Le principe de précaution aurait dû prévaloir
Gestion des conséquences de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen -
Par Céline Brulin / 30 juin 2020Madame Borne, vous aviez dit, lors d’une audition qui avait eu lieu immédiatement après l’incendie, ici même, au Sénat, que la législation issue des accidents industriels Seveso et AZF notamment n’était pas complètement adaptée pour gérer le risque à moyen et à plus long terme ; je vous rejoins totalement sur ce point. Aucune obligation d’enquête de santé, par exemple, n’est prévue. Les enquêtes dont, en l’espèce, on a pu obtenir l’organisation, qui ont été confiées à Santé publique France, n’ont, pour l’une d’entre elles au moins, toujours pas démarré ! Et, selon toute vraisemblance, elle ne démarrera finalement qu’un an après l’incendie.
Or le rapport relève très justement que le principe de précaution aurait dû prévaloir dès le départ, qu’il devrait guider le suivi sanitaire de la population et des salariés sur le long terme, l’ouverture de registres de morbidité étant notamment essentielle pour la connaissance des conséquences de cette catastrophe. En la matière, je viens d’entendre une ouverture, que je salue. Mais il ne me semble pas raisonnable ni sensé de se contenter d’attendre les prélèvements, dont je rappelle qu’ils sont, en outre, à la charge de l’industriel, pour déclencher la création de registres ou le lancement d’une enquête médicale.
Ne pourrait-on pas imaginer, par exemple, un dispositif législatif autorisant le déclenchement immédiat, après ce type d’accident, d’enquêtes sanitaires et environnementales rendant possible le suivi de ce qui se passe réellement ? Ce suivi permettrait également de veiller à la bonne indemnisation des préjudices subis. La contractualisation aujourd’hui en vigueur empêche tout recours ultérieur contre la société Lubrizol de la part des bénéficiaires des deux fonds d’indemnisation mis en place ; or, par définition, on ne connaît pas aujourd’hui les conséquences qui pourraient s’ensuivre de la catastrophe à long terme.
Je conclurai en insistant sur l’absolue nécessité d’une meilleure association des élus locaux, en particulier des maires, dans la gestion de crise, dans le contrôle des sites, dans les exercices de sécurité civile. Il est indispensable que l’État considère enfin les élus locaux comme des partenaires à part entière. Quelles consignes entendez-vous donner en ce sens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, nous aimerions tous pouvoir apporter des garanties aux populations. Force est de constater, néanmoins, que la démarche que nous avons à mettre en œuvre comporte des incertitudes, et qu’elle revient à avancer à l’aveugle, si vous me permettez cette expression. Les conséquences d’un incendie, en particulier lorsqu’il s’agit d’un incendie du type de celui de l’usine Lubrizol, sont très complexes à déterminer. La complexité peut certes être anxiogène, mais il faut pouvoir assumer, devant nos concitoyens, la nécessité d’objectiver la présence de contaminants dans les milieux avant de pouvoir mesurer l’incidence sanitaire potentielle.
Sans attendre les identifications que nous avons demandées à Santé publique France, nous avons réalisé notamment des suivis d’évaluation des activités des urgences, de SOS Médecins, de tout le corps médical et médicosocial – nous avons aussi pris en compte les conséquences psychosociales de cet incendie. Nous devons, sur ces éléments particuliers, apporter des réponses. Nous avons commencé ce travail, qui est mené parallèlement aux études conduites par Santé publique France.
Sur certains points, des améliorations sont possibles – le rapport recense quelques pistes, et nous allons les étudier : notre objectif est bien de nous saisir des rapports des parlementaires pour améliorer le système en le rendant plus efficace et plus efficient. Et je partage votre souhait d’associer toujours davantage les élus locaux de proximité, auprès des services de préfecture notamment. Une telle association nous semble nécessaire dans la perspective de transmettre, ensuite, une information de très bonne qualité à nos populations et à l’ensemble de nos professionnels.