Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Le secteur psychiatrique illustre bien cette déshumanisation des soins

Situation de l’hôpital -

Par / 12 janvier 2017
Sénateurs communistes
Le secteur psychiatrique illustre bien cette déshumanisation des soins

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les membres du groupe communiste républicain et citoyen ont demandé à mettre en débat la situation de l’hôpital public, car celui-ci se trouve dans un état grave, nécessitant une intervention urgente, comme l’a dénoncé Laurence Cohen.

À l’approche d’échéances électorales qui auront une répercussion fondamentale sur les orientations prises en matière de santé publique, ce débat est impératif pour clarifier la vision que nous défendons pour notre système de santé actuel et à venir, pour ses patientes, ses patients et pour son personnel soignant.

Nous avons maintes fois alerté sur le danger des directions prises par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, que ce soit avec la loi HPST de 2009 ou avec la loi Santé de 2016. Nous sommes aujourd’hui constamment interpellés sur les conséquences néfastes de ces textes sur la qualité des soins, les conditions de travail et de prise en charge ou les méthodes de gouvernance – antidémocratiques.

Dans tous les secteurs médicaux, nous retrouvons les mêmes symptômes. Et ces symptômes sont liés au même virus : la logique libérale et « austéritaire » de l’hôpital-entreprise instituée par ces deux lois. Aujourd’hui, et partout, ce sont nos régions et nos différents services hospitaliers qui paient les pots cassés !

En complément des propos de ma collègue Laurence Cohen, que je partage complètement, j’observerai que le secteur psychiatrique illustre tristement ces répercussions, et leur conséquence directe : des soins déshumanisés, des patients et des soignants malmenés. La psychiatrie a subi des baisses drastiques de budget : plus de 0,5 % du budget national tronqué en deux ans !

Les représentantes et représentants du personnel du centre hospitalier de Saint-Égrève, dans mon département, m’alertent sur le manque de personnel hospitalier, ainsi que sur la fusion et amputation de postes bien au-delà de ce que prévoyait le virage ambulatoire. Ceux de l’hôpital de Saint-Cyr dénoncent la suppression d’un pôle entier de pédopsychiatrie. L’hôpital du Léman, en Haute-Savoie, voit son service de psychiatrie démantelé et 43 lits disparaitre.

Le centre hospitalier Le Vinatier, établissement de référence en psychiatrie et santé mentale dans le Rhône, devra, lui, réaliser 3,5 millions d’euros d’économies. Dans cet établissement, les coupes se traduisent déjà en restrictions de matériel et, bientôt, 80 postes seront supprimés.

Quant au pôle public psychiatrique du centre hospitalier de Vienne, également dans mon département, il a été transféré sur le centre psychothérapique privé du Nord-Dauphiné à Bourgoin-Jallieu. Outre la fermeture d’unités d’accueil et d’hospitalisation, ainsi que la dégradation de la prise en charge, en particulier des enfants, ce nouveau projet médical a précipité le départ de nombreux pédopsychiatres, laissant autant de postes vacants. Ainsi, les équipes soignantes travaillent dans une précarité ne leur permettant pas d’assurer toutes leurs missions.

Toutes ces femmes et ces hommes, garants de la qualité des soins, ne peuvent servir plus longtemps de variables d’ajustement face aux économies imposées par le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, par l’intermédiaire des directions de ces établissements.

Cette austérité budgétaire s’accompagne de logiques bureaucratiques et comptables qui ont profondément métamorphosé la conception des soins. Aux origines des nouvelles méthodes de gestion du secteur de la psychiatrie, il y a le rapport de Michel Laforcade relatif à la santé mentale. Ce document consacre une approche scientiste et normalisatrice, dans laquelle la dimension psychique ne trouve pas de place.

