Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Une dégradation due essentiellement au désengagement de l’État

État du service public dans les transports en région Île-de-France -

Par / 16 janvier 2018
Il est nécessaire de mettre fin au sous-investissement chronique de l’État
par [Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste->https://www.youtube.com/channel/UCGMy4lcU26bYb4ZFHYMZQZw]
https://youtu.be/pZdRIXd1Huc
Une dégradation due essentiellement au désengagement de l’État

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les Franciliennes et les Franciliens qui empruntent les transports en commun ne supportent plus la galère qu’elles ou ils vivent au quotidien : retards, annulations, incidents divers, inconfort générant stress et fatigue... Cette exaspération légitime nourrit un sentiment de déclassement et d’abandon que nous ne pouvons ignorer.

Quant aux personnels de la RATP et de la SNCF, dont il faut saluer l’engagement professionnel, ils sont en souffrance face à la dégradation de leurs conditions de travail.

Si la question du service public des transports et de sa dégradation se pose sur l’ensemble du territoire national, comme nous l’avons vu lors du débat précédent, les caractéristiques de la région capitale en font une question spécifique sur cet espace qui concentre 5 millions de voyageuses et de voyageurs par jour.

Parler transports, c’est aborder la question de l’aménagement. Le droit à la mobilité ne peut se penser en dehors du droit au logement accessible ni des problématiques d’accès à l’emploi et aux services publics. Tenir ces quatre exigences, c’est permettre un aménagement équilibré et une meilleure qualité de vie pour les Franciliennes et les Franciliens.

Or nous avons hérité, depuis des décennies, d’un déséquilibre entre l’est et l’ouest régional. Pour faire vite, les bureaux sont à l’ouest et les logements à l’est, ce qui entraîne des mouvements de transports trop importants. Le développement urbain a également créé de nouveaux besoins de mobilité encore sans réponse aujourd’hui. Un rééquilibrage entre bureau et logement et une réelle réflexion sur l’étalement urbain constituent donc un premier élément de réponse aux problèmes de transport.

Toutefois, si l’enjeu des transports collectifs est un enjeu majeur, c’est aussi parce qu’il touche à des défis environnementaux et sanitaires.

Trop de camions et de voitures saturent le réseau. Je rappelle que nous déplorons 6 000 morts par an en Île-de-France du fait de la pollution – sans compter les coûts induits estimés, à l’échelle de la France, à 101 milliards d’euros par an.

Il est donc urgent d’inverser la tendance en engageant un report modal de la route vers le rail et vers le fluvial, pour les voyageurs comme pour les marchandises.

À l’ère de la COP23, comment minorer le fait que ces modes émettent moins de gaz à effet de serre ? Pourtant, aujourd’hui, en Île-de-France, seuls 3 % des marchandises transitent par le rail. Ainsi, comment justifier que, dans mon département du Val-de-Marne, un seul train par jour desserve le marché d’intérêt national de Rungis ?

Respecter les engagements liés à l’accord de Paris pris dans le cadre de la COP21 doit donc nous conduire à adopter des politiques qui favorisent le rail face à la route, le collectif face à l’individuel.

Grande question de santé publique, l’accessibilité des transports en commun constitue également un enjeu social. Trop de nos concitoyennes et de nos concitoyens subissent en effet une discrimination à l’embauche selon l’endroit où elles et ils résident. Et ces mauvaises conditions de transport, comme la saturation des réseaux routiers, sont un frein évident à la compétitivité des entreprises, qui ont intérêt à disposer de bonnes conditions de mobilité pour leurs salariés comme pour leur clientèle.

Depuis plus de dix ans, les politiques publiques en matière de transport tiennent en un mot : le désengagement de l’État. On peut même se demander si ces conditions n’ont pas été créées pour aboutir à cette situation dégradée, afin de justifier des politiques de libéralisation et de privatisation.

Comment laisser entendre que l’ouverture à la concurrence pourrait être la solution aux dysfonctionnements actuels, puisque tout recul de la puissance publique entraînera un recul de l’égalité et des droits ? En effet, la mise en concurrence ne peut qu’aboutir au délaissement de la partie du territoire jugée la moins rentable – je pense notamment à la grande couronne.

À la concurrence, nous préférons la complémentarité entre les différents modes de transports – le ferroviaire, le bus, les vélos –, afin d’offrir une offre cohérente et maillée sur l’ensemble du territoire, ce qui implique, mais j’y reviendrai, un renforcement de la maîtrise publique de ce secteur.

L’ouverture à la concurrence, c’est également le dumping social, économique et environnemental et des prises de risque pour la sécurité des usagers et des personnels. Nous pensons donc qu’il faut en finir avec cette logique libérale en transformant et en améliorant le service public des transports collectifs.

Cela suppose notamment d’abandonner les projets qui ne répondent pas aux besoins des Franciliennes et des Franciliens. Je pense ici au projet privé CDG Express, qui ne vise qu’à satisfaire les usagers d’affaires qui pourront dépenser 24 euros pour aller de l’aéroport à Paris.

Ce projet, qui bénéficie d’un fort soutien public – faut-il rappeler que l’État vient d’accorder un prêt de 1,7 milliard d’euros au groupement constructeur ? –, conduit à un service à deux vitesses : d’un côté, des transports de qualité pour celles et ceux qui peuvent payer, de l’autre, un service au rabais et non financé.

Ce projet est un serpent de mer, jusqu’à présent repoussé par la mobilisation des populations, des personnels et d’un certain nombre d’élus, dont ceux de notre groupe.

Cette même mobilisation a aussi permis de modifier le projet initial du Grand Paris Express. Alors qu’il devait s’agit d’un supermétro desservant les seuls pôles de compétitivité, les habitants regardant passer les trains, l’intervention citoyenne a permis de revoir le nombre de gares à la hausse pour véritablement mettre ce projet au service des populations.

