Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Une inquiétude plane sur le devenir des agricultures française et européenne

Réforme de la politique agricole commune -

Par / 2 juillet 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif des négociations de la PAC, déboucher sur un consensus avant la fin de la présidence irlandaise, a certes été atteint la semaine dernière, mais il s’agit d’un consensus mou. Au demeurant, les États et les institutions européennes s’opposent toujours sur un certain nombre de sujets.

À cette situation s’ajoutent les incertitudes pesant sur le budget, qui ne sera définitivement fixé qu’à la rentrée.

Des informations assez vagues que nous avons obtenues sur le contenu de cette entente, il ressort une profonde déception et une inquiétude certaine quant au devenir des agricultures française et européenne. En effet, le résultat des négociations montre à quel point la volonté politique de construire une politique agricole européenne fondée sur des exigences sociales, environnementales et de solidarité est inexistante.

L’austérité, l’ultralibéralisme, la dérégulation ont pris le pas, occultant l’importance stratégique – tant sur le plan alimentaire que d’un point de vue économique et social – des activités agricoles. Les négociations en cours le montrent, que ce soit dans le cadre européen ou à l’échelle mondiale, avec le mandat donné à l’Union européenne pour négocier l’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

Monsieur le ministre, nous sommes convaincus qu’un débat sur la PAC ne peut pas faire l’économie de cette question.

Lors de l’examen en commission des affaires économiques de la proposition de résolution européenne relative au mandat de négociation, le groupe CRC avait d’ailleurs défendu un amendement tendant à ce que les activités agricoles soient soustraites de l’accord, afin de préserver notre modèle agricole européen. La commission a considéré que nos craintes n’étaient pas justifiées et que ces négociations devaient « absolument inclure l’agriculture ».

Nous n’en persistons pas moins à affirmer que la fin des barrières tarifaires et non tarifaires entre l’Union européenne et les États-Unis représente un danger pour les activités agricoles, notamment pour l’élevage. Aujourd’hui, les syndicats agricoles dénoncent unanimement un tel accord. Ils s’inquiètent, en particulier, des exportations de viandes américaines. Même la FNSEA condamne « un accord contraire à l’agro-écologie ». Quand au président de la fédération nationale bovine, il dénonce le risque, pour les éleveurs français, d’une « déstabilisation d’exploitations déjà extrêmement fragiles ». Il prédit par ailleurs « pour la filière, une baisse accrue d’activité, et, pour les consommateurs, la perte des garanties sur la qualité sanitaire et la traçabilité ».

C’est dans ce contexte, sous les pressions libérales des pays du nord, que l’Union européenne traite les productions agricoles comme de simples marchandises. À Bruxelles, pourtant, de nombreuses voix se sont élevées pour s’inquiéter des effets de la libéralisation des marchés agricoles.

Alors que les agriculteurs sont violemment exposés à la spéculation sur les marchés mondiaux et aux fluctuations des prix des matières premières, cette même Europe supprime les outils de régulation existants.

Certains pays, dont le nôtre, tentent encore de maintenir des garde-fous et, parfois, quand tout le monde se mobilise, on parvient à retarder la libéralisation et la mise à mal de pans entiers de notre agriculture et de notre patrimoine. C’est le cas pour le nouveau régime des droits de plantation de vignes, qui permettra de gérer les plantations pour toutes les catégories de vins jusqu’en 2030, avec une limite maximale de croissance annuelle des surfaces plantées fixée à 1 %, les États membres ayant toutefois la possibilité d’adopter un seuil de sauvegarde plus bas, au niveau régional ou national.

Il est essentiel de préserver le secteur viticole, qui constitue une véritable richesse pour notre pays.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Gérard Le Cam. C’est pourquoi, au-delà des droits de plantation, un autre combat doit être mené contre la libéralisation des contraintes œnologiques et contre le projet d’instaurer une production viticole de masse sans identifications géographiques. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

Monsieur le ministre, si nous saluons le courage des négociateurs face à d’autres projets encore plus libéraux, et notamment votre pugnacité au cours de ces négociations tendues, nous ne sommes, hélas, pas satisfaits de la réforme qui se dessine. La nouvelle PAC tourne le dos à la régulation, qui est un enjeu majeur pour l’agriculture. Il nous semble important de maintenir les outils de régulation de l’offre. Nous condamnons, par exemple, l’abandon des quotas laitiers en 2015 et celui des quotas sucriers en 2018.

