Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Une régression continue

Evolution des finances locales -

Par / 27 janvier 2015

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut que saluer l’initiative du groupe UMP d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat sur l’évolution des finances locales.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Éric Bocquet. Il s’agit d’un sujet récurrent et ô combien important pour les représentants des communes de France que nous sommes.

Les uns et les autres, nous avons participé, ces dernières semaines, aux cérémonies de vœux dans nos territoires respectifs. Je suis prêt à parier un euro – symbolique – que nous avons tous entendu s’exprimer l’inquiétude des maires et des élus locaux face à la baisse des dotations aux collectivités territoriales et aux difficultés qui s’annoncent pour la mise en œuvre des programmes sur lesquels les maires ont été élus il y a moins d’un an !

M. Charles Revet. C’est bien vrai !

M. Éric Bocquet. Il faut malheureusement souligner que nous sommes passés du gel des dotations, en vigueur pendant le dernier quinquennat, à une baisse de 11 milliards d’euros annoncée pour les trois années qui viennent. L’histoire des finances locales s’apparente décidément de plus en plus à une régression lente mais certaine !

Pourtant, le budget des collectivités territoriales est obligatoirement équilibré, et leur dette est parfaitement stable depuis trente ans. En outre, elles réalisent encore plus de 70 % de l’investissement public dans notre pays, or l’investissement crée des actifs, et non du déficit ! À cet égard, nous partageons le constat dressé par M. Baroin, même si nous avons combattu les choix opérés par le gouvernement dont il faisait partie.

Voilà vingt-deux ans, le gouvernement de M. Balladur réformait profondément la dotation globale de fonctionnement et procédait au gel des dotations. Deux ans plus tard, le ministre de l’économie centriste d’un autre gouvernement, notre ancien collègue Jean Arthuis, créait l’enveloppe normée des concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales, dispositif resté en vigueur depuis lors. Quatre ans après cette brillante initiative, le ministre de l’économie d’un nouveau gouvernement, M. Strauss-Kahn, décidait de supprimer la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires.

En 2010, sous l’impulsion du président Sarkozy, la mise en extinction de la taxe professionnelle, engagée dès 1999, a été consommée. Cet impôt a été remplacé par une contribution économique territoriale largement insuffisante, qui a fait de nombreux mécontents, et pas seulement parmi les élus locaux.

Voici que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une réduction de 11 milliards d’euros des dotations placées sous enveloppe, à raison d’un tiers de cette somme chaque année pendant trois ans.

Si l’on veut connaître l’avenir, mes chers collègues, il vaut mieux de temps à autre se rappeler le passé ! Or il montre que l’insuffisante évolution de la DGF et l’imparfaite compensation des réductions d’impositions locales expliquent pour une bonne part la progression de la fiscalité locale.

Le débat se situe aussi sur le plan institutionnel, puisque le paysage des collectivités territoriales est mouvant et que d’aucuns escomptent évidemment de la nouvelle organisation territoriale de la République qu’elle conduise à faire partager, dans un consensus établi, l’effort de réduction des dotations.

Une première question se pose : la décentralisation, trop souvent assimilée à un simple transfert de charges de l’État vers les collectivités territoriales, constitue-t-elle toujours la clé universelle des problèmes sociaux et économiques du pays ? La lutte contre le chômage appelle une politique nationale vigoureuse, au besoin relayée par les collectivités territoriales, dont il faut sans cesse rappeler le poids dans l’économie des territoires.

J’en viens à la question fiscale. L’équilibre actuel de la fiscalité locale n’est pas satisfaisant, indépendamment de la spécialisation croissante des ressources par type de collectivités territoriales.

Je profite de ce débat pour mettre de nouveau le doigt sur la différence de traitement entre communes rurales et communes urbaines : les premières perçoivent en moyenne 64 euros de DGF par habitant, les secondes 128 euros !

La contribution économique territoriale n’est plus fixée, pour l’essentiel, par les décisions des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes ; elle fait l’objet d’une répartition au niveau national de la seule cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.

L’un des aspects clés du débat est connu : il s’agit de la révision des valeurs locatives cadastrales, une réforme dont le report incessant depuis 1989 a achevé de tronquer totalement le rendement de la taxe d’habitation et celui des taxes foncières.

La soumission à certains dogmes libéraux est la seule cause de la situation ubuesque que nous connaissons aujourd’hui : les logements sociaux de nos zones urbaines sensibles sont surcotés par rapport à la valeur locative des appartements anciens de nos quartiers placés sous protection architecturale et paysagère. Il est temps de mettre un terme à cette situation.

Les principes qui guident le plafonnement de la taxe d’habitation doivent être étendus à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les propriétaires occupants, par exemple.

Faut-il majorer la taxation des résidences secondaires ? La question doit être envisagée, même si l’application d’un correctif fondé sur la capacité contributive du ménage occupant en ce qui concerne la seule habitation principale nous semble un élément de différenciation suffisant.

Concernant la taxe professionnelle, ou du moins l’impôt économique des entreprises, il importe de s’interroger sur les effets de la dernière réforme et, in fine, sur la non-prise en compte, dans l’assiette de la contribution économique territoriale, d’un élément à nos yeux déterminant de l’actif des entreprises : la réalité de leurs actifs financiers.

De longue date, le groupe que je représente ici en a appelé à l’instauration d’une cotisation nationale, donnant lieu à péréquation, sur les actifs financiers des entreprises et leur utilisation. Nous versons de nouveau au débat cette proposition, dont la mise en œuvre assurerait enfin une réelle égalité de traitement fiscal entre les entreprises. En effet, la dernière réforme, menée en 2010, n’a toujours pas résolu le problème que représente l’évidente sous-imposition des secteurs de la banque et de l’assurance et, plus généralement, de nombreuses entreprises de services.

Si cette réforme a permis de réduire l’imposition de certaines branches industrielles, n’oublions pas qu’elle s’est aussi traduite par l’augmentation de la contribution de dizaines de milliers de très petites entreprises.

Certains ont pu qualifier la taxe professionnelle d’« impôt imbécile ». Sans doute eût-il été préférable de la rendre intelligente, plutôt que d’en décider la suppression pure et simple…

Selon nous, il serait de quelque utilité de donner aux très petites entreprises une bouffée d’air frais sous forme de réduction d’impôt, mais il est surtout temps que nous puissions disposer, via la taxation des actifs financiers, d’un véritable outil de péréquation entre les différents niveaux de collectivités.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les collectivités sont prêtes à jouer leur rôle de levier économique dans leurs territoires respectifs, et donc dans l’ensemble de notre pays. N’oublions jamais que l’égalité de traitement entre les collectivités territoriales doit être la clé de voûte de la réalisation et de la défense des valeurs de la République.

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