Aussi, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous apportiez des informations sur de possibles retards de calendrier nous laissant craindre l’abandon de certaines lignes.

Sachez que nous serons intransigeants sur la pleine réalisation de cette infrastructure utile au désengorgement du réseau, qui doit être réalisée non seulement dans les délais prévus, mais encore dans son ensemble. Il en va de même du prolongement de la ligne 14.

Je ne pense pas qu’un seul sénateur ici présent soit satisfait des conditions de transports dans la région Île-de-France. Je ne crois pas davantage que notre groupe soit le seul à remarquer un déséquilibre entre l’est et l’ouest, avec une concentration d’entreprises autour de La Défense.

Si le constat est largement partagé, la question qui nous est posée, mes chers collègues, est celle des actions que nous sommes prêts à engager pour remédier à cette situation. Or les choix politiques faits depuis des dizaines d’années ne permettent pas de développer un réseau de transports publics digne du XXIe siècle.

Vouloir réaliser des économies sur le dos des investissements en matériel et en personnel a conduit 5 millions voyageurs à vivre des galères quotidiennes. Par exemple, comment l’annonce de 2 000 nouvelles suppressions de postes à la SNCF va-t-elle permettre d’humaniser les gares ou de mieux entretenir le matériel ?

Pour répondre à l’exigence d’un service de qualité à un tarif accessible à toutes et tous, participant à la nécessaire transition écologique, il faut, au contraire, améliorer et renforcer le service public des transports.

Pour ce faire, il convient de s’engager dès à présent dans des travaux visant à rénover et faire évoluer le réseau francilien existant. Nous avons besoin d’investissements massifs pour mener à bien les chantiers programmés, mais aussi pour assurer une maintenance de qualité ou renouveler le matériel roulant, même si nombre d’efforts ont été faits de ce point de vue sous la précédente mandature régionale.

Ainsi, il est urgent d’investir massivement sur l’ensemble des lignes du RER, véritable point noir du réseau régional, et de poursuivre le développement et le maillage des réseaux de bus. Il est urgent que les opérateurs publics que sont la SNCF et la RATP développent une politique d’embauche, afin d’améliorer les services aux voyageurs.

Concernant le fret, les triages et les infrastructures doivent retrouver une pleine activité, et les emprises foncières être préservées.

Pour tous ces investissements, notre sensibilité politique formule, aux niveaux local et national, d’autres pistes de financement nourries par le dialogue avec les syndicalistes, les usagers et les élus. On ne peut pas nous reprocher notre inconstance en la matière, c’est le moins que l’on puisse dire.

Nous estimons, comme beaucoup d’autres, que les mesures adoptées jusqu’à maintenant sont injustes et inefficaces. Cessons de demander aux usagers de payer toujours plus !

Au conseil régional d’Île-de-France, notre groupe a porté l’exigence d’un pass Navigo à tarif unique. Nous l’avons obtenu grâce à la mobilisation que nous avons contribué à impulser. Je l’ai vécue en tant que conseillère régionale et administratrice du STIF, aujourd’hui Île-de-France Mobilités.

Nous avons également contribué à la prise en compte, au travers de la tarification sociale, des difficultés des plus fragiles : les jeunes, les privés d’emploi et les retraités.

Néanmoins, aujourd’hui, la nouvelle majorité de droite remet en cause tous ces acquis, n’ayant de cesse, notamment, d’augmenter le prix du pass Navigo. Pourtant, les départements du Val-de-Marne et de Paris viennent d’adopter des mesures de tarification spéciale et de gratuité en faveur des retraités. Il s’agit donc bien d’une volonté politique !

Notre groupe estime que les entreprises, qui bénéficient en priorité du bon maillage territorial des transports en commun, doivent participer davantage au développement de l’offre de transport. Trop de cadeaux fiscaux ont été faits sans contreparties réelles.
Nous formulons plusieurs propositions : augmenter le versement transport à Paris et dans la partie la mieux desservie du département des Hauts-de-Seine ;… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Pemezec. Cela nous manquait !

Mme Laurence Cohen. … entreprendre une réforme de la taxe pour création de bureaux et instaurer un moratoire s’agissant de la construction de bureaux à la Défense et dans l’ouest de Paris ; créer une taxe sur les parkings des centres commerciaux ; mettre en œuvre une écotaxe permettant de prendre en compte les coûts externes de la route ; enfin, ramener la TVA à 5,5 %, afin de dégager des marges de manœuvre pour les autorités organisatrices.

M. Philippe Dallier. Il faut juste trouver l’argent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Cohen. Pour l’Île-de-France, ces financements nouveaux rapporteraient 500 millions d’euros, soit 5 milliards d’euros à l’échelle nationale. Vous vous contentez de vous gausser, chers collègues de la majorité sénatoriale. Faites donc des propositions susceptibles de régler le problème ! (Mme Éliane Assassi applaudit.)

J’insiste sur ce point, rien ne se fera sans une véritable démocratisation. Il faut donner la parole à ceux qui ont une expertise importante en la matière. Je pense non seulement aux usagers, mais aussi au personnel.

Madame la ministre, les usagers, les associations, les comités de ligne et les syndicats attendent, avec nous, des réponses extrêmement précises aux propositions que nous formulons et qui sont largement partagées.

En réalité, l’apport de notre groupe devrait être pour votre gouvernement un point d’appui lui permettant de prendre les mesures d’urgence qui s’imposent, à la fois pour mettre un coup d’arrêt aux galères vécues par les Franciliennes et les Franciliens dans les transports en commun et pour redonner au fret ferroviaire la place qui doit être la sienne dans l’intérêt de toutes et tous.

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