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Les débats

Comment faire face à des besoins croissants avec des moyens amputés ?

Rapport public annuel de la Cour des comptes -

Par / 24 mars 2021

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, Henry Kissinger aurait affirmé : « Il ne peut pas y avoir de crise la semaine prochaine : mon agenda est déjà plein ». (Sourires.)

Année après année, les responsables politiques du pays ont refusé d’anticiper la survenance d’une crise, que celle-ci soit financière, sociale ou sanitaire. C’est ce que je lis dans le rapport de la Cour des comptes : ce gouvernement, comme bien d’autres avant lui, a contribué à l’impréparation généralisée qui a affecté notre capacité à répondre à la conjonction de crises que nous affrontons et à la gérer. Au reste, ce n’est un secret pour personne que la crise était antérieure à la pandémie…

Je note, au préalable, un symptôme du manque de réflexion de la période d’avant le covid : jamais, par exemple, n’est paru un rapport sur l’activité de réanimation. Pourtant, la saturation des lits de réanimation ne date pas de la crise sanitaire ! Depuis au moins une décennie, elle est bien connue des personnels médicaux. Puisque, en temps normal, 88 % des lits de réanimation sont occupés, il est évident que, en période de pandémie mondiale, l’Île-de-France, par exemple, ne peut que constater, impuissante, que sa capacité d’accueil est dépassée de 8 points ! Autrement dit, 8 patients sur 100 sont reçus dans des conditions précaires, sans matériels adaptés.

Le pire, c’est que l’on aurait dû apprendre, si ce n’est avant l’épidémie, du moins entre les différentes vagues ! Entre le 2 et le 16 avril dernier, ce sont 2 700 patients qui ont été accueillis en Île-de-France, pour seulement 1 150 places.

Indépendamment d’une éventuelle crise sanitaire, nous savions que nous ne pourrions pas faire face à des besoins de soins accrus avec des moyens en baisse. Or, entre 2013 et 2019, la France a été amputée de 21 000 lits d’hospitalisation.

Mes chers collègues, tout est dit à la page 163 de ce rapport. Il y est question de la progression des lits de réanimation : « Cette progression de 0,17 % par an s’avère dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées », « qui constituent pourtant près des deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur ».

Concrètement, en 2013, il y avait 44 lits de réanimation pour 100 000 habitants de plus de 65 ans ; à la veille de la crise sanitaire, il n’y avait plus que 37.

Sans entrer dans les détails du rapport, nous y trouvons bien d’autres choses que nous savions déjà, notamment que 5 % des jeunes souffraient de défaut d’accès aux outils informatiques et que les 600 000 élèves en rupture numérique ne pourraient pas continuer à étudier.

Nous savions que les 300 000 personnes sans domicile, dont 40 000 sans-abri, étaient chaque année plus nombreuses dans cette société confrontée à une exclusion chronique : 10 % de plus par an depuis 2012 !

Nous savions, comme le souligne la Cour, que l’« absence de préparation opérationnelle », alors même que l’épidémie de H1N1 ou la canicule de 2006 auraient dû permettre une réponse moins confuse, a rendu l’État défaillant dans sa capacité à proposer des solutions d’hébergement et d’accueil et à répondre aux besoins urgents d’équipement en masques et en tests de dépistages.

On savait donc, mais on n’en a pas tenu compte. Notre groupe adresse donc ses remerciements à la Cour d’avoir rappelé et précisé ces éléments.

Vous l’aurez compris, la gestion de la crise sanitaire s’inscrit dans une situation déjà complexe, sur fond de détresse sociale, de rationnement de services publics et de pression financière sur les collectivités locales.

L’afflux de cas n’a pas entraîné un recours aux hôpitaux privés pour combler les carences de l’hôpital public, qui était dépassé : 80 % des patients covid en soin critiques étaient hospitalisés dans le public et seulement 10 % dans le privé lucratif.

La fédération représentative de l’hospitalisation elle-même déplore que ces établissements n’aient pas été associés pour soutenir le public, l’exécutif préférant les transferts de patients et les déprogrammations massives. En avril dernier, c’est près d’un acte chirurgical majeur sur deux qui n’a pas été assuré.

Concernant le logement de ceux qui n’en avaient pas, à l’heure des successions de confinements, les acteurs de la solidarité sont très critiques : « Tant les objectifs fixés que les outils mobilisés se situent dans la lignée de ceux qui préexistaient à la crise sanitaire. Ils ne permettent pas de se situer au niveau qu’appelle la crise. L’échec de nombreuses dynamiques d’insertion et, plus largement, les tensions dans les structures d’hébergement résultent de cette impossibilité [...] d’accéder à un logement ».

Ainsi, le tarif des places d’hôtels est de 14 % plus cher en moyenne à Paris pendant la période hivernale. Autre exemple, l’État réserve 400 places sur le site Kellermann à 113 euros par jour et par personne. Cette situation d’urgence permet de répondre à court terme et de façon coûteuse à des besoins profonds, mais ne propose aucune perspective à horizon post-épidémique.

Je vous remercie de votre rapport, monsieur le Premier président. Je pense qu’il constitue un exercice critique invitant à l’audace et à l’inédit politique.

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