Ainsi les protocoles de soin de la Haute Autorité de santé qui en découlent, et que dénonce le Collectif des 39, sont contraires à la démarche de la psychiatrie. Cette tendance à la taylorisation du métier de soignant nous retranche dans des logiques sécuritaires, des pratiques d’isolement et de contrainte. D’ailleurs, le minutage des tâches pratiqué par de nombreux hôpitaux est lui aussi révélateur de cette désastreuse approche : rationnaliser le temps ne peut se faire qu’au détriment du relationnel, et ces pratiques manquent grandement d’humanité.

Pourtant, la psychiatrie française avait su abandonner les pratiques courantes d’asile au profit d’une proximité de soins spécifiques au contexte, au patient, à son histoire et ses souffrances. L’hôpital et, en particulier, la psychiatrie ne peuvent plus demeurer des usines à patients.

Dans des conditions de travail aussi extrêmes, il n’est pas étonnant que le pire puisse se produire. Les patients, excédés et usés, peuvent devenir violents, comme le montre l’agression, à Saint-Égrève, d’un agent du service psychiatrique ayant subi un traumatisme crânien.

Parfois, sous la pression, les membres du personnel en viennent à commettre l’irréparable. Comme le rappelait ma collègue Aline Archimbaud, le nombre de burn-out et de suicides, ou tentatives de suicide, est là malheureusement pour l’illustrer.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, les alertes sont particulièrement nombreuses. Pourtant, le personnel soignant et ses représentants se heurtent systématiquement au silence des directrices et directeurs des agences régionales de santé – les ARS –, qui considèrent l’hôpital sous le seul prisme financier. De surcroît, la loi HPST les a rendus tout puissants au sein de leurs directoires – ma collègue Laurence Cohen évoquait, voilà un instant, des « préfets sanitaires » –, leur permettant ainsi d’imposer aux professionnels sur le terrain leurs plans d’austérité.

À ce propos, madame Génisson, il ne me semble pas que le plan visant à prendre soin des soignants soit véritablement mis en œuvre…

La logique « austéritaire » a aussi une répercussion sur l’offre de soins. La recherche d’économies a poussé à de gigantesques restructurations et regroupements, évoqués par ma collègue. Ces restructurations ont été menées sans concertation, sans aucune considération de la carte de l’accès aux soins et aux spécialités, ni de la capacité des patients à poursuivre leur traitement, et celle de leurs accompagnants à les y aider.

En témoigne l’exemple du GHT Paris Psychiatrie et Neurosciences, qui a dû déménager deux fois en l’espace de deux ans, en laissant vide de spécialistes le XIVe arrondissement, pourtant en grand besoin. À contre-courant de cette logique, il nous faut, pour lier ces besoins de structure collective et de soins de qualité, repenser notre système de santé.

Une médecine généraliste de proximité, organisant dans des centres de santé des équipes pluridisciplinaires de quartier, permet aux soignants de travailler dans des structures à échelle humaine.

Ces cellules ont un ancrage et une visibilité locale. Les soignants ont le temps de coopérer et de répondre au cas par cas aux patients et à leurs parents, à leurs maux et à leurs préoccupations. Ils n’en seront que plus motivés et engagés. Cette véritable politique de lutte contre les déserts médicaux permettra à l’hôpital, ainsi décongestionné, de se dédier pleinement à ses fonctions de spécialité, de prévention, de recherche et d’enseignement.

Aussi, et pour conclure, l’État doit assumer et assurer pleinement ses responsabilités. Il doit réinvestir massivement dans le secteur de la sante publique. Cela passe par un financement à la hauteur des besoins de nos hôpitaux et de nos centres de santé – pourquoi, madame la secrétaire d’État, ne pas ouvrir des lits dans l’urgence pour faire face à l’épidémie de grippe ? Cela passe aussi par un investissement fort dans le personnel, sa formation et ses conditions de travail.

Cette politique est indispensable si nous voulons véritablement conserver la qualité de nos soins et ne pas aboutir à un système de santé à deux vitesses. Cette conception humaniste et citoyenne de la santé publique et de la médecine est essentielle aux patients de nos hôpitaux publics et à l’ensemble de leurs services, psychiatrie comprise !

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