alain Dufaut. Caricature !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous apprécions que vous ayez décidé la parité au sein du Gouvernement et créé un ministère des droits des femmes. En outre, nous partageons votre engagement en faveur du droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels. (M. André Trillard manifeste sa désapprobation.)

Le collectif budgétaire que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres reviendra, si j’ai bien lu ce que la presse a écrit à ce sujet, sur des mesures iniques prises par la droite, comme le cumul, cette année, de l’allégement de l’ISF et du bouclier fiscal, la TVA « antisociale » ou encore l’exonération des heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, et il mettra à contribution les dividendes. Ce n’est que justice, et je citerai aussi à cet égard votre engagement à ce que la loi SRU soit enfin respectée.

Nous avons entendu avec satisfaction Mme la garde des sceaux défendre la justice des mineurs et se démarquer des lois sécuritaires et de l’aggravation pénale à l’œuvre depuis dix ans.

A contrario, nous nous inquiétons de la poursuite du traitement de l’immigration par le ministère de l’intérieur, ce que la gauche a toujours critiqué. Nous souhaitons une réflexion sur une politique globale qui rompe avec la façon dont les étrangers sont traités dans ce pays depuis dix ans.

La déclaration de politique générale que vous avez prononcée hier, et dont vous avez aujourd’hui repris des éléments devant nous, engage votre gouvernement dans la durée.

Vous avez évoqué l’exigence de vérité, de sauvegarde de notre modèle républicain et social, de redressement de notre pays, de respect des citoyens et des partenaires sociaux, de justice. Vous avez insisté sur vos priorités : la jeunesse et l’éducation. Aujourd’hui, vous insistez plus particulièrement sur les collectivités territoriales.

Permettez-moi de donner le point de vue de mon groupe sur quelques points.

La justice, elle concerne d’abord ceux qui ont le plus souffert des politiques libérales. Elle implique de réduire le chômage. Les élections passées, les entreprises ont sorti leurs plans de licenciements, qu’elles avaient cachés : 70 000 emplois seraient concernés, et sans doute bien plus avec les emplois induits ; ainsi, à Aulnay, ce ne sont pas seulement les 3 500 salariés de PSA qui sont touchés, mais en réalité 10 000 personnes qui sont concernées.

Vous avez annoncé un plan de soutien au secteur automobile. Rappelez-vous : l’État a octroyé, voilà quatre ans, 4 milliards d’euros de prêts publics aux deux constructeurs français, sans conditions en termes d’emploi. On voit le résultat ! Allez-vous faire autrement ?

La justice, c’est une exigence pour les familles, mais aussi pour les territoires. Écoutez les salariés de PSA-Aulnay ou Rennes qui alertent sur le désastre annoncé pour leur département. Ai-je besoin de rappeler que notre capital industriel a perdu plus de 750 000 emplois en dix ans ? On peut donc se poser la question du redressement économique du pays, dans une situation très préoccupante pour nos territoires, avec une croissance qui, apparemment, serait de 0,3 %.

Nous attendons des mesures immédiates.

Je vous ai proposé de décider d’un moratoire et de l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de notre proposition de loi interdisant les licenciements boursiers, votée par les sénateurs socialistes et communistes.

Il y a urgence à montrer que les politiques peuvent quelque chose.

La priorité, ce sont aussi les salaires et le pouvoir d’achat. Aujourd’hui, le coup de pouce de 0,6 % du pouvoir d’achat du SMIC ne nous paraît correspondre ni aux besoins des deux millions et demi de personnes qui essayent d’en vivre, ni aux nécessités de la relance économique.

Mettre en balance hausse des salaires et emplois n’est pas de mise aujourd’hui. Ce qui est certain, c’est que la baisse des salaires n’a sauvé ni l’emploi ni les petites entreprises. L’argument des PME, qui était déjà celui du patronat en 1968, ne tient pas plus. La plupart des PME qui travaillent pour la demande interne souffrent surtout de la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, d’un crédit trop cher et d’une fiscalité défavorable par rapport aux grandes entreprises.

En ce qui concerne les services publics, nous souscrivons bien sûr à votre priorité accordée à l’enseignement, à la justice et à la sécurité. Nous n’avons cessé, ces dernières années, de combattre les suppressions de postes et de dénoncer la dégradation de ces secteurs.

Cependant, pour tenir votre objectif de réduction des dépenses publiques, vous demandez à tous les services publics de participer à l’effort de rigueur.

J’ai noté que Mme la ministre de la santé insistait, à juste titre, sur le rôle central de l’hôpital public. Mais, vous le savez, 43 % des hôpitaux sont en déficit et leurs agents, en nombre insuffisant, sont largement précarisés et méprisés.

Notre modèle social, c’est une protection sociale de haut niveau pour tous. Or nombre de nos concitoyens ne peuvent plus se soigner. Quant aux retraites, si votre première décision n’était que justice, nous pensons qu’il faut revenir à une vraie retraite à soixante ans.

Plusieurs sénateurs UMP. Ben voyons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous craignons que la baisse de l’emploi public, conjuguée à l’état désastreux de l’emploi privé, ne soit un handicap de taille pour amorcer une relance économique pourtant urgente, et même urgentissime.

Cette urgence économique et sociale nous oblige. Nous ne pouvons pas décevoir les attentes de nos concitoyens. La Conférence sociale va se tenir dans les prochains jours. Vous voulez tout mettre « sur la table » avec les partenaires sociaux. Vous ne pouvez pas les décevoir !

