Il ne s’agit que d’une opération de communication
Plan d’action en faveur des territoires ruraux -
Par Guillaume Gontard / 7 janvier 2020Madame la ministre, la lecture de votre plan d’action est engageante. J’y retrouve par moments la vision dynamique d’une ruralité française revivifiée par la transition écologique, sociale et démocratique qui est au cœur de mon engagement politique.
Lutter contre l’artificialisation des sols, promouvoir l’agroécologie, faire des forêts le poumon de notre pays, revitaliser les petites villes, soutenir le commerce de proximité, lutter contre les déserts médicaux, faciliter l’accès aux services publics, développer l’ingénierie publique : à part le développement à l’aveuglette de la 5G, vous feriez presque carton plein !
Je parle au conditionnel, parce que, malheureusement, comme d’habitude, ce travail relève de l’opération de communication. Concrètement, vous ne mettez pas un euro sur la table. En outre, vos propositions vont souvent à l’encontre de la politique de votre gouvernement.
Ainsi, vous voulez développer l’agroécologie tout en supprimant les aides au bio, préserver nos forêts tout en démantelant l’ONF, l’Office national des forêts, soutenir le commerce de proximité tout en permettant aux grandes surfaces de consigner le plastique, lutter contre les déserts médiaux sans contraindre, même a minima, les médecins, accompagner les élus, développer les petites villes et les tiers lieux, tout en supprimant la taxe d’habitation, et tenter de renforcer l’ingénierie publique sans lui offrir de nouveaux moyens, mais simplement par des opérations de plomberie administrative ! C’est encore et toujours le même double discours !
Dès lors, je m’inquiète pour les promesses que vous ne faites pas, notamment dans le domaine de la mobilité, enjeu prioritaire pour nos concitoyens.
Les territoires ruraux n’ont pas besoin de lignes aériennes subventionnées qui les mettraient à une heure de Paris ; ils ont besoin de dessertes ferroviaires fines, dont le sort est à nouveau renvoyé au rapport Philizot, que l’on attend comme on attend Godot ; ils ont besoin de transports publics structurants qui permettent la mise en place de solutions adaptées à chaque contexte – covoiturage, vélo électrique, autopartage –, de manière à limiter l’usage de la voiture individuelle ; ils ont besoin que l’on parle, enfin, de « démobilité » et d’un aménagement du territoire équilibré, qui reviendrait sur l’hypermétropolisation, car celle-ci à la fois concentre et éloigne tout.
Madame la ministre, après la promulgation de la loi d’orientation des mobilités, toujours en manque de financement, quelles sont les ambitions concrètes du Gouvernement en faveur de la mobilité en zone rurale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Gontard, je vais prendre mon temps pour vous répondre : je ne dispose que de deux minutes, mais, comme je sais que je ne vous convaincrai pas, ce n’est pas la peine de se presser.
Je vous rappellerai tout d’abord que ce plan a été élaboré à partir des propositions faites par les élus auteurs du rapport qui en est à l’origine. Ce n’est pas moi qui ai inventé ces 200 propositions ! Parmi elles, 173 ont été retenues ; nous en avons encore ajouté quelques autres, pour un total actuel de 183 propositions retenues.
Certes, on peut faire de l’esprit, on peut faire de l’humour sur la politique que mène le Gouvernement – c’est tout à fait autorisé. Toutefois, prenons l’exemple de la santé. M. Genest, tout à l’heure, a présenté une partie du plan qui a été mis en place par ma collègue Buzyn. Il y a une mesure à laquelle je tiens particulièrement et que M. Genest n’a pas citée : la création de contrats d’engagement de service public.
Il s’agit d’offrir la possibilité de recevoir, au cours des études, une sorte de bourse en échange d’un engagement à servir une fois le diplôme reçu. Un système comparable existait jadis pour les enseignants au sein des instituts de préparation aux enseignements de second degré : j’ai pu en bénéficier moi-même pendant ma jeunesse.
Nous étions rémunérés pendant nos études, mais nous devions ensuite donner une partie de notre temps professionnel au service public : on nous envoyait dans les régions où il y avait particulièrement besoin d’enseignants. Notre idée est de créer un tel système, aujourd’hui, pour les médecins. Ce serait une mesure très importante.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l’absence de mesures contraignantes. Il se trouve qu’il n’y a pas de majorité, au Parlement, pour adopter de telles mesures. Nombre de gens y ont déjà réfléchi, mais j’estime en tout cas que toutes les mesures que nous avons prises, y compris l’envoi de médecins salariés – 400 à l’origine, 600 grâce à l’agenda rural – dans les zones où ils sont nécessaires, sont importantes.
Je signalerai par ailleurs que certains départements et régions s’engagent sur la même voie, afin de compléter l’agenda rural. C’est notamment le cas – pardonnez-moi de toujours citer ma région ! – de la région Centre-Val de Loire.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, je souscris complètement à la plupart des propositions de ce rapport. Comme vous venez de le rappeler, elles sont issues des élus. Je l’ai d’ailleurs bien souligné dès le début de ma question.
Je souhaitais plutôt connaître la manière dont vous comptiez mettre en place ces mesures concrètement. Car c’est ce qui manque : des moyens, mais aussi de l’ingénierie directe. L’ANCT n’est qu’un bidouillage de ce qui existe déjà sur les territoires, sans financement complémentaire. Quant à la question des mobilités, sur lesquelles je vous interrogeai, vous ne m’avez pas répondu, alors qu’elle est très importante et demande des moyens supplémentaires sur les territoires.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Gontard. Sans mobilité, il n’y a pas d’emploi, mais il n’y a pas non plus de santé !