Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Politique de lutte contre l’immigration clandestine

Par / 29 avril 2009

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,

Nos collègues du groupe RDSE ont demandé un débat sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine mais que faut-il entendre par immigration clandestine ?
L’immigration clandestine, illégale ou irrégulière, concerne les étrangers qui entrent sur le territoire national sans détenir les documents les y autorisant ou les étrangers qui se maintiennent en France une fois la validité desdits documents expirée.

Sont principalement concernés les habitants des pays pauvres - du sud- qui cherchent un meilleur niveau de vie dans les pays riches - du nord ou encore des hommes et des femmes, à l’instar de Comoriens qui veulent rejoindre un territoire - Mayotte - dont ils considèrent qu’il ne leur est pas étranger.

Toutefois, il faut savoir que pour l’essentiel l’immigration clandestine en France concerne : les demandeurs d’asile déboutés du statut de réfugié ; les personnes devenues sans papier à la suite du non renouvellement de leur titre de séjour essentiellement en raison du durcissement des dispositions du CESEDA ; les jeunes qui, alors qu’ils étaient mineurs n’avaient pas besoin de papiers, se retrouvent en situation irrégulière à leur majorité etc.

N’oublions pas dans ce débat de souligner que la grande majorité des étrangers présents en France y sont entrés de façon tout à fait légale et que bien souvent leur irrégularité n’est intervenue qu’après l’expiration de la validité de leur titre de séjour, généralement après un refus de la préfecture de leur renouveler ce titre.
C’est ainsi qu’après s’être installés en France, y avoir trouvé un emploi, fondé une famille, s’y être mariés, avoir inscrit leurs enfants à l’école, les étrangers -qui se retrouvent un jour privés de titre de séjour- décident, en raison des liens privés et familiaux qu’ils ont tissés en France, de se maintenir sur le territoire en situation irrégulière.

C’est surtout cela la réalité de l’immigration clandestine contre laquelle le gouvernement s’acharne.
Car la France - contrairement à ce que certains veulent faire croire à l’opinion - n’est plus depuis au moins 25 ans un pays d’immigration et n’est pas soumise à une « pression migratoire ». C’est en effet l’un des pays occidentaux où la proportion des migrants a connu la plus faible augmentation dans la période récente. (1995-2006 : en France, la part des étrangers dans la population globale a augmenté 6,5 fois moins qu’en Espagne, 4,5 fois moins qu’aux USA, 3,5 fois moins qu’au R.U)

Ainsi, Calais ne constitue souvent qu’une étape dans le parcours des migrants dont le but est d’atteindre l’Angleterre et non pas de s’installer en France.
Ce qui m’amène à dire qu’en France, la politique de lutte contre l’immigration clandestine consiste essentiellement à traquer quotidiennement des personnes sans papiers installées souvent depuis plusieurs années dans notre pays.
Pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement en matière d’expulsions du territoire - 27 000 pour l’année 2009 - une véritable chasse à l’homme est donc en œuvre avec -et c’est un fait récent qui a tendance à se développer - la mise à contribution du personnel de certains services publics en contact avec des sans papiers : des cas ont ainsi été signalés à la Poste, dans des CAF, CPAM, ANPE, ASSEDIC etc.

Cette chasse à l’homme concerne la plupart du temps des parents d’enfants nés et/ou scolarisés en France, des conjoints de Français, des déboutés du droit d’asile, les jeunes majeurs...
La pression est donc mise sur les personnes en situation irrégulière qui sont susceptibles de se faire contrôler partout : dans les transports, les services publics, et qui vivent dans la peur.

Les étrangers sans papiers sont donc regardés comme des délinquants alors qu’ils n’ont commis aucune atteinte ni aux personnes ni aux biens et qu’ils sont avant tout des victimes puisque, sans papiers, ils n’ont aucun droit.
Ils sont donc à la merci des employeurs peu scrupuleux à la recherche d’une main d’œuvre moins chère, des marchands de sommeil ... De nombreux cas, notamment dans mon département, témoignent de cette situation.

Les personnes qui les aident par humanité et de façon désintéressée ne sont pas mieux considérées. En effet, les réformes législatives successives qui ont renforcé tous les dispositifs de contrôle et de répression envers les étrangers n’ont pas épargné ceux qui, regroupés ou non en association, viennent en aide aux étrangers.
Un des symboles de cette tendance répressive est le tristement célèbre « délit de solidarité » qui ne vise plus seulement les réseaux mafieux qui profitent, à des fins lucratives, de la détresse des étrangers. En effet, de plus en plus de personnes ont ainsi pu se retrouver menacées de poursuites pénales, arrêtées, placées en garde à vue, mises en examen, pour avoir aidé des étrangers en situation irrégulière.