Vous demandez également des efforts aux collectivités territoriales. Or, depuis dix ans, elles ont largement pallié les carences de l’État par des interventions dans tous les domaines, sans lesquelles la souffrance et l’exclusion sociale seraient encore plus importantes. D’ailleurs, l’État est débiteur à l’égard de nombreux départements dont les dépenses sociales ont explosé, notamment avec le RMI, puis le RSA, dont le financement lui incombe.

Les collectivités ont pâti de la suppression de la taxe professionnelle, qui n’a pas été compensée par la contribution économique territoriale, il s’en faut, comme elles ont pâti du gel des dotations. Allez-vous maintenir cette situation ?

Avec Mme Lebranchu, vous avez fort justement confirmé l’abrogation du conseiller territorial, votée au Sénat sur notre initiative. Mais la réforme de 2010, à laquelle toute la gauche s’était opposée, demeure. Nombre d’élus de toutes sensibilités ont été meurtris par cette réforme. Aujourd’hui, il faut les respecter, comme il faut respecter les libertés locales, les ressources des collectivités et leurs missions de service public.

En ce qui nous concerne, nous voulons une intercommunalité de coopération, à l’inverse de l’intégration forcée ; nous voulons le respect des identités locales, le maintien de la compétence générale des départements et des régions, indispensable à l’autonomie locale.

C’est ce qui nous fait estimer que la loi de 2010 doit être abrogée.

J’ajoute que nous ne pourrons accepter des mesures qui ne garantiraient pas l’égalité des citoyens, comme de nouveaux transferts ayant pour seul objet de faire faire des économies à l’État ou donnant des pouvoirs réglementaires aux régions.

Vous annoncez, monsieur le Premier ministre, une réforme de la fiscalité dans la loi de finances pour 2013. Selon nous, il est évident que, pour répondre aux besoins sociaux, il faut augmenter les recettes.

Nous sommes favorables au retour d’une progressivité réelle de l’impôt. Nous voulons restaurer pleinement l’ISF et imposer les revenus du capital au même niveau que les salaires.

Nous voulons une remise en cause réelle des exonérations ou défiscalisations. Elles n’ont en aucun cas fait la preuve qu’elles favorisaient la création d’emplois.

Nous voulons une lutte déterminée contre l’évasion fiscale, dont la commission d’enquête créée sur notre initiative au Sénat va décrire les mécanismes et confirmer l’ampleur : environ 50 milliards d’euros par an !

Au cœur de toute la politique que vous allez mener se trouve l’Europe. Vous connaissez notre position. Nous aurons l’occasion de parler, demain, du Conseil européen des 28 et 29 juin.

Le Président de la République s’était engagé à renégocier le traité de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Aujourd’hui, il est assorti d’un volet « croissance », modeste, de 120 milliards d’euros. Mais le traité demeure. Or celui-ci prévoit des mécanismes de contrôle poussés des budgets nationaux – États, collectivités, administrations publiques, protection sociale.

Rien n’est prévu pour changer le fonctionnement de la BCE ni pour assurer le contrôle démocratique de cette dernière. Nous marchons sur la tête : la BCE prête aux banques, qui prêtent aux États à des taux d’autant plus élevés qu’ils sont en difficulté.

Les grandes questions de l’avenir de l’Europe restent posées : va-t-elle continuer à être mue par la finance, la concurrence et le dumping social, ou bien la France va-t-elle contribuer, sur la durée, avec une politique nouvelle, à une Europe de progrès pour les peuples ?

Le Président de la République veut faire ratifier le traité rapidement. Vous avez plusieurs fois évoqué les citoyens : nous voulons qu’ils soient consultés par référendum sur un traité qui met en cause la souveraineté nationale.

La démocratie, monsieur le Premier ministre, a aussi ses exigences sur le plan institutionnel.

Vous avez renouvelé votre engagement pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, que la gauche a voté au Sénat. Nous en sommes évidemment satisfaits, même si le chemin semble encore long.

Vous avez annoncé une dose de proportionnelle et une limitation du cumul des mandats. Nous pensons qu’il nous faut aussi montrer de façon claire que nous voulons sortir du présidentialisme et donner plus de pouvoirs aux citoyens et aux salariés. Nous souhaitons que le débat institutionnel pose ces questions, tant notre démocratie représentative est à bout de souffle.

Monsieur le Premier ministre, vous avez obtenu un vote de confiance à l’Assemblée nationale. Les sénateurs de notre groupe, qui se sont réunis hier, approuvent le choix de l’abstention des députés du Front de gauche.

J’ai entendu votre ministre du travail, M. Michel Sapin, dire que le Front de gauche se mettait « en marge du changement ». Je pourrais citer Jean-Luc Godard : « C’est la marge qui tient la page. »

Mais je veux surtout réaffirmer que nous voulons vraiment le changement. Nous voulons que la justice sociale et le redressement économique s’engagent dès maintenant. Nous saurons soutenir toutes les mesures qui iront dans le bon sens, comme nous le faisons depuis le 25 septembre, en travaillant ici dans la majorité.

Nous ne manquerons pas de faire valoir l’urgence des attentes sociales, des réformes en profondeur nécessaires au redressement de notre pays, et l’exigence d’une Europe solidaire pour les peuples.

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