Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Seul l’État peut, par des mesures compensatoires, prendre acte du préjudice subi

Indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau -

Par / 11 janvier 2011

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons débattre aujourd’hui de la question des périmètres de protection autour des captages d’eau, à la demande du groupe UMP et plus précisément de notre collègue Mme Des Esgaulx, auteur d’une proposition de loi sur ce thème. Il s’agit en effet d’une question importante : la protection de la ressource aquatique contre les pollutions est une nécessité absolue, nécessité réaffirmée lors du Grenelle de l’environnement et notamment dans la loi dite « Grenelle 2 ».

Il me semble utile avant toute chose de revenir quelques instants sur la définition et l’intérêt même de ces périmètres. Il s’agit non pas d’imposer des contraintes déraisonnables aux collectivités, mais bien de garantir la qualité de la ressource en eau.

Ainsi, les périmètres de protection constituent le moyen privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution locale, ponctuelle et accidentelle qui peut altérer la qualité des eaux prélevées. Ce dispositif a été codifié, à la suite de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau qui rend désormais sa mise en œuvre obligatoire.

Ces périmètres sont essentiels pour atteindre l’objectif d’un accès à l’eau potable et non pollué pour l’ensemble de nos concitoyens, comme l’a rappelé Mme Rama Yade dans la réponse à une question orale posée par vous-même, madame Des Esgaulx.

À ce titre, le taux de réalisation des objectifs formulés par les plans nationaux santé-environnement, dont le premier date de 2004, n’est pas à la hauteur de nos attentes. Si l’objectif désigné est la couverture de l’ensemble des captages à l’horizon 2010, les chiffres sont alarmants : seuls 57 % des captages bénéficient d’une protection, et nous sommes déjà en 2011 !

Ainsi, il me semble que l’urgence est bien de réaffirmer la volonté politique partagée par l’ensemble des acteurs d’aller vers une couverture intégrale des captages d’eau par des périmètres de protection et d’identifier les freins à l’application de cette obligation légale.

Par ailleurs, dans le rapport de la Cour des comptes de février 2002, les lacunes de ces périmètres de protection ont été soulevées. Notamment, il a été déploré que ceux-ci ne constituent pas une bonne protection contre les pollutions diffuses d’origine agricole. Pour finir, les procédures de création de ces périmètres sont jugées longues et complexes, ce qui expliquerait pour partie le retard pris.

Nous le voyons, les questions liées à ces périmètres sont multiples et nous devons nous interroger sur la constitution de meilleurs outils afin de préserver la qualité de la ressource aquatique, et ce dans le cadre d’une meilleure imprégnation des impératifs écologiques au sein des politiques publiques.

Dans ce sens, il me semble que la proposition de loi du groupe UMP peut laisser penser que la protection des captages est une contrainte assimilée à une nuisance, ce qui, à nos yeux, n’est pas une bonne approche.

Concernant plus précisément l’objet du présent débat, vous avez raison de rappeler que le principe reste celui de la non-indemnisation des servitudes d’urbanisme. Certes, des exceptions existent, notamment celle que vous mentionnez concernant l’indemnisation des communes accueillant sur leur sol des lignes à haute tension ; mais il nous semble que la situation est différente puisqu’il s’agit dans un cas de la création par l’homme d’une infrastructure par définition nouvelle et qui aurait pu se situer ailleurs, et dans l’autre d’un point de captage naturel qui a toujours été présent.

En effet, si ces périmètres entraînent pour les communes qui les subissent des contraintes – et personne ne le nie –, ils sont par ailleurs le gage de la qualité de l’eau, objectif qui ne doit souffrir aucune restriction, et ne peuvent ainsi être simplement considérés comme une nuisance entachant le potentiel de développement d’une commune.

Au fond, toute la difficulté consiste ainsi à faire coïncider l’intérêt général avec l’intérêt particulier, en l’occurrence celui d’une collectivité qui elle aussi, d’une certaine manière, représente l’intérêt général. Mais comment indemniser pour un dommage qui n’existe pas ? Comment expertiser les projets hypothétiques qui auraient pu naître à cet endroit ?

Sur le fond, seul l’État peut, par des mesures compensatoires, prendre acte du préjudice subi. À cet égard, je partage le point de vue de mon collègue Fortassin sur la question de la péréquation. Il est bien évident que les collectivités qui portent seules des territoires à enjeu d’intérêt général doivent être aidées et bénéficier de mesures de péréquation.

Nous regrettons que la jurisprudence soit si restrictive en ce domaine et que la responsabilité de l’État – responsabilité sans faute – comme outil de solidarité territoriale et de péréquation ne soit jamais reconnue. Il y là matière à un véritable débat. Il nous faudra d’ailleurs nous interroger sur les motivations des juges en la matière.

Ainsi, faute de pouvoir engager la responsabilité de l’État, vous êtes tentés, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, de renvoyer les collectivités dos à dos en opposant celles qui seraient propriétaires et celles qui seraient bénéficiaires d’un captage d’eau – d’autres domaines pourraient ensuite être concernés. En outre, le dispositif d’indemnisation prévu aurait nécessairement des répercussions sur les factures d’eau des particuliers. Nous ne le souhaitons pas.

Je crains que, au fond, ce genre de débat ne nous amène à éluder d’autres questions.

L’assèchement des ressources des collectivités locales par l’État doit nous conduire non pas à opposer les collectivités les unes aux autres, mais à désigner les véritables responsables de cette situation.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si le groupe CRC-SPG comprend les difficultés rencontrées par les collectivités et le problème posé par Marie-Hélène Des Esgaulx, même s’il ne nie pas les problématiques purement locales que posent les périmètres de protection, il ne peut souscrire aux solutions préconisées dans la proposition de loi. Cette dernière témoigne tout de même d’une logique de marchandisation des ressources premières et occulte les défis et les responsabilités partagées en termes de développement durable par l’ensemble des collectivités publiques. Nous pensons que la solution réside dans la péréquation et que l’État a un rôle à jouer.

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