Il est essentiel de préserver les salles indépendantes dans les villes moyennes
Avenir du cinéma français -
Par Céline Brulin / 28 mai 2019Monsieur le ministre, je veux évoquer à mon tour un sujet crucial pour le cinéma français et son avenir : celui des difficultés que rencontrent les salles de cinéma indépendantes.
Si la France détient le parc de salles le plus important et le plus dense d’Europe, elle le doit à ces salles indépendantes, qui demeurent très nombreuses. Or celles-ci sont aujourd’hui confrontées à la concurrence des multiplexes, situés en périphérie, qui ont peut-être contribué à une augmentation de la fréquentation cinématographique, mais qui contribuent aussi à la dévitalisation des centres-villes.
Chacun sait à quel point nombre de nos territoires se sentent aujourd’hui abandonnés. La raréfaction de l’offre culturelle y est, je le crois, pour quelque chose, d’autant que le cinéma a toujours occupé une place particulière dans l’accès à la culture. Plusieurs d’entre nous ont rappelé à juste titre que c’est la sortie culturelle la plus populaire. La préservation des salles indépendantes dans nos villes, notamment dans les villes moyennes, doit donc être une préoccupation majeure.
En 2016, un rapport du CNC rappelait que le cinéma en salle n’était pas mort et qu’une dynamique de retour vers le cinéma de centre-ville pouvait s’enclencher, à condition qu’elle soit accompagnée. Cette dynamique se heurte aujourd’hui à la réalité d’un parc de salles en difficulté. Ce sont pourtant ces salles qui font du cinéma une pratique culturelle à part entière, qui sont souvent les premières à œuvrer pour une diversité de films projetés et à mettre en place des activités culturelles et éducatives autour du cinéma.
À nos yeux, il est donc urgent d’agir, pour l’égalité territoriale autant que pour l’avenir du cinéma, car si la diversité des œuvres projetées s’affaiblit, c’est toute la qualité de la production française qui en pâtira.
De nombreuses mesures pourraient être adoptées. Par exemple, prendre en compte la diversité des lieux de diffusion au titre des critères d’implantation des nouvelles salles de cinéma serait un premier pas important.
Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Éric Bocquet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Le sujet est effectivement important.
Une salle sur deux est une salle « art et essai », une salle sur deux est située dans une commune de moins de 10 000 habitants, ce qui va totalement dans le sens de vos propos, madame la sénatrice.
J’ai déjà mentionné le soutien qu’apporte le CNC à la rénovation et à la création de salles indépendantes. Il continue d’investir chaque année 8 millions d’euros pour aider ces salles d’art et d’essai dans les centres-villes. Je partage votre conviction que nous devons continuer à faire vivre sur le plan culturel les centres-villes, et parfois même les centres-bourgs. Cela doit passer par une politique ambitieuse de maintien de salles en centre-ville, qui vient cependant parfois en contradiction avec la nécessaire modernisation des salles et l’amélioration de leur accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.
La médiatrice du cinéma a pour rôle de protéger les salles d’art et d’essai de la concurrence des multiplexes, notamment pour l’accès aux films. C’est un point dont l’importance est souvent sous-estimée.
J’ajoute que le CNC organise un tour de France d’accompagnement des salles d’art et d’essai, pour les aider à mieux gérer leur exploitation, par exemple en sachant acheter, en valorisant mieux leurs événements, en étant plus visibles sur internet et les réseaux sociaux.
Enfin, le CNC a obtenu en mai 2016 une avancée majeure qui permet de garantir un meilleur accès des salles des petites agglomérations et des zones rurales aux films art et essai des auteurs reconnus et récompensés dans les grands festivals, grâce à la signature d’engagements de diffusion par les distributeurs. Nous travaillons à un futur plan d’action 2019-2021 pour les salles d’art et d’essai.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous avez répondu, comme précédemment à notre collègue Sonia de la Provoté, sur les salles « art et essai », mais nous voulons aussi vous alerter sur la situation de salles de petite taille, situées notamment dans des villes moyennes, qui ont une programmation très diversifiée, et pas particulièrement « art et essai ». Elles méritent également toute notre attention.