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Les débats

Madame El Khomri, vous faites des choix contre la santé des salariés

Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail -

Par / 22 mars 2016

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par témoigner des initiatives que j’ai déjà prises dans mon département, le Pas-de-Calais, sur la question de la santé et du travail, notamment l’organisation de deux ateliers législatifs.

Lors du deuxième atelier législatif, dans ce bassin de vie qu’est l’ex-bassin minier, j’ai pu réunir à la même tribune un grand spécialiste de la santé au travail au sein de la Haute Autorité de santé et le responsable de la CGT de l’une des plus grandes entreprises du territoire : la Française de mécanique, qui emploie 3 000 personnes et fabrique des moteurs pour PSA.

J’ai ainsi pu constater que lorsqu’on place à la même table des acteurs différents pour débattre, le regard des uns et des autres change inévitablement, ce qui permet de faire des constats communs.

Le premier est que certaines organisations du travail sont évidemment pathogènes et font des dégâts inestimables sur les territoires concernés. Ce syndicaliste considère d’ailleurs que la recherche maximale du profit est le produit le plus nocif pour la santé des salariés. Il expliquait notamment, et cela doit nous interpeller, qu’une grande entreprise pouvait encore en France, au XXIe siècle, faire le choix de produits chimiques moins chers, mais plus nocifs pour la santé des salariés, sans même que ceux-ci soient correctement informés des risques. Comment parler alors de citoyenneté à l’échelle du territoire et de participation à la vie sociale, quand c’est l’intégrité physique et psychique qui peut être bafouée au quotidien ?

Les bilans chiffrés de cette entreprise sont d’ailleurs consternants. Ils montrent, malgré la division par deux des effectifs, une progression inquiétante des maladies professionnelles, non seulement en raison des expositions à l’amiante et à la silice dans le passé, mais aussi du fait de la progression des troubles musculo-squelettiques et psychosociaux. Il s’agit là des conséquences d’une forme de violence exercée aujourd’hui encore contre la santé de femmes et d’hommes, dans un pays pourtant riche comme la France et dans une entreprise appartenant aux deux plus grands groupes français de l’automobile.

Cet exemple doit effectivement nous faire réfléchir. Il doit nous aider à comprendre pourquoi les syndicalistes sont si attachés à la question des réparations – à la reconnaissance des maladies professionnelles et d’un juste taux d’invalidité, ou à la possibilité de prendre une retraite anticipée –, lesquelles constituent toutes un véritable parcours du combattant encore aujourd’hui.

Il doit en même temps nous rappeler ce dont tous les intervenants sont convenus ensemble, à savoir que la priorité des priorités doit être donnée à la prévention : il faut prévenir la maladie professionnelle, l’invalidité, les atteintes à la santé, plutôt qu’exclure et, éventuellement, réparer.

Tel est le message que je veux vous adresser, madame la ministre du travail. Je souhaite en particulier connaître votre avis sur une proposition que j’ai déjà présentée dans cet hémicycle en présence de Mme Marisol Touraine, sans résultat je dois dire.

J’avais alors souligné, et je le maintiens, que la sécurité sociale possède toutes les informations nécessaires à la mise en place d’une cartographie, territoire par territoire, des postes de travail pathogènes, qui, non assainis par les entreprises, continuent à fabriquer des victimes du travail.

Quel gâchis de ne pas donner aux caisses primaires d’assurance maladie, les CPAM, comme nous sommes plusieurs à le réclamer, les compétences et les moyens humains et financiers pour intervenir et remédier à ces situations. Je vous renvoie ici à l’intervention que j’avais faite sur l’article 6 bis du projet de loi relatif à la santé.

Je sais que la CGT aussi porte l’idée depuis 2008 d’intégrer les services de santé au travail au sein de la sécurité sociale.

Enfin, les CPAM auraient probablement un rôle utile à jouer pour observer les problèmes de santé les plus prégnants rencontrés sur un territoire et y remédier – je pense à certaines addictions –, lesquels ne sont pas sans conséquence sur les comportements, les relations et la santé au travail.

Priorité à la prévention ! Voilà un sujet fort qui reviendra lors de l’examen du futur projet de loi régressif que vous portez, madame la ministre, et visant à réformer le code du travail.

Je ne pouvais manquer de vous interpeller dès aujourd’hui, alors que vous vous apprêtez, une fois que le projet de loi aura été présenté en conseil des ministres, à proposer à la représentation nationale d’autoriser une modulation encore plus grande des horaires de travail – jusqu’à douze heures par jour et quarante-huit heures par semaine, voire soixante heures en cas de « circonstances exceptionnelles » ; de fractionner les temps de repos ; d’étendre les forfaits jours aux cadres des petites entreprises – notre pays a pourtant déjà été condamné sur ce sujet par des instances européennes ; de supprimer la visite médicale obligatoire pour la plupart des salariés et de faire de la médecine du travail une médecine de sélection et d’exclusion, dédouanant ainsi les employeurs de leurs responsabilités en matière de prévention et d’adaptation des postes de travail.

Il est bien évident que vous faites des choix contre la santé des salariés. Vous ouvrez même la voie à de nouvelles formes de dumping social et de concurrence malsaine entre les territoires.

Pour sa part, le groupe CRC pense que les bouleversements en cours, comme la révolution numérique et informationnelle, appellent plus de citoyenneté dans l’entreprise et dans la cité. Il faudrait sans tarder réfléchir à une nouvelle diminution du temps de travail et mettre en place un droit à la déconnexion, afin de prévenir le surmenage.

Ces bouleversements nécessitent en réalité une redéfinition du travail salarié, afin de protéger tous les nouveaux auto- entrepreneurs, qui sont en réalité soumis aux ordres des plateformes et au bon vouloir d’actionnaires particulièrement avides. Vous prenez malheureusement le chemin inverse, madame la ministre, en donnant tous les pouvoirs, ou presque, aux employeurs et en subordonnant les protections du code du travail aux impératifs économiques à court terme, et surtout au profit.

Nous avons là un point de désaccord, lequel justifie ce débat.

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