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Les débats

Vous n’écoutez que les grands laboratoires

Réponse européenne à la pandémie de Covid-19 -

Par / 5 mai 2021

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’Inde et l’Afrique du Sud, soutenues par une centaine de pays, réclament à l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, la levée provisoire des brevets sur les vaccins contre la covid-19, le silence de la Commission européenne est assourdissant.

Au nom du secret des affaires, de la défense de l’innovation et de l’efficacité d’une production industrielle censée répondre aux besoins, les multinationales du médicament défendent la préservation des brevets.

Or le constat est accablant. Alors que l’on manque cruellement de vaccins – seulement 10 % des Françaises et des Français et moins de 3,5 % de la population mondiale ont pu être vaccinés –, les profits des grands labos s’envolent.

Les trois géants Pfizer, AstraZeneca et Johnson & Johnson ont consacré, en 2020, quelque 21,4 milliards d’euros à des versements de dividendes et à des rachats d’actions. Cette somme aurait permis de vacciner 1,35 milliard de personnes dans le monde, soit l’équivalent de la population de l’Afrique.

Le Gouvernement est loin de trouver cette situation scandaleuse. Sa seule réponse, pour l’instant, consiste à dire que la levée des brevets est inutile, notamment parce que Pzifer autorise Sanofi à produire son vaccin.

Cet argument ne tient pas une seconde ! Non seulement il faudra patienter jusqu’en septembre prochain, mais, en plus, sans levée du brevet, donc sans accès à la formule du vaccin, on en reste à du simple flaconnage, bien en deçà du savoir-faire des salariés de Sanofi et des besoins de la population.

Ma question est simple : quand le Gouvernement va-t-il enfin soutenir celles et ceux qui exigent la levée des brevets au niveau européen ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, soyons clairs, nous partageons l’ambition, que nous sommes les premiers à avoir portée au niveau international, de faire du vaccin un bien public mondial. La question, au-delà des polémiques, est de savoir comment nous le faisons.

La levée des brevets est-elle le meilleur outil pour atteindre cet objectif ? Si tel est le cas, nous la déciderons. Mais, je veux être très transparent, nous en discutions à l’OMC en ce moment, et il n’apparaît pas aujourd’hui que lever les brevets réglerait le problème, puisque l’enjeu est non pas l’accès à la propriété intellectuelle, mais la capacité de production mondiale, en particulier en Afrique ou en Amérique latine, où les capacités de production et l’accès au vaccin sont les moins bons au niveau mondial.

La question est celle des moyens financiers. On peut croire à la magie, mais il faut bien rémunérer l’innovation ! C’est à cela que sert un brevet. Je rappelle que, à l’origine des vaccins dont nous bénéficions aujourd’hui, on trouve de nombreuses start-up, et non des grands laboratoires comme BioNTech, le laboratoire européen que vous connaissez, madame la sénatrice.

Nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, pour permettre que l’on y ait accès. Voilà du concret !

Comment procédons-nous ? Nous examinons toutes les possibilités, y compris en matière de propriété intellectuelle et de transfert de technologies pour créer des capacités de production locale. Toutefois, soyons clairs, cela prendra du temps – au moins plusieurs mois.

En attendant, puisque l’on ne peut se permettre d’attendre un an ou deux pour vacciner le reste du monde, nous faisons des dons de doses de vaccin. Ce mécanisme, qui s’appelle Covax, dispose de plusieurs canaux.

La France alloue des moyens financiers à Covax pour cet achat de doses. Aujourd’hui, 42 millions de doses ont été fournies à travers ce mécanisme dans plus de 100 pays, et c’est l’Union européenne, dont la France fait partie, qui fournit l’essentiel des soutiens financiers.

Nous allons, en outre, offrir un certain nombre de doses d’urgence, notamment aux pays africains, conformément à l’engagement du Président de la République, pour vacciner en priorité leurs soignants, car c’est la seule façon de faire tenir leur système de santé dans un moment difficile.

Avec nos partenaires du G7 et de l’Union européenne, nous avons déjà envoyé 100 000 doses de vaccin pour garantir l’accès des soignants au vaccin et le système de santé africain. Nous en expédierons 500 000 autres d’ici au mois de juin prochain.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Donc, oui, nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, mais nous recherchons les modalités les plus efficaces pour atteindre cet objectif.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, vous devez répondre à dix-sept questions. Gardez donc de la force ! (Sourires.)

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne m’avez pas convaincue.

Le système des brevets limite gravement les capacités de production. Il constitue donc une cause supplémentaire de décès liée à la pandémie.

Je ne sais pas qui vous écoutez. Pour ma part, je rencontre les salariés des laboratoires, comme Sanofi. Ils possèdent le savoir-faire pour produire les vaccins, mais vous ne leur en donnez pas la possibilité, parce que vous ne levez pas les brevets. Il s’agit véritablement d’un frein.

Vous n’écoutez que les grands laboratoires, qui font des profits colossaux. Cette attitude est criminelle pour l’ensemble de l’humanité ! Je vous demande de réagir, en utilisant la licence d’office, qui existe depuis 1968 et qui n’a jamais été mise en œuvre. Nous attendons du gouvernement de la France qu’il prenne cette responsabilité.

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