A cet égard, Monsieur le Ministre, je regrette que vous vous obstiniez à mettre en doute la parole d’associations qui, dossiers, à l’appui vous démontrent que des personnes subissent vraiment des tracas judiciaires pour avoir aidé des sans papiers.

Vous n’êtes d’ailleurs pas sans savoir que pour remédier à cette situation, nous avons déposé une proposition de loi pour modifier l’article L.622-1 du CESEDA qui est une véritable épée de Damoclès pour les nombreuses personnes qui agissent dans un but altruiste et tout simplement humain.
La lutte contre l’immigration clandestine semble ainsi résumer toute la politique d’immigration, menée en France mais également en Europe, et entièrement axée sur la répression.

Je pense ici à le directive « retour » qui permet de placer en rétention des étrangers y compris des mineurs pour des durées pouvant aller jusqu’à 18 mois et de « bannir « les expulsés pendant 5 ans.

Je pense ici au pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté dans le cadre de la présidence française et qui oscille entre instrumentalisation du codéveloppement et répression. Les 27 pays européens se sont en effet prononcés en faveur d’une législation sur le renvoi des migrants, le renforcement des contrôles aux frontières, la sélection de travailleurs hautement qualifiés, les régularisations en fonction des exigences du marché du travail, l’interdiction des régularisations collectives...
Je pense aux accords dits de gestion concertée sur les flux migratoires que le gouvernement a fait signer à certains pays africains d’émigration et qui permettent à la France de faire pression sur ces derniers en exerçant une forme de chantage : le gouvernement leur promet des possibilités de migrations légales - en vérité très limitées - et une aide au développement en contrepartie de quoi, ils doivent être les « gendarmes » de l’Europe c’est-à-dire contrôler les flux migratoires depuis leurs pays et faciliter les réadmissions des personnes expulsées par la France.

La France et l’Europe veulent désormais non plus empêcher les migrants de pénétrer en Europe mais les empêcher de quitter leurs pays d’origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu’une expulsion du territoire français qui n’est pas toujours effective. Cela fait autant de sans papiers potentiels en moins qui pourraient - une fois entrés sur le sol français - s’y maintenir en situation irrégulière.
Par ailleurs, comment ne pas évoquer ici la volonté de la France et de l’Europe de multiplier les camps de réfugiés à leurs portes comme déjà ceux de Ceuta, Melilla, Lampedusa...
Ainsi, d’un côté, le gouvernement dit vouloir lutter contre l’immigration clandestine, mais en même temps il a besoin de faire venir des étrangers en France tout en les « triant » sur le volet. C’est tout le concept de l’immigration choisie. Choisie en fonction des besoins de l’économie et du patronat. Choisie en fonction du niveau de qualification des étrangers qui doit être élevé pour intéresser la France : hommes d’affaires, sportifs de haut niveau, artistes (cartes « talents et compétences » et « carte bleue » européenne).

Comment peut-on parler dans ces conditions de développement solidaire, de codéveloppement, de coopération avec les pays du sud quand ceux du nord après avoir pillé les matières premières de ces pays veulent à présent piller leurs matières grises ?

Car cet intérêt pour les métiers hautement qualifiés contribue à la « fuite des cerveaux » qui caractérise l’émigration du Sud vers le Nord. Cette fuite des cerveaux -qui entraîne pour les pays d’origine un manque de personnel (santé et techniciens notamment) ainsi que la perte de revenu national par le biais de l’impôt- est donc totalement contraire aux intérêts des pays de départ.
En réalité et pour conclure, je veux insister sur le fait que la politique de lutte contre l’immigration clandestine menée par le gouvernement est très coûteuse, inefficace tout en étant dangereuse puisqu’elle s’attaque à des droits fondamentaux comme le respect de la vie privée, le droit à mener une vie familiale, le respect de la dignité, du droit d’asile, de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Je veux être claire, la question n’est pas de ne rien faire mais plutôt que de s’acharner à produire des textes qui n’ont aucun effet sur l’immigration clandestine puisque celle-ci ne disparaît pas mais se transforme, le gouvernement devrait enfin s’attaquer aux causes de cette immigration qui trouve toujours ses racines dans la pauvreté, la misère et l’injustice.

Enfin, je voudrais dire que votre politique est également dangereuse d’un point de vue idéologique. C’est par ailleurs un thème populiste et démagogique que le gouvernement aime à agiter en période électorale et/ou en temps de crise.

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