Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Que penser de ces chiffres très modestes pour notre pays face à la détresse humaine à laquelle nous assistons ?

Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015 -

Par / 13 octobre 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dernier débat préalable au Conseil européen que nous avons tenu dans cet hémicycle s’est déroulé au mois de juin. L’un des thèmes que nous avions alors longuement abordé était celui des migrants. Depuis, la situation n’a cessé de s’aggraver. J’y consacrerai par conséquent l’essentiel de mon intervention.

En effet, nous assistons à un véritable drame humain. Depuis le mois de janvier dernier, près de 600 000 réfugiés ont frappé à la porte de l’Europe selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ou HCR. Ils sont plus de 710 000 selon FRONTEX. Ces chiffres confirment donc qu’il s’agit des flux migratoires les plus importants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le HCR attribue cette augmentation des migrations à la multiplication des conflits qu’il chiffre à quinze au total dans le monde.

À la suite des décisions prises par la Commission européenne, la France compte accueillir un peu plus de 30 000 réfugiés sur deux ans, soit 24 000 demandeurs d’asile dans le cadre de la répartition envisagée par l’Union européenne. En juillet dernier, elle a promis d’accepter 6 572 personnes et un millier de réfugiés en provenance de l’Allemagne, en concertation avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA. À titre de comparaison, à la suite de la guerre d’Espagne, la France avait accueilli 650 000 réfugiés espagnols. Alors que penser de ces annonces, de ces chiffres très modestes pour notre pays face à la détresse humaine à laquelle nous assistons ?

Lors de la réunion informelle du 23 septembre dernier, la Commission européenne rappelait que l’Europe avait triplé sa présence en mer, mobilisé des financements en faveur des États membres les plus touchés à hauteur de 70 millions d’euros, qu’elle luttait contre les passeurs, s’était engagée à relocaliser 160 000 personnes nécessitant clairement une protection internationale, et que l’Union européenne était le premier donateur dans le cadre des efforts internationaux déployés pour répondre à la crise des réfugiés syriens. Ces mesures commencent à aller dans le bon sens, mais elles me paraissent encore bien insuffisantes face à la situation.

Dans le texte de la déclaration de la Commission, nous pouvions également lire que l’Union envisage un « système solide qui résistera à l’épreuve du temps » grâce notamment au « renforcement de FRONTEX et [à] l’élargissement de son mandat ainsi que par l’adoption de mesures ambitieuses pour créer un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. »

La Commission doit présenter une proposition en ce sens au mois de décembre. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser la position de la France sur ce sujet ? Pouvez-vous nous informer des mesures qu’envisage la Commission afin d’« ouvrir des voies légales de migration » qui comprennent, entre autres, la révision du système de « carte bleue ». En effet, sans dispositif permettant une immigration légale dans de bonnes conditions, l’immigration clandestine continuera de prospérer !

La Commission prévoit aussi un régime à long terme en matière de réinstallation et de relocalisation. Elle doit présenter, en mars 2016, une proposition relative à un programme permanent de réinstallation. Quelles sont les propositions de la France à ce sujet ? La Commission proposera également une nouvelle réforme des règlements de Dublin toujours au mois de mars prochain. Monsieur le secrétaire d’État, que préconise le Gouvernement en l’espèce ?

Le groupe communiste, républicain et citoyen est, quant à lui, favorable à l’abrogation de ces règlements, qui constituent aujourd’hui un obstacle à l’exercice de la solidarité par l’ensemble des vingt-huit États qui composent l’Union européenne.

Je voudrais maintenant vous faire part de mon indignation. Désormais, il y a les « bons » migrants et les « mauvais », ceux qui migrent pour des raisons acceptables, notamment parce qu’ils fuient la guerre, alors que les autres, qui fuient seulement la misère dans leur pays, seraient indésirables sur notre territoire !

La création de centres d’enregistrement, ou hot spots, en Italie et en Grèce, dont l’objectif clairement affiché est de distinguer les personnes éligibles à l’asile des migrants dits « économiques », est tout aussi inacceptable, inhumaine et indigne des valeurs de solidarité et d’humanisme de l’Europe.

