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Les débats

Le gouvernement n’a pas répondu aux attentes des collectivités territoriales

Contribution des politiques d’appui aux collectivités à l’aménagement et la cohésion des territoires -

Par / 30 novembre 2021

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par une remarque sémantique, l’intitulé de ce débat étant particulièrement subtil. Il s’agit en effet non pas d’aborder les compétences des collectivités en matière d’aménagement et de cohésion des territoires, ce qui serait un sujet en soi, mais bien les politiques d’appui. On entend donc par là les actions de l’État et de ses opérateurs en direction de ces mêmes collectivités, ce qui constitue un enjeu très spécifique.

L’enjeu démocratique est central. En effet, toute politique d’aménagement doit permettre de concilier intérêt local et intérêt général. La métropolisation poursuivie sous ce quinquennat aura renforcé les distorsions, concentrant les financements et les pouvoirs dans les centres urbains. Les périphéries n’auront pas bénéficié du ruissellement attendu ; elles auront finalement eu souvent le sentiment de ne pouvoir s’exprimer que sur les ronds-points.

Le quinquennat qui s’achève n’aura pas permis de résoudre cette crise démocratique, ni même de la résorber. Et ce n’est pas le projet de loi 3DS, en cours de navette parlementaire, qui permettra de faire bouger les lignes. Ce que l’on nous présente comme un texte en faveur de la décentralisation et de l’expérimentation est en réalité un énième projet de loi renforçant le désengagement de l’État de sa responsabilité première d’aménageur.

J’en veux pour preuve la volonté de l’exécutif de se dessaisir des routes ou des petites lignes ferroviaires, c’est-à-dire de toutes les infrastructures qui s’articulent en réseau. Le Sénat l’a refusé au nom de l’unité du patrimoine et de la nécessité d’un État qui relie les territoires, plutôt qu’il ne les segmente.
En matière de soutien de l’État aux politiques d’aménagement du territoire par le biais des collectivités, il existe deux manières de faire.

Il existe ainsi la manière directe, celle des dotations versées par l’État aux collectivités, afin de leur permettre de mettre en place leurs projets et de soutenir les services publics locaux. Dans ce cadre, malgré la stabilité constatée cette année, le quinquennat n’aura pas répondu aux espérances, après des années de coupe de la DGF. En réalité, cette stabilité n’est même qu’illusoire, puisqu’elle ne prend pas en compte l’inflation.

Qui pis est, l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales a été largement remise en cause par la nationalisation de la taxe d’habitation, qui dénoue dangereusement le lien entre fiscalité et territoire.

Par ailleurs, les finances de nombreuses collectivités ont subi un effet ciseau, notamment du fait de l’évolution du niveau de la dotation de solidarité rurale ou du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. La volonté de recentrer l’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), pour éviter les effets de saupoudrage, pose également la question de la vocation généraliste de ces dotations, compte tenu, qui plus est, de l’opacité constatée dans leur mode d’attribution.

Je pense également à l’avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR), dispositif si utile pour nos territoires qu’il conviendrait de pérenniser.

Les politiques de soutien aux collectivités dans le domaine de la construction ont également été revues à la baisse, puisque l’État s’est progressivement désengagé de la production de logements abordables.

Les politiques de soutien de l’État passent essentiellement par la contractualisation et les appels à projets, tels que les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain. C’est cette logique de guichet qui a prévalu lors de la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Certes, cette structure a le mérite d’exister, mais son fonctionnement n’est pas optimal et ses moyens restent pour le moment insuffisants. Nous savons que les communes et les intercommunalités sont dans une situation inéquitable, les collectivités qui ne sont pas dotées d’ingénierie étant totalement mises à l’écart de l’accès à ces financements.

Faut-il aussi rappeler l’affaiblissement des services de l’État sur le terrain, qui a mis les petites communes en grande difficulté, notamment quand ont disparu ces services qui concouraient à l’élaboration des projets techniques en matière d’adduction d’eau, d’assainissement et d’urbanisme ?

Enfin, les opérateurs de l’État dans les territoires partenaires de l’ANCT souffrent d’une baisse draconienne de leurs moyens et de leur subvention. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), pour ne citer que lui, est durablement menacé, ce qui est très préoccupant, notamment au regard des enjeux d’adaptation au risque climatique auxquels sont confrontés les territoires.

Les élus ne demandent pas l’aumône. Ils attendent non pas moins d’État, mais mieux d’État dans ses missions régaliennes.

Enfin, les politiques d’aménagement du territoire et de cohésion ne passent pas que par un appui spécifique aux collectivités, elles passent aussi par une déclinaison efficace de politiques nationales adossées sur le respect des droits de l’ensemble de nos concitoyens, notamment au titre du principe d’égalité devant le service public.

Je pense en particulier à la situation de l’hôpital public, soumis au dogme de la rentabilité, aux regroupements et aux mutualisations, mais je pourrais également évoquer la couverture numérique, la présence postale, les crèches et les écoles, les gares, la désertification médicale endémique dans nos territoires.

M. Jean-Noël Cardoux. Très bien !

Mme Marie-Claude Varaillas. Il convient de mettre en place des politiques audacieuses pour renforcer la présence territoriale d’opérateurs publics capables de rendre effectives les nécessaires péréquations territoriales. Ce ne sont malheureusement pas les maisons France Services qui pourront pallier le désengagement de l’État, puisqu’elles ne servent qu’à gérer la pénurie et masquer le fait que des pans entiers de notre économie ont été privatisés au détriment de l’intérêt général.

Il faut une loi d’aménagement du territoire reposant sur trois piliers : habiter, travailler et vivre sur un territoire.

Vous le voyez, mes chers collègues, les pistes de réflexion et d’action sont très vastes. À n’en pas douter maintenant, ce chantier immense sera celui du prochain quinquennat !

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