Les réactions suscitées par les annonces de fermeture de bureaux témoignent d’un attachement à ce service public
Situation et avenir de La Poste -
Par Brigitte Gonthier-Maurin / 8 décembre 2016Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat intervient alors que le contrat de présence postale territoriale pour les années 2017–2019 vient d’être signé par le bureau de l’AMF. Les élus communistes ont voté contre.
Dans le département des Hauts-de-Seine dont je suis élue, ce nouveau contrat se traduira par la fermeture de dix bureaux de poste, le transfert des services vers un partenaire « extérieur » pour six autres et une fermeture dite temporaire pour le bureau du Chemin de l’île, à Nanterre.
Ces « partenariats » se feront pour la plupart avec des supermarchés.
Le cas du bureau de poste Bas Longchamp à Bagneux est révélateur.
Ce bureau de poste, qui n’est plus ouvert l’après-midi depuis plus d’un an, va fermer, bien qu’il soit situé dans un quartier relevant de la politique de la ville, et ses services vont être transférés dans une supérette de quartier.
Le nouveau contrat vient donc accentuer une tendance déjà à l’œuvre : il s’agit de passer d’un réseau constitué majoritairement de bureaux de poste à un réseau largement dominé par les « partenariats ».
La Poste se défend de maintenir un nombre de points de contact inchangé – autour de 17 000 –, mais ces derniers sont désormais déclinés en huit formes de présence postale : bureau de poste ; maison de services au public ; facteur-guichetier ; agence communale ou intercommunale ; Poste-Relais rural ou urbain, avec des partenaires de l’économie sociale et solidaire ; enfin Nomade, espace de coworking ! Mes chers collègues, tout est affaire de sémantique !
Quel est l’avenir des agents et des personnels de La Poste au sein de ces points dits de « contact » ?
En réalité, ce transfert de charges a un coût. Ainsi, le service Poste restante ayant été supprimé – il permettait notamment aux personnes démunies d’avoir une adresse –, ce sont désormais les mairies et les centres communaux d’action sociale, les CCAS, qui l’assurent, avec un degré de confidentialité et de sécurité bien moindre. Et je ne parle pas des petites annonces publiées sur un fameux site dédié de location de boîtes aux lettres pour 200 euros par mois.
Ce faisant, on fait l’impasse sur deux missions essentielles du service public de La Poste : la confidentialité et la confiance. Les deux vont de pair et sont l’apanage des facteurs et des agents et personnels de La Poste. Ils sont en effet assermentés, soumis à un devoir de confidentialité, responsables financièrement des plis et colis qui leur sont confiés. Ce tiers de confiance n’existera plus dans les supérettes où seront transférés les services du courrier.
Les réactions que suscitent les fermetures annoncées de bureaux de poste témoignent d’un attachement à ce service public.
Ainsi, dans mon département, que ce soit à Bagneux, à Gennevilliers, à Malakoff ou à Nanterre, les maires sont mobilisés aux côtés des personnels et des usagers. Des collectifs « Touche pas à ma Poste », sur l’initiative d’habitants, d’élus, de syndicalistes, font signer des pétitions, en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Meurthe-et-Moselle, dans l’Isère, la Loire et dans toute l’Île-de-France.
Même lorsque les édiles concernés ne trouvent rien à redire à un projet de fermeture, des citoyens s’emparent du sujet. Ainsi, à Tours, où quatre bureaux de poste sont menacés, ce sont les comités de quartier concernés qui ont réagi, rejoints par les personnels et les syndicats.
On ne peut effet appliquer aveuglément le critère strictement comptable de 1 bureau pour 20 000 habitants quand il s’agit d’un service public de proximité tel que La Poste.
Cette confiance vaut aussi dans la relation entre La Poste et les élus locaux. Nombre d’élus du groupe CRC ont écrit aux directeurs départementaux pour dénoncer des fermetures. La réponse que j’ai reçue témoigne d’un mépris certain.
Comment dès lors ne pas faire le lien avec le fait que le nouveau contrat de présence postale supprime le verrou démocratique que constituait l’accord préalable des conseils municipaux avant toute fermeture de bureaux de poste sur un territoire ? Avec ce nouveau contrat, plus d’accord préalable, mais un simple avis du maire. Or l’accord préalable du conseil municipal était un gage pour le débat démocratique. Sa suppression est donc grave !
Quant au Fonds postal de péréquation territoriale, l’AMF, mobilisée, a obtenu un bougé, à savoir un abondement supplémentaire de 4 millions d’euros. Or, cruel paradoxe, 35 % de ce fonds, soit 50 millions d’euros, servent aujourd’hui à fermer des bureaux de poste et à alimenter la grande distribution, qui accueille souvent les points de contact !
Le P-DG de La Poste prédit la fin du courrier d’ici à 2030. Il n’en demeure pas moins que des services autrefois assurés par La Poste – dans un bureau avec des postiers – sont aujourd’hui, via la dématérialisation, supportés par les clients. Ainsi, en France métropolitaine, l’envoi seul de chez soi d’un colis de 1 kilogramme en quelques clics coûte 13,50 euros, contre 7,50 euros dans un bureau de poste ! Il est à parier que la rentabilité financière de l’activité courrier va s’en trouver grandement améliorée !
En 2015, la branche services-courriers-colis a d’ailleurs représenté plus de 48 % du chiffre d’affaires consolidé de La Poste, et c’est cette activité qui offre la meilleure performance opérationnelle.
Au quotidien, les usagers ne perçoivent plus cette performance. Ils sont en effet confrontés aux retards de courriers, à la diminution des amplitudes horaires et, aujourd’hui, à l’accélération des fermetures de bureaux : plus de 250 fermetures sont prévues en France dans le nouveau contrat.
En outre, malgré un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de plus de 900 millions d’euros en trois ans, La Poste a supprimé 21 000 emplois nets. En 2015, 70 % des embauches se sont faites en CDD. En dix ans, la sous-traitance a été multipliée par cinq !
Rythmes de travail accélérés, burn out, suicides : les conditions de travail deviennent effroyables.
Alors que le creusement des inégalités entre les territoires n’a jamais été aussi durement ressenti par nos concitoyens, qu’en sera-t-il demain de l’accès au service universel postal quand celui-ci sera négocié au gré des contrats signés avec des collectivités aux capacités financières bien inégalitaires, et déjà bien rognées ?
Alors, mise sous surveillance citoyenne, états généraux de La Poste, nous disons « banco » !