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Les débats

Un écran de fumée pour occulter la désastreuse politique gouvernementale

Sécurité routière : mieux cibler pour plus d’efficacité -

Par / 5 juin 2018

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier mes collègues rapporteurs pour leur travail.

Depuis le début du siècle, les efforts se multiplient pour améliorer la sécurité sur nos routes et, ainsi, épargner des vies humaines. Dans un contexte de recrudescence du nombre de tués sur nos routes, le Gouvernement a proposé un nouveau plan de renforcement de la sécurité routière. C’est ce plan gouvernemental que s’est attaché à examiner le groupe de travail dont les conclusions font l’objet de notre débat d’aujourd’hui.

Une mesure phare, la réduction à 80 kilomètres par heure de la limitation de vitesse sur les routes départementales, a particulièrement retenu l’attention de nos concitoyens et du Sénat. Cette mesure, décidée hâtivement et sans concertation avec les territoires, aura, de mon point de vue, surtout servi à créer un écran de fumée pour occulter la désastreuse politique gouvernementale.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

M. Guillaume Gontard. La réduction de la vitesse permettra certainement de sauver des vies et aura un aspect pédagogique, mais une démarche plus ciblée en concertation avec les acteurs locaux aurait été préférable et plus efficace.

M. Alain Fouché. Absolument !

M. Guillaume Gontard. Beaucoup de nos concitoyens, en zone périurbaine, seraient heureux de pouvoir rouler à 80 kilomètres par heure. Leur vitesse moyenne, quand ils se rendent au travail, est bien inférieure.

C’est pourquoi cette action de réduction de la vitesse pour la sécurité routière doit s’accompagner d’une véritable réflexion sur les mobilités.

Comment mieux partager la route avec les différents usagers ? Comment réduire rapidement les émissions de CO2 et respecter nos engagements internationaux ?

On retrouvera certainement ces éléments dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités qu’on nous promet et sur lequel nous ne disposons, pour l’instant, que de très peu d’informations.

Les questions de mobilité et de sécurité doivent être abordées de manière globale, en tenant compte de tous les usagers.

En effet – ce sera le cœur de mon intervention –, je déplore que ni la mission sénatoriale ni le plan gouvernemental n’aient sérieusement pris en compte la sécurité, sur nos routes, de tous les usagers, et plus particulièrement des cyclistes. Pour être précis, la seule mesure du plan gouvernemental qui concerne le vélo n’est qu’une petite généralisation du « savoir rouler », comme si les cyclistes, usagers de la route les plus fragiles, étaient responsables de leurs propres accidents mortels !

J’entends déjà des murmures me suggérer que cet enjeu est marginal, anodin, voire hors sujet. Détrompez-vous, mes chers collègues : l’usage de la route change ! L’usage du vélo est en constante progression pour des raisons économiques, écologiques et sanitaires. De plus en plus de nos concitoyens remplacent la voiture par le vélo pour tout ou partie de leurs déplacements.

Le déploiement du vélo électrique décuple ce phénomène. En effet, il permet d’effectuer sans trop d’efforts des trajets de plusieurs dizaines de kilomètres, quelle que soit la topographie. Même en zone rurale, même dans les montagnes du Trièves d’où je viens, faire à vélo le trajet entre domicile et travail n’est plus réservé aux athlètes.

Pourtant, nos routes ne sont pas du tout adaptées à la pratique du vélo et demeurent dangereuses pour les cyclistes. Rappelons que les deux tiers des cyclistes tués sur la route le sont en dehors des agglomérations. Tandis que le nombre de morts sur la route ne cesse de diminuer, grâce aux efforts des trente dernières années, celui des cyclistes tués ne cesse d’augmenter. On relève ainsi, pour l’année 2016, une croissance alarmante de 8,6 %. Cherchez l’erreur !

Dès lors, on regrette d’autant plus le manque criant de prise en compte des cyclistes dans les politiques de sécurité routière que nous examinons aujourd’hui. La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, ou loi LAURE, du 30 décembre 1996 prévoit pourtant l’aménagement de voies cyclables lors de chaque rénovation de route. Je déplore que cette loi soit si souvent contournée par les collectivités ou appliquée dans sa version minimale, en dessinant une simple bande cyclable sur la droite de la chaussée. Notons qu’une bande cyclable sans séparateur est contre-productive, car elle élargit la chaussée et invite l’automobiliste à rouler plus vite au détriment de la sécurité des cyclistes qui l’empruntent.

Vingt-deux ans après, tant pour des raisons écologiques que pour des raisons de sécurité, il faut renforcer la rédaction de la loi LAURE et imposer des aménagements cyclables dignes de ce nom, voire la création d’autoroutes pour vélos, ou « véloroutes », comme il en existe au Danemark, en Allemagne ou aux Pays-Bas.

Par ailleurs, le plan gouvernemental n’aborde pas la question des investissements sur le réseau routier. Il est dommageable de dissocier les problématiques de sécurité routière de celles de qualité des infrastructures. Il ne fait pas de doute qu’une chaussée dégradée est un facteur d’insécurité, tout comme l’est une voie ferrée endommagée. Le Gouvernement nous renverra à sa future loi de programmation des infrastructures, limitant la portée de ce nouveau plan.

La question financière est ici primordiale, car l’entretien de la voirie coûte cher et demeure à la charge des seules collectivités. Celles-ci, déjà exsangues, ne sont pas toujours en mesure de réaliser d’indispensables réfections. Il est donc nécessaire de les épauler.

Cela passe par la mise à contribution – pourquoi pas par une écotaxe – des usagers de la route et, en particulier, des poids lourds, qui polluent notre air et dégradent nos infrastructures. Nous avons débattu de ce paradoxe la semaine dernière : si l’entretien du réseau ferré est à la charge de la seule SNCF, via la redevance des péages, l’entretien du réseau routier est pour sa part à la charge de l’ensemble des contribuables, et ce sans que cela pose question. Dans les deux cas, il faut s’appuyer sur un financement mixte pour dégager une marge financière suffisante.

Pour revenir à des sujets relevant du ministère de l’intérieur et ne demandant pas de lourds investissements, le Gouvernement peut tout de même prendre des mesures pour améliorer la sécurité des cyclistes. Par exemple, nous pourrions imposer aux constructeurs d’abonder un fonds de formation continue des conducteurs ayant obtenu leur permis il y a plus de cinq ans. Ainsi, nous pourrions sensibiliser les conducteurs à la sécurité des cyclistes.

En outre, nous proposons de faire évoluer la réglementation sur la visibilité des cycles et les normes d’éclairage des vélos, qui est inadaptée aux conditions de circulation actuelles. L’Allemagne a modifié, avec succès, sa réglementation dans ce domaine.

Enfin, il faut intensifier la verbalisation des infractions de non-respect des aménagements cyclistes, qui peuvent avoir une conséquence importante en matière de sécurité.

Madame la ministre, mes chers collègues, le vélo ne peut plus rester le parent pauvre des politiques de sécurité routière. C’est pourquoi je vous invite à avancer en ce sens.

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