De même, si nous saluons la convergence interne des niveaux de paiement direct et l’abandon des références historiques, nous constatons que le plafonnement des sommes perçues à 300 000 euros, qui cristallise l’opposition du Royaume-Uni et de l’Allemagne, est trop élevé. Qui plus est, cette mesure est optionnelle, comme une bonne partie du dispositif.

Le report à 2019 du rendez-vous pour que les agriculteurs reçoivent en paiement direct 60 % de la moyenne nationale, étant entendu que les mieux dotés ne doivent pas perdre plus de 30% de ce qu’ils recevaient, relativise sensiblement l’équité et la solidarité du dispositif, alors que celles-ci devraient prévaloir dans une véritable politique agricole commune.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous fournir des précisions sur ce que va représenter la dégressivité au-delà de 150 000 euros par exploitation, dont 5 % devraient être reversés par les agriculteurs les mieux dotés au deuxième pilier de la PAC ? La création d’une prime aux 50 premiers hectares est tout à fait capitale, mais, là encore, tout dépend du montant de l’aide. Pouvez-vous nous confirmer combien d’hectares sont concernés ? Dispose-t-on de simulations ?

Bien entendu, nous saluons le combat mené par la France, qui a abouti à ce que les jeunes agriculteurs, jusqu’à 40 ans, bénéficient d’une aide supplémentaire dans la limite de 2 % de l’enveloppe nationale des aides directes. Les jeunes se heurtent de véritables difficultés pour s’installer. La pression foncière constitue un problème général et persistant, qui est encore plus patent dans le domaine de l’agriculture biologique. Peut-être avez-vous prévu de répondre à cet enjeu dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.

Enfin, nous nous réjouissons des avancées obtenues sur le front du couplage des aides, enjeu fondamental pour l’élevage en France. L’augmentation du taux de couplage à 13 %, plus 2 % sur les protéines végétales, est une bonne nouvelle. Pensez-vous que cette possibilité, combinée à la diversification – deux cultures pour les exploitations de plus de 10 hectares et trois au-delà de 30 hectares, la principale pouvant couvrir 75 % des terres disponibles –, sera suffisante pour gagner en indépendance protéique ? Le volet « protéines » devra-t-il être impérativement intégré dans la rotation ?

Avant de conclure, je veux insister tout particulièrement sur l’élevage. Ce sont des milliers d’emplois qui risquent de disparaître dans ce domaine, comme dans tout le secteur agroalimentaire. Le cas des abattoirs Gad, dans le Finistère, l’illustre tristement.

Tout d’abord, il est urgent de faire cesser le dumping social en Europe. Notre collègue Éric Bocquet s’est emparé de cette question, qui a donné lieu à un rapport d’information intitulé « Le travailleur détaché : un salarié low cost ? » Il y détaille les principales raisons de l’explosion qu’a connue la fraude au détachement.

Depuis 2004, le secteur agricole a subi la plus forte augmentation – de l’ordre de 1 003% – du nombre de salariés détachés, avant le bâtiment ou l’hôtellerie.

Dans ma région, les éleveurs de porcs ont évalué à 125 millions d’euros la perte annuelle pour la seule filière porcine française, du fait des distorsions de concurrence opérées sur le dos de travailleurs, à 125 millions d’euros ! Ils dénoncent par ailleurs les problèmes d’étiquetage, question sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir lors de l’examen du prochain projet de loi relatif à la consommation.

Ils demandent au surplus une simplification administrative concernant les procédures appliquées aux installations classées d’élevage. Que comptez-vous faire en la matière ?

Je souligne en outre qu’il faut stopper la végétalisation de l’agriculture, qui emporte de lourdes conséquences en termes d’emplois.

Pour conclure, je dirai que les négociations sur la PAC confirment la volonté de persister dans une ligne de déréglementation et de libéralisation de l’agriculture, que nous combattons. Nous sommes d’autant plus alarmés concernant l’avenir de notre agriculture que d’autres négociations, menées sous la tutelle du ministère du commerce extérieur, sont également en cours. À moyen terme, elles pourraient remettre en cause les quelques avancées que vous avez obtenues, monsieur le ministre.

Le projet de loi pour l’avenir de l’agriculture parviendra-t-il à apporter un peu de justice à ce système ? Nous le souhaitons vivement, et nous y consacrerons toute notre énergie.

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