Le sport est facteur de partage en cette période de repli sur soi
Quelle perspective de reprise pour la pratique sportive ? -
Par Céline Brulin / 24 mars 2021Madame la ministre, depuis un an, la pratique sportive est entravée. Les différents règlements et protocoles qui se sont succédé au fil des confinements et des couvre-feux ont créé beaucoup d’incompréhensions. Il est même arrivé que les parcs et les plages soient interdits d’accès, ce qui a découragé la pratique sportive libre et de plein air. Tout cela malmène considérablement les responsables d’associations, les bénévoles, les familles et les enfants qui pratiquent une activité physique et sportive.
C’est encore plus vrai aujourd’hui, alors que débute dans seize départements un troisième confinement, même si l’on a pu reprendre l’activité physique et sportive à l’intérieur dans les établissements scolaires, dont beaucoup avaient vécu des situations tout à fait ubuesques. Tant mieux, mais cela ajoute de la confusion à la confusion – c’est malheureusement une constante dans la gestion de la crise par ce gouvernement –, d’autant qu’en sens inverse, il y a quelques semaines à peine, l’interdiction de la pratique d’activités en salle avait été annoncée sans préavis, ce qui a par exemple affecté la danse.
En dépit des efforts financiers des clubs pour se conformer à la réglementation sanitaire, de leur réactivité pour adapter la pratique aux nouvelles règles encadrant les lieux et les publics autorisés, et de leur capacité à démontrer leur sérieux dans la lutte contre la propagation du virus dans le milieu du sport amateur, le risque est grand aujourd’hui de voir de plus en plus de personnes s’éloigner du sport.
Déjà plus de 30 % des licenciés semblent se détourner de leurs clubs. C’est pourquoi il y a aujourd’hui unanimité pour réclamer le droit de pratiquer son sport favori.
Jason Lorcher, ancien hockeyeur de haut niveau à Rouen, a ainsi lancé une pétition, voilà quelques jours. Les « sportifs en détresse » qu’il a rassemblés sont aujourd’hui plus de 30 000 à témoigner des méfaits de l’interruption de l’activité sportive : amateurs, enfants, jeunes ou adultes, bénévoles ou dirigeants de clubs, tous expriment leur besoin vital de renouer avec la pratique sportive.
Du point de vue de la santé, chacun sait ici combien l’activité sportive est importante pour la prévention, y compris maintenant, face au covid-19. La rupture de la pratique risque aussi de créer de nouvelles problématiques de cohésion sociale. De l’avis des professionnels de santé, les conséquences de cette interruption peuvent en effet être graves sur le bien-être, mais également sur l’équilibre psychologique ou psychique de la personne. De plus, dans cette période particulièrement anxiogène, qui expose au repli sur soi, on manque cruellement du partage qui se noue autour du sport, ce qui exacerbe les inégalités sociales et isole les pratiquants les plus en difficulté.
Cette rupture risque aussi, à terme, d’avoir des conséquences sur le sport de haut niveau, en asséchant le vivier dans lequel l’élite sportive puise ses ressources. Nous avons tous plaisir à regarder de grandes compétitions internationales, de beaux matchs de sport professionnel, mais ceux-ci prennent sens parce qu’ils s’appuient sur un sport amateur et populaire : ils le font rayonner, mais la réciproque est tout aussi vraie.
Comment comprendre, dès lors, qu’aujourd’hui même, il y a quelques heures, les compétitions départementales et régionales de football aient été stoppées par la Fédération française de football, alors même que débutent les éliminatoires de la Coupe du monde de 2022 ?
Tout cela suscite des questions sur le modèle sportif qui perdurera après cette crise ; elles ont été posées par Jérémy Bacchi.
Nous sommes pour notre part convaincus que le sport est un véritable outil d’éducation, d’inclusion, d’épanouissement et de solidarité. Il est de ce fait encore plus utile en ce moment même que d’ordinaire.
Il faut donc créer les conditions de la reprise de la pratique sportive, bien évidemment dans le respect des règles sanitaires, et soutenir les clubs comme les collectivités, dont l’implication en la matière n’est plus à démontrer.
Le Pass’Sport est un outil qui peut contribuer à lever les obstacles financiers pour tous ceux qui, dans le contexte de crise sociale actuelle, auront des difficultés à payer leur licence. Nombre de collectivités auront à cœur d’y participer.
N’oublions pas cependant qu’elles aussi sont lourdement affectées, financièrement, par la crise sanitaire et toutes ses conséquences ! Il faut le prendre en compte. Il faut que les financements de l’État soient au rendez-vous si nous voulons que le Pass’Sport suscite véritablement la reprise de licences par le plus grand nombre.
La situation que nous connaissons doit être l’occasion de revoir en profondeur le financement de notre modèle sportif et de porter un plan ambitieux en matière de sport.
Je salue à mon tour l’ensemble des propositions qui ont été émises sur toutes les travées de notre assemblée à l’occasion de ce débat. Vous avez là, madame la ministre, des propositions à la fois précises, solides et concrètes qui peuvent permettre de redonner un nouveau souffle au mouvement sportif dans notre pays, ou de le relancer, puisque l’on parle beaucoup du plan de relance en ce moment. Nous sommes heureux d’avoir pu contribuer ce soir à ce débat.