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Les débats

La LRU a plongé les universités dans d’énormes difficultés financières

Stratégie nationale de l’enseignement supérieur -

Par / 5 mai 2016

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde d’une complexité croissante, qui évolue de plus en plus vite, il faut plus que jamais s’interroger, comprendre, chercher, inventer.

Confrontés à de nouveaux défis, nous pourrons ainsi appréhender et accompagner les changements, et imaginer de nouveaux horizons. Il s’agit donc de donner aux jeunes générations la possibilité d’appréhender des savoirs de plus en plus complexes, grâce notamment à un enseignement supérieur de qualité.

La loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche prévoyait la définition d’« une stratégie nationale de l’enseignement supérieur […] élaborée et révisée tous les cinq ans. » À l’époque, nous avions salué cette initiative, marquant une ambition forte pour l’enseignement supérieur.

Le rapport définitif du comité STRANES a été remis au Président de la République le 8 septembre 2015. Mais depuis, plus rien, monsieur le secrétaire d’État, jusqu’à la réception sur nos messageries électroniques, hier midi, à la veille du présent débat demandé par nos collègues du groupe socialiste et républicain, d’un document de synthèse émanant du Gouvernement !

La loi prévoyait pourtant que les priorités devaient être « transmises aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat » avant d’être définitivement arrêtées. La méthode utilisée s’écarte donc quelque peu de l’esprit de la loi… Dommage !

Le rapport final du comité STRANES comporte cinq axes stratégiques, trois leviers et un plan d’action présentant quarante propositions pour une « société apprenante ». Nous en partageons les objectifs et l’ambition. En outre, nombre des propositions formulées comportent de bonnes options. Le rapport propose ainsi de porter à 60 % d’une classe d’âge, contre 42 % aujourd’hui, la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur, d’ici à 2025. Pour rappel, la stratégie de Lisbonne de 2000 fixait comme objectif de conduire 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur, afin que l’économie de nos pays s’adapte à « l’économie de la connaissance ».

Pour atteindre ce nouvel objectif ambitieux, que je partage, il va donc falloir changer de braquet !

Dans le rapport, il est également proposé de porter à 20 000 le nombre de doctorats délivrés chaque année. Il est par ailleurs suggéré de mettre en place deux mesures, dont l’une, très concrète, consisterait à conditionner l’octroi du crédit d’impôt recherche à l’embauche de jeunes docteurs. Malheureusement, votre document de synthèse n’en dit mot, monsieur le secrétaire d’État !

Dans la loi, il est aussi prévu que la STRANES comporte « une programmation pluriannuelle des moyens ». C’est justement ce qui manquait à la loi Fioraso, alors qu’il s’agit pourtant d’un point capital.

Les quelque 1 000 emplois supplémentaires inscrits dans le budget chaque année, très souvent utilisés par les universités pour faire face à d’autres dépenses, et non pour créer des postes, ne suffiront évidemment pas !

Si les auteurs du rapport de la STRANES prennent acte du poids des « contraintes budgétaires », ils affirment la nécessité de « trouver les moyens d’investir dans la société apprenante ».

L’une des pistes évoquées, la plus pertinente à mes yeux, consiste à engager l’Europe à reconnaître l’enseignement supérieur « comme un investissement nécessaire à son avenir ». Pour ce faire, au-delà des incantations, il existe un moyen d’action concret : exclure les dépenses consacrées à l’enseignement supérieur du calcul des déficits publics par la Commission européenne. À défaut, l’objectif de porter, à l’échelon européen, le montant global des dépenses consacrées à l’enseignement supérieur à 2 % du PIB risque de connaitre le même destin que celui de consacrer 3 % du PIB à la recherche qui avait été fixé en 2000, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. En effet, ce dernier objectif n’est toujours pas atteint, notamment par la France. Or, de mon point de vue, l’urgence est là !

Sur ces deux points, monsieur le secrétaire d’État, votre document de synthèse est peu explicite. Vous vous contentez d’indiquer que vous porterez la discussion autour de cet objectif avec vos homologues.

Nous nous interrogeons donc sur la possibilité de concilier les objectifs ambitieux de la STRANES et les responsabilités sociales assumées par les universités dans le cadre de leur autonomie.

Nous le savons, la LRU et le passage aux responsabilités et compétences élargies ont placé les universités devant des difficultés financières telles que, en 2012, la moitié d’entre elles étaient en déficit. La situation a évolué, mais au prix d’efforts considérables, réalisés au détriment des conditions de travail des personnels et des conditions d’études et de réussite des étudiants.

Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous préconisez le développement des « ressources propres ». Il reste qu’il ne peut venir se substituer à un budget de l’enseignement supérieur et de la recherche ambitieux, car qui dit développement des ressources propres, dit aussi augmentation des charges de fonctionnement.

Vous le savez, nous sommes hostiles à la sélection plus ou moins directe des étudiants par le biais du resserrement des capacités d’accueil des établissements, de l’augmentation des frais d’inscription ou du recours aux procédures d’admission sur dossier.

La STRANES a écarté cette piste, dont l’adoption constituerait un grave retour en arrière et une atteinte au principe d’égalité devant le service public.

Le réinvestissement financier de l’État dans l’enseignement supérieur doit aussi se concrétiser au travers de la proposition n° 34 de la STRANES, qui vise à assurer une formation de tous les enseignants du supérieur.

Pour conclure, j’aimerais évoquer l’un des principaux volets sur lesquels la STRANES a formulé des propositions, à savoir la situation sociale des étudiants.

Le premier outil de sélection indirecte des étudiants, facteur d’échec prégnant, reste le salariat. Les propositions de la STRANES vont donc dans le bon sens. Source d’échec, handicap dans la poursuite des études en raison de la difficulté du cumul entre emploi et stages obligatoires, le salariat étudiant renforce les déterminismes sociaux au lieu de les atténuer.

De fait, cette question doit s’apprécier au regard de tous les facteurs conduisant au salariat étudiant : précarité sociale à laquelle les bourses accordées sur critères sociaux n’ont pas remédié, recul de l’accès aux soins accompagné d’une disparition des structures de médecine préventive universitaire, manque flagrant de places en cités universitaires, alors même que le logement représente le premier poste de dépenses des étudiants…

Si j’ai bien compris, ce débat d’une heure, organisé à un moment qui ne favorise pas la participation, sera le seul temps d’échange que nous aurons sur la STRANES. Je veux donc dénoncer avec force le décalage que je perçois entre l’ambition affichée à juste titre dans le rapport de la STRANES et les conclusions du document de synthèse du Gouvernement ! J’appelle ce dernier à se ressaisir !

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