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Les débats

Mes chers collègues, ne confondons pas cannabis thérapeutique et cannabis récréatif

Le cannabis, un enjeu majeur de santé publique -

Par / 29 mai 2019

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je précise avant tout que ce débat porte uniquement sur le cannabis thérapeutique – la transcription de son intitulé a fait l’objet d’une omission.

En France, 300 000 à 1 million de personnes pourraient être concernées par le cannabis à visée médicale.

Cet usage n’est pas nouveau. Sa présence était déjà attestée dans le droguier suméro-akkadien, en Égypte, de même que dans les médecines indienne et chinoise. Aujourd’hui, une vingtaine des vingt-huit pays que compte l’Union européenne, douze pays hors de l’Union européenne et vingt-neuf États américains autorisent, à différents niveaux, le cannabis à usage médical.

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et la santé, déclarait elle-même dès le mois de mai 2018 : « C’est peut-être un retard que la France a pris quant à la recherche et au développement du cannabis médical. D’autres pays l’ont fait. J’ai demandé aux différentes institutions qui évaluent les médicaments de me faire remonter l’état des connaissances sur le sujet, parce qu’il n’y a aucune raison d’exclure, sous prétexte que c’est du cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes. »

Le 10 septembre 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a ainsi annoncé la création d’un comité scientifique spécialisé temporaire, ou CSST, portant sur l’évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France. À la suite de trois auditions, au cours desquelles s’est dégagé un large consensus, cette instance a jugé « pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques, en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles ».

Les situations thérapeutiques retenues par les experts pour l’usage du cannabis à des fins médicales sont les suivantes : les douleurs réfractaires aux thérapies accessibles, certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, le cadre des soins de support en oncologie, les situations palliatives et la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques.

Ce comité souhaite qu’un suivi des patients soit mis en place sous forme d’un registre national, pour que soient comparés les bénéfices et les risques du cannabis thérapeutique, pour qu’une évaluation des effets indésirables soit régulièrement faite par les réseaux de pharmacovigilance et d’addictovigilance et pour que la recherche soit favorisée. De même, afin que l’ensemble de ces propositions soit appliqué, il préconise une évolution de la législation.

En raison des risques qu’elle comporte pour la santé, le comité exclut la voie d’administration fumée et annonce que les différentes modalités d’administration seront précisées ultérieurement : il s’agit là d’une question essentielle.

Le 26 juin prochain, l’ANSM devrait rendre un avis quant aux perspectives françaises en matière de production et de mise à disposition.

Aujourd’hui, pour soulager leurs douleurs, beaucoup de malades se procurent du cannabis dans l’illégalité. Certains sont condamnés à des peines de prison pour la culture d’un simple plant destiné à apaiser leurs souffrances, l’usage thérapeutique de cette plante étant interdit en France. Les juges du fond ne retiennent qu’exceptionnellement l’état de nécessité.

En attendant l’avis définitif de l’ANSM, les malades ont recours à différentes méthodes de consommation.

Certains d’entre eux fument du cannabis coupé de tabac, qui, en raison d’un taux élevé de THC, provoque un effet psychotrope non adapté à leur situation. L’effet thérapeutique repose effectivement sur un équilibre entre les molécules de THC et de CBD. Lorsqu’ils se détournent du cannabis récréatif, les malades essaient parfois des produits à base de molécules de cannabidiol – le fameux CBD. Mais la loi française interdit également ces produits, sauf s’ils sont issus de variétés de chanvre autorisées, des graines et des fibres de ces plantes, et non des fleurs, et que leur taux de THC est inférieur à 0,2 %. Pourtant, à cette dose, les effets resteraient insuffisants pour apaiser les douleurs de certains malades.

D’autres malades s’approvisionnent à l’étranger pour un coût non négligeable, entre 500 et 2 000 euros par mois.

Des personnes malades, obligées de se livrer à l’automédication en pratiquant l’auto-culture ou en se fournissant sur le marché noir sans suivi médical ni garantie quant à la qualité des produits, se placent également dans l’illégalité.

Une autorisation de mise sur le marché pour le Sativex, un spray sublingual composé d’extraits de cannabis naturel, avait été délivrée en 2014. Mais, très restrictive quant aux conditions de prescription, elle est restée à l’état théorique. D’ailleurs, ce médicament est indisponible faute d’accord sur son prix de vente entre le comité économique des produits de santé et le laboratoire qui le distribue.

Le cannabis thérapeutique est un enjeu majeur de santé publique. Le Premier ministre a, lui aussi, déjà exprimé le souhait qu’une réflexion soit engagée quant à sa légalisation.

D’après une enquête menée par l’IFOP pour Terra Nova et ÉCHO Citoyen et publiée le 16 juin 2018, 82 % des sondés sont favorables à l’usage du cannabis sur prescription médicale, 73 % sont convaincus du devoir de l’État en matière de financement de la recherche sur les usages thérapeutiques du cannabis et 62 % considèrent que le cannabis médical doit être enfin accessible sous toutes ses formes, voire remboursable par la sécurité sociale.

Les patients souffrants attendent que la possibilité de prescrire du cannabis n’incombe pas aux seuls médecins spécialisés. Il convient d’élargir l’accessibilité au traitement, surtout pour les patients résidant dans des territoires touchés par la désertification médicale.

En Europe, seule la Grande-Bretagne s’est orientée vers une prescription par un spécialiste : les autres États concernés ont opté pour les généralistes.

Cela dit, il faudra rendre effective la disponibilité du médicament dès sa légalisation. À cette fin, il faudrait veiller à ce que le champ de prescription ne soit pas défini de manière complexe et restrictive. En l’occurrence, une rapide formation publique des médecins habilités à prescrire ce traitement serait également nécessaire. En parallèle, il conviendrait d’élargir les situations thérapeutiques retenues par l’ANSM pour l’usage du cannabis médical.

Le remboursement par la sécurité sociale du cannabis thérapeutique, éventuellement avec le concours des mutuelles, fait également partie des revendications des patients.

Le problème de l’approvisionnement et celui de la production, dont l’économie française devrait profiter, se poseront bien sûr dès la légalisation.

Il est primordial de mettre en place les modalités de production et de transformation. Il est aussi question de l’approvisionnement entre l’autorisation du cannabis thérapeutique en France et la mise à disposition des produits issus de la production domestique. Pendant l’année de battement, il sera nécessaire d’importer des produits conformes aux normes de qualité et de respect de l’environnement, en l’occurrence des produits issus de l’agriculture bio.

La distribution devrait se faire en pharmacie, afin de desservir l’ensemble des territoires.

Enfin, il est indispensable d’autoriser différentes formes de préparations issues du cannabis, afin de répondre à la diversité des pathologies traitées.

Mes chers collègues, ne confondons pas cannabis thérapeutique et cannabis récréatif. L’utilisation des opiacés n’a pas transformé notre pays en fumerie d’opium : de même, l’autorisation réglementée du cannabis thérapeutique ne devrait pas conduire à la généralisation des volutes récréatives !

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