Dans leur déclaration du 23 septembre, les chefs d’État ou de gouvernement précisaient que ces centres permettraient « de procéder à l’identification, à l’enregistrement et au relevé des empreintes digitales des migrants et, dans le même temps, d’assurer la relocalisation et les retours au plus tard d’ici novembre 2015 ».

Que se passera-t-il pour les ressortissants de certains pays, par exemple le Soudan ? Le taux de reconnaissance du statut de réfugié est très variable pour eux d’un pays européen à l’autre. Comment les déboutés du droit d’asile pourront-ils déposer un recours ?

Et puis, d’une certaine manière, nous connaissons déjà en France les risques de dérive des hot spots. Ainsi, la problématique de la jungle de Calais ne doit pas être laissée de côté : entre 3 000 et 5 000 réfugiés y vivent dans des abris de fortune. À cause de l’indifférence et de la négligence des dirigeants européens pendant un temps, ce campement est plus que jamais en grande difficulté. Je ne méconnais pas les efforts actuels du Gouvernement pour résoudre ce problème. Cela dit, la situation reste extrêmement difficile.

Ce n’est pas parce que la Manche sépare nos deux pays qu’elle affranchit les dirigeants britanniques de leur part de responsabilité. Londres a choisi de considérer la situation sous le seul angle de la sécurité de ses frontières en en déplaçant une sur le sol français…

Je ne pense pas que l’accord signé entre la Grande-Bretagne et la France soit la solution au problème. Il serait bien préférable que le Royaume-Uni reconnaisse qu’une large partie des réfugiés de Calais relèvent de la convention relative au statut des réfugiés des Nations unies.

Dans le contexte actuel, nous savons que la question des migrants est particulièrement délicate en Grande-Bretagne, où le référendum concernant le maintien au sein de l’Union européenne devrait se tenir d’ici à la fin de l’année 2017, voire plus tôt.

Selon un sondage de l’institut Survation réalisé pour le Mail on Sunday, 43 % des personnes interrogées estiment que la Grande-Bretagne devrait quitter l’Union européenne, 40 % préfèrent rester dans l’Union européenne et les 17 % restants sont encore indécis. Toujours selon ce même sondage, 22 % des personnes interrogées souhaitant le maintien dans l’Union européenne pourraient changer d’avis à cause de la crise des migrants.

Le Premier ministre britannique dit qu’il est favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Toutefois, il n’exclut rien s’il n’obtient pas de ses partenaires européens un certain nombre de concessions. La question se pose donc de savoir concrètement ce que le Gouvernement français est prêt à accepter ou non de la part du Royaume-Uni.

Se pose également la question de la transparence de ces négociations. Les parlementaires doivent être informés de leurs avancées et savoir concrètement ce que chacune des parties est prête à concéder.

En outre, il ne faut pas que le contenu des dérogations issues de ces négociations aille à l’encontre de certains principes. Il y a des lignes rouges à ne pas franchir, notamment en matière de dumping social et d’évasion fiscale.

Concernant les dérogations, les besoins financiers nés de l’afflux de réfugiés ravivent les tensions désormais classiques entre les partisans des politiques austéritaires et ceux qui s’y opposent.

Après avoir évalué les budgets nationaux pour 2016, la Commission européenne semble accepter l’idée d’ouvrir une marge budgétaire dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, ce à cause des « circonstances exceptionnelles » auxquelles les pays en question sont confrontés avec l’afflux de réfugiés. La France, l’Italie et d’autres pays européens soutiennent cette approche. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que ce front pourra trouver une majorité au sein du Conseil pour permettre à chaque pays de faire face aux défis qu’il doit relever ?

Pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement français vis-à-vis de la proposition allemande de créer une taxe européenne exceptionnelle « migrants » qui pourrait s’appuyer sur la vente de carburants et sur la TVA ?

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