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Les débats

Il faut s’extirper de ces plateformes toutes-puissantes

Contenu haineux sur internet -

Par / 19 novembre 2020

Le sordide assassinat de Samuel Paty, le mois dernier, a relancé le débat sur la régulation des contenus en ligne. Le Gouvernement travaillerait d’ailleurs sur un dispositif juridique de lutte contre la haine sur les réseaux sociaux, à la suite de la censure de l’essentiel des dispositions de la loi Avia par le Conseil constitutionnel.

Nous considérons, pour notre part, que la loi ne peut pas être la même hors ligne et en ligne. Même si, de toute évidence, ses grands principes doivent partout prévaloir, elle doit être adaptée à ce support immatériel et protéiforme. En effet, internet, qui est aujourd’hui dominé par les grandes plateformes, les Gafam, dont le modèle repose sur l’économie de l’attention ou, plus communément, sur le « buzz », tend à valoriser la diffusion des contenus les plus clivants.

Aussi, nous considérons que l’interopérabilité donnerait aux victimes de contenus haineux la possibilité de se réfugier sur d’autres plateformes, ayant des politiques de modération différentes, tout en continuant à échanger avec les contacts qu’elles avaient noués jusqu’alors.

Bien sûr, internet n’est autre que la continuité du monde qui nous entoure. Les propos haineux ne naissent pas sur internet, mais les géants de la toile, par leur modèle économique, favorisent leur diffusion et leur viralité. Il est donc nécessaire de penser un autre modèle d’interaction pour s’extirper de ces plateformes toutes-puissantes.

C’est pourquoi, en décembre dernier, notre groupe proposait, dans un amendement à la proposition de loi Avia, d’obliger les opérateurs – et non de les encourager – à mettre en œuvre des standards techniques communs d’interopérabilité. Nous sommes convaincus que cela permettrait d’enrayer la diffusion de contenus haineux sur internet, ou tout au moins de les limiter fortement.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle est votre position sur ce sujet précis et que pensez-vous de cette proposition ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet, monsieur le sénateur Bacchi, notamment avec votre collègue Pierre Ouzoulias, et je veux, sans esprit polémique, préciser clairement notre position.

L’interopérabilité est une solution à la domination économique des plateformes. Elle fait partie des remèdes qui pourront être envisagés en cas de situation de monopole ou d’oligopole d’une plateforme. Dans un tel cas, celle-ci étant devenue une infrastructure essentielle, il faudra faire en sorte de réinsuffler de la compétition en desserrant son empreinte sur le secteur qu’elle domine.

Sur la question des contenus haineux, je ne suis pas d’accord, sur le principe, avec votre proposition.

Concrètement, vous envisagez, pour régler le problème, de dire à une personne ayant été insultée ou menacée de mort sur Facebook : « Attendez, on va mettre en place l’interopérabilité entre Facebook et un autre réseau social et vous pourrez quitter l’un pour aller sur l’autre. »

D’une part, si une personne entend en harceler une autre, elle pourra la suivre sur l’autre réseau social sans problème. On ne fera donc que déplacer le problème. D’autre part, c’est contestable sur le principe : la réponse à la haine en ligne ne peut être de permettre à la victime de quitter le réseau social.
Mettre en œuvre l’interopérabilité pour répondre aux problèmes que pose la haine en ligne, c’est dire à la victime qu’on ne sait pas régler son problème, qu’on ne peut pas s’en prendre à ceux qui l’offensent, mais qu’on va lui permettre d’aller sur un autre réseau. Ce ne peut pas être la réponse de l’État ; sinon, c’est la pertinence même de son action qui sera remise en question par nos concitoyens.

Je le dis sans aucun esprit polémique, vraiment, l’interopérabilité, dans ce cas, pose une difficulté de principe.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Peut-être me suis-je mal fait comprendre, auquel cas je m’en excuse.

Nous ne considérons pas l’interopérabilité comme l’unique moyen à mettre en œuvre, mais nous estimons qu’il faut permettre aux victimes de harcèlement, si elles le souhaitent, de changer de plateforme. Mais, évidemment, l’interopérabilité ne viendrait pas en substitution de tout l’arsenal à déployer pour limiter et condamner les harcèlements en ligne.

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