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Les débats

L’industrie aéronautique, et la filière spatiale en particulier, sont, à l’instar de nombreux secteurs industriels, financiarisées à outrance

Avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale -

Par / 12 mai 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat consacré à l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale, proposé par le groupe CRC, est au cœur de problématiques cruciales pour l’avenir de notre pays. Toutes les interventions précédentes l’ont encore démontré.

Au mois de mars dernier, par exemple, le ministre de l’économie et des finances a examiné, avec M. le secrétaire d’État chargé des transports, les plans industriels qui avaient été développés par son prédécesseur, Arnaud Montebourg.

Ces plans ont été sérieusement revus à la baisse. Quelque temps auparavant, nous apprenions ainsi que, à la suite d’une décision du Gouvernement, l’État actionnaire s’apprêtait à vendre, pour plus d’un milliard d’euros, près de 4 % de ses participations dans le groupe d’aéronautique et de défense Safran.

Une même logique et une même cohérence inspirent les décisions prises dans ces deux cas. Nous en avons largement parlé lors de la discussion du projet de loi Macron ces trois dernières semaines. Il s’agit de faire des économies à tout prix, d’obtenir rapidement des rentrées d’argent, pour répondre aux exigences de la Commission de Bruxelles, satisfaire les marchés financiers et respecter ainsi le dogme intangible des 3 % de déficit public promis pour 2017.

C’est une stratégie de court terme, qui est aveugle sur les conséquences économiques et sociales négatives qui en découlent.

C’est ainsi que l’industrie aéronautique, et la filière spatiale en particulier, sont, à l’instar de nombreux secteurs industriels, financiarisées à outrance et percutées de plein fouet par la dictature du bas coût présentée comme la seule solution pour résister à la concurrence exacerbée.

À cet égard, le cas de la filière spatiale, avec les lanceurs de satellites, est tout à fait représentatif de cette politique, ainsi que l’a montré Michelle Demessine.

L’affaire remonte en réalité au mois de juin 2014, lorsque les dirigeants des grandes entreprises de ce secteur ont directement rencontré le Président de la République pour lui proposer une profonde réorganisation de la filière.

Quelques mois plus tard, en décembre 2014, lors d’une réunion interministérielle des pays membres de l’Agence spatiale européenne, notre pays a décidé de confier aux entreprises Airbus et Safran la maîtrise d’œuvre des lanceurs de type Ariane et leur commercialisation par la société Arianespace. Il s’agissait là d’appliquer de nouvelles orientations à ce secteur industriel.

Un tel changement de politique est significatif d’une perte de la maîtrise de l’État dans ce domaine, au seul profit du secteur privé.

Cette perte de contrôle sur les orientations à mettre en œuvre coïncide paradoxalement avec un très important financement sur fonds publics, puisqu’il représentera 8 milliards d’euros sur dix ans, et ce sans contrepartie.

Il est tout à fait légitime que ces dirigeants d’entreprise aient souhaité alerter au plus haut niveau de l’État sur les défis qu’ils doivent relever et sur les difficultés liées à la concurrence. Toutefois, prennent-ils les bonnes décisions pour préserver les intérêts de notre pays dans les dix ans qui viennent ?

La méthode employée et l’opacité entourant les solutions qui ont été proposées au chef de l’État au cours de cette réunion permettent d’en douter. Nous estimons que les enjeux, les décisions et les mesures à prendre pour restructurer un secteur aussi stratégique pour l’avenir de notre pays, devraient être discutées publiquement. C’est là, je crois, le rôle de ce débat parlementaire souhaité par notre groupe.

Ce débat est également nécessaire, car les organisations syndicales des salariés des entreprises du secteur, évidemment concernés au premier chef, sont tenues dans l’ignorance de la nouvelle gouvernante adoptée et des décisions qui ont été prises.

Ces organisations déplorent de ne pas disposer d’éléments d’information suffisants pour apprécier la situation en toute connaissance de cause et pouvoir ainsi en contester éventuellement le bien-fondé. Elles sont évidemment prêtes à entendre qu’une évolution de l’organisation industrielle de la filière aéronautique et spatiale est nécessaire pour s’adapter à un environnement qui a changé.

Toutefois, les modalités de cette restructuration, telles qu’elles apparaissent, posent de graves questions et suscitent de légitimes inquiétudes, concernant en particulier l’emploi et l’indépendance de notre pays.

Instruits de douloureuses expériences précédentes dans ce secteur – je pense, en particulier, à la fusion en cours entre les filiales du groupe Safran SPS et SME –, les syndicalistes savent que ce type d’opération est réalisé, en règle générale, au détriment des emplois, des conditions de travail et du maintien des compétences dans les entreprises.

Ce modèle de rapprochement sur des activités de fabrications duales, civiles et militaires, que sont les lanceurs spatiaux et les missiles nucléaires stratégiques, est-il vraiment une solution pertinente du point de vue de l’économie et des intérêts fondamentaux de notre pays ?

Dans ces conditions, est-il réellement judicieux, concernant le domaine hautement stratégique des programmes européens d’accès à l’espace, de remplacer le pilotage public actuel des acteurs institutionnels que sont l’Agence spatiale européenne et le CNES, le Centre national d’études spatiales, tous deux privilégiant l’intérêt général, par un donneur d’ordre privé, en l’occurrence Airbus regroupé avec Safran, dont l’objectif premier de réduction des coûts est révélateur d’une logique essentiellement commerciale et financière ?

C’est donc sur ces questions de fond que notre groupe souhaite obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur les nouvelles orientations qu’il entend imprimer à la filière spatiale.

Dans notre débat de cet après-midi, la démocratie, ainsi mise au service du développement économique et de l’avenir du pays, ne peut qu’y gagner.

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