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Les débats

Politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches

Par / 5 mai 2009

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où se pose avec force la question de l’alimentation du monde, le problème des ressources maritimes revêt une importance capitale, sur notre planète, qui est couverte à 70 % d’océans, et dans notre pays, qui, avec 5 500 kilomètres de côtes, devrait théoriquement occuper une place prépondérante dans le monde de la pêche.

La France a délégué à l’Europe l’essentiel de ses prérogatives dans ce domaine en 1983, année de naissance de la politique commune de la pêche. Son rôle se limite donc, d’une part, à négocier les quotas par espèces et par secteurs, une fois les taux de capture admissibles établis, et, d’autre part, à accompagner les crises cycliques en proposant des plans financiers qui doivent être acceptés par la Commission européenne.

Dans le courant de l’année 2008, nous avons pu constater les difficultés créées par Bruxelles à la France au nom du sacro-saint droit européen et de la concurrence libre et non faussée, qu’il s’agisse du prix du carburant ou des 310 millions d’euros d’aides prévus en 2008, dont 40 millions d’euros au titre de l’aide sociale et 230 millions d’euros destinés à « moderniser » et restructurer la flotte de pêche au cours des trois années à venir. « L’euro-compatibilité » est toujours là pour jouer les gendarmes !

En ce moment même, la porte-parole de la Commission européenne tergiverse pour 4 millions d’euros destinés à aider les pêcheurs de Calais ou de Dunkerque. Mes chers collègues, où allons-nous ?

Nous pouvons donc globalement nous interroger sur les effets des politiques communautaires et nationales menées en matière de pêche depuis 1983.

Au travers de l’exemple de la Bretagne, le rapport de l’OPECST souligne l’augmentation de l’intensité capitalistique du secteur de la pêche depuis les années 1980. Il met en évidence l’augmentation du nombre des bateaux mesurant de 16 à 25 mètres, au détriment de ceux qui font moins de 10 mètres, en raison de la politique des subventions. Le même rapport établit un fort lien entre cette dernière et la crise de la pêche artisanale.

La casse des bateaux de pêche, appelée en langage politiquement correct « sortie de flotte », représente déjà 78 bateaux en 2009, dont 24 pour les départements bretons. Depuis vingt ans, c’est la moitié de la flottille qui a disparu en France !

La pêche artisanale côtière est menacée de disparition alors qu’elle contribue à maintenir le tissu social de nos ports, qu’elle constitue une sécurité face aux délocalisations et qu’elle est garante de qualité et de proximité. Existera-t-elle encore en 2013, au moment de la réforme de la politique commune de la pêche qui a été annoncée ?

Allons-nous faire comme pour la PAC, c’est-à-dire prendre conscience qu’il faut aider les petits agriculteurs au moment où ceux-ci ont disparu ? Il s’agit d’une véritable question au regard du parallélisme que nous pouvons établir entre la PAC et la PCP.

La France et l’Europe n’échappent pas à la situation mondiale de la pêche et de la ressource halieutique en ce qui concerne tant les capacités d’exploitation que la surexploitation des stocks. Aujourd’hui, les réserves des dix espèces les plus importantes sont surexploitées.

Les techniques et les périodes de pêche entraînent un volume de rejets qui représente entre 20 % et 50 % des quantités débarquées. La pêche minotière industrielle écume les mers pour environ 23 millions de tonnes. En comparaison, les rejets représentent 30 millions de tonnes.

Ce type de pêche non sélectif est certes utile pour l’aquaculture, mais il est dangereux pour la conservation des espèces. Selon l’INRA, des farines végétales pourraient remplacer les farines de poissons, mais Bruxelles ne semble pas avoir pris ce sujet à bras-le-corps !

La pêche française souffre certes des quotas, mais aussi d’un réel problème de revenu, qui n’est pas automatiquement lié aux quantités pêchées. La désorganisation logistique du marché et ses règles économiques conduisent à de multiples aberrations dans un pays qui importe près de 85 % de sa consommation de poissons.

Il est scandaleux de voir détruire quarante tonnes d’un produit aussi noble que les coquilles Saint-Jacques. C’est pourtant ce qui vient de se passer !

Ce seul exemple illustre toutes les imperfections du marché du poisson en France, depuis les criées, les pêcheurs et les mareyeurs jusqu’à la distribution.

Les produits sont divers, irréguliers, débarqués en de multiples points de l’Hexagone, les prix souvent élevés et instables, les consommateurs désorientés et dubitatifs devant une offre inorganisée.

Certaines des dix propositions formulées par M. Marcel-Pierre Cléach dans son rapport vont dans le bon sens.

Nous approuvons l’idée de développer les partenariats entre pêcheurs et scientifiques. Il ne serait pas inutile d’y associer les décideurs politiques, qui, le plus souvent, se contentent d’une approche très théorique du sujet.

En ce qui concerne la gestion des ressources, seuls ces partenariats permettront le respect des totaux admissibles de capture et des quotas, à condition que ceux-ci soient gérés de façon pluriannuelle.

La question des rejets et celle de la pêche minotière appellent respectivement à une aide technique et à une réglementation plus sévère.

Les quotas individuels transférables portent en eux-mêmes le danger de la concentration et de la délocalisation. Ils risquent fort d’être détournés de leur vocation initiale, à savoir la responsabilisation individuelle des pêcheurs.

La question de la rentabilité de la pêche est complexe et coûteuse, dans la mesure où des études sérieuses montrent que la perte annuelle au plan mondial est égale à 64 % de la valeur débarquée et représente un manque à gagner de 51 milliards d’euros. Les conclusions à en tirer seraient qu’il convient de réduire de 43 % le coût de la pêche, d’augmenter de 71 % le prix du poisson ou de réduire de 25 % à 50 % la capacité de capture.

Dans le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est également évoqué le sevrage des aides publiques. S’il est vrai que ces aides ont parfois des effets négatifs pour la pêche artisanale - concentration et destruction de la flottille -, il conviendrait, dans un premier temps, de les cibler sur une assurance revenu pour compenser, d’une part, les périodes de non-pêche, et, d’autre part, les aléas du marché, qui engendrent une dégradation des revenus.

Les politiques actuelles de la pêche ressemblent davantage à une fuite en avant face à l’effondrement de la ressource qu’à la traduction d’une réelle volonté de rétablir les stocks et de restructurer le marché.

Il s’agit d’un problème qui appelle des décisions européennes et mondiales pour contrecarrer le braconnage, la surpêche, la falsification des chiffres réels, ainsi que le colonialisme de pêche.

L’acidification des océans, qui serait liée aux émissions de CO2, doit amener les scientifiques et les chercheurs à accélérer leurs investigations, à condition que les moyens financiers et humains nécessaires leur soient donnés pour conduire cette recherche vitale. C’est peut-être tout l’avenir de l’équilibre des océans et de la pêche qui en dépend.

Je conclurai en faisant miennes ces déclarations de Daniel Pauly, expert mondial de la pêche : « Il faut pêcher moins si l’on veut continuer à pouvoir pêcher. En ciblant la pêche industrielle, on réduirait beaucoup les capacités de pêche, sans affecter beaucoup de personnes. » M. Pauly ajoute : « On ne gère pas les stocks avec son estomac, mais avec sa tête. »

Je terminerai sur une réflexion personnelle : ne gérons pas la pêche pour capitaliser de l’argent, mais pour nourrir les hommes, sans oublier les pêcheurs !

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