Nous avons massivement besoin de logements à prix abordables
Comment construire plus et mieux en France ? -
Par Marie-Noëlle Lienemann / 2 mars 2021Quelle n’a pas été notre surprise de lire à la page 23 du projet de stratégie nationale bas-carbone (SNBC) : « Les hypothèses démographiques amènent à considérer que le volume de constructions neuves diminue continuellement jusqu’en 2050. »
Nous y sommes ! Nous y étions déjà avant la crise du covid-19, mais aujourd’hui nous assistons à une chute de la production. Or celle-ci se conjugue à une hausse considérable des coûts, les prix de l’immobilier, notamment des loyers, continuant à augmenter, de même que les prix de construction des logements. Or nous avons massivement besoin de logements sociaux et abordables dans le pays.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas par plaisir, mais pour boucler les opérations financièrement, que les gens ont décidé de construire plus petit.
Si nous voulons des logements plus grands, si nous voulons des logements à des prix abordables et si nous voulons des constructions bas-carbone, il faudra des aides à la pierre et une régulation des prix contre les flambées injustes et absurdes du foncier et de l’immobilier en France.
Mme Sophie Primas. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, il ne faut surtout pas bloquer les maires qui ont envie de construire. Sur ce point, il est fondamental de revenir sur le sujet majeur qu’est l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Celle-ci n’est compensée qu’à 3 %. Or il suffirait de la compenser à 50 %, ce qui représenterait un coût de seulement 200 euros par an par logement.
J’entends que la France ne pourrait pas prendre une telle mesure. Je veux bien, mais je crois qu’il ne faut pas cacher certaines réalités. Il faut faire appliquer la loi SRU, il faut bien sûr être exigeant pour que chacun prenne sa part, mais au-delà, le logement procède de la solidarité et de l’investissement nationaux. On ne peut pas demander aux collectivités de payer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Lienemann, nous observons effectivement une chute de la production de logements ; je partage ce constat qui a été dressé sur toutes vos travées. Ce phénomène est pour l’instant conjoncturel, mais il deviendra structurel si nous ne mettons pas en place ensemble – car la responsabilité est partagée – les outils pour lutter contre cette chute de la production de logements.
C’est la raison pour laquelle j’ai lancé de façon extrêmement volontariste le défi de financer 250 000 logements sociaux en deux ans grâce aux moyens financiers provenant des opérateurs de l’État et à un partenariat avec Action Logement. Ces logements sociaux devront être construits quelque part. C’est aussi la raison pour laquelle, comme Marie-Noëlle Lienemann, je soutiens l’application et la prolongation de loi SRU.
Je soutiens également le logement intermédiaire. C’est un segment utile qui se développe, raison pour laquelle nous avons supprimé l’agrément. Toutefois, la question du modèle économique des exonérations non compensées de TFPB se pose pour le logement intermédiaire comme pour le logement social.
Je reconnais tout à fait que nous devons être cohérents en termes de modèle économique et de soutien aux élus s’agissant de la construction de logements. J’ai souhaité la constitution d’une mission pour étudier la possibilité de compenser l’exonération de TFPB ou trouver des solutions alternatives pour le logement intermédiaire.
Or cette question se pose plus globalement et avec autant, voire davantage, d’acuité pour le logement social. Nous allons donc étendre les travaux de cette mission à tout le secteur du logement social afin de formuler des propositions quant à l’évolution de cette exonération, sa compensation ou son financement.
Pour autant, j’estime que les paramètres fiscaux ne sont pas les seuls déterminants dans la décision des maires de construire ou de ne pas construire. Cette décision relève plus globalement d’une politique territoriale et locale, et si la fiscalité est assurément un des éléments pris en compte, il n’est pas le seul.
Pendant longtemps, notre pays a eu des maires bâtisseurs. Il y a encore des maires qui souhaitent accueillir les habitants de leur territoire et leurs enfants dans les meilleures conditions possible. À charge pour nous de trouver le modèle, non seulement fiscal mais aussi politique et environnemental, qui le permette.