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Les questions cribles

Cette politique éducative n’est pas la bonne

Aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire -

Par / 8 février 2011
Cette politique éducative n’est pas la bonne
Cette politique éducative n’est pas la bonne

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le dispositif CLAIR – collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite – et sur le démantèlement de l’éducation prioritaire que sa mise en œuvre induit de fait.

Permettez-moi tout d’abord de citer les propos que vous avez tenus à Marseille le 25 juin 2010 : « Le dispositif CLAIR, s’il réussit, si l’expérimentation fonctionne, a pour objectif d’être étendu et de remplacer les dispositifs d’éducation prioritaire qui existent aujourd’hui. »

Puis, au Sénat, le 26 octobre dernier, vous vous êtes exprimé en ces termes : « Ce programme, qui, je le répète, est une expérimentation, n’a pas a priori vocation à se substituer à toute l’éducation prioritaire. Nous en dresserons le bilan, nous l’évaluerons et nous réfléchirons à la façon de coordonner les différents dispositifs. »

Depuis, votre ministère a annoncé l’extension, en septembre, du dispositif CLAIR, qui absorberait ainsi la quasi-totalité des réseaux ambition réussite, les RAR. Sur quels bilans et quelles évaluations vous fondez-vous pour prendre une telle décision après seulement quatre mois d’expérimentation ? En quoi le programme CLAIR est-il plus probant que les dispositifs existants, dont la nature est très différente, CLAIR étant un programme de lutte contre la violence scolaire. C’est une différence de taille avec l’éducation prioritaire, qui est, avant tout, un dispositif de lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière éducative. Avec le programme CLAIR, plus de notion de zones ni de réseau, c’est la logique d’établissement qui l’emporte. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où vous prônez l’autonomie des établissements !

Selon vous, le programme CLAIR se caractériserait par sa dimension innovante. Mais l’innovation pédagogique a toujours été le maître mot de l’éducation prioritaire. Dans ce domaine, la circulaire du 7 juillet 2010 relative à la mise en place du dispositif CLAIR ne prévoit d’ailleurs rien de nouveau. Non, la véritable innovation apportée par celui-ci réside dans l’amorce – prudente, il est vrai, le sujet étant sensible – de la généralisation des postes à profil pour, à terme, imposer la libéralisation du recrutement des enseignants.

Alors que les acteurs de l’éducation prioritaire s’accordent pour en réclamer la relance, vous l’atomisez ! Monsieur le ministre, que deviendront les réseaux de réussite scolaire et les milliers d’élèves qu’ils accueillent ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, je tiens tout d’abord à vous rappeler que l’éducation nationale investit chaque année plus d’un milliard d’euros dans l’éducation prioritaire ; il s’agit donc d’un engagement significatif. Toutefois, cette politique a besoin d’un toilettage, d’une harmonisation, d’une coordination. En effet, à l’heure actuelle, plus de treize dispositifs se superposent : ce véritable millefeuille résulte de l’empilement des politiques depuis le début des années quatre-vingt ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

C’est un constat, pas une critique ! On a le droit d’avoir des idées et de faire des propositions, mais mettez-vous à la place des enseignants, qui voient des politiques se superposer sans véritable cohérence, alors qu’ils ont besoin de mobiliser leurs moyens et leur énergie pour faire réussir leurs élèves.

Nous avons la conviction, madame le sénateur, qu’en donnant plus de moyens aux acteurs locaux, aux établissements, aux professeurs, aux chefs d’établissement, et en leur faisant davantage confiance, nous obtiendrons de meilleurs résultats dans les établissements qui accueillent un grand nombre d’élèves issus de milieux défavorisés et où peuvent se poser des problèmes de violence. Cette conviction, née des états généraux de la sécurité à l’école que nous avons organisés au mois d’avril 2010, est d’ailleurs corroborée par un certain nombre d’études internationales.

Pour l’heure, nous avons expérimenté le dispositif CLAIR dans 105 collèges. Il offre au chef d’établissement une autonomie sur le plan pédagogique et en matière de recrutement. Un chef d’établissement pourra élaborer avec son équipe un projet pédagogique et recruter en conséquence des enseignants qui partagent celui-ci et s’engagent pour cinq années. Les établissements concernés ont besoin de stabilité, et il convient de mieux rémunérer, de revaloriser les enseignants qui font le choix de travailler dans la durée au sein d’établissements plus difficiles que d’autres. Tel est l’esprit du programme CLAIR : il s’agit là d’une véritable innovation. Les collèges appartenant aux réseaux ambition réussite ont vocation à rejoindre progressivement le programme CLAIR, dans un objectif de clarification et de simplification.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, on sait ce que signifie le mot « toilettage » en langage RGPP ! Dans les Hauts-de-Seine, sur les vingt-quatre collèges constitués en réseau de réussite scolaire, trois seulement seraient préservés. Est-ce cela, votre politique ?

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quid, en outre, de la cohérence avec la politique de la ville ? La révision de la carte des ZEP, les zones d’éducation prioritaire, devait se faire, on s’en souvient, en lien avec celle de la carte des ZUS, les zones urbaines sensibles, laquelle pourrait n’intervenir qu’en 2014, date de la prolongation des contrats urbains de cohésion sociale. D’ici là, la réforme des collectivités territoriales sera entrée en vigueur.

Cette politique éducative n’est pas la bonne, car elle abandonne un objectif fondamental, celui de la mixité sociale, au profit d’une « mixité des élites », en consacrant des moyens à quelques bons élèves issus des milieux défavorisés. Je vous le dis très sincèrement, ces choix ne permettront pas d’inverser la tendance au creusement des inégalités scolaires en France, où l’influence de l’environnement socioéconomique sur la réussite des élèves est particulièrement forte, comme l’indique l’enquête PISA ; pis encore, ils l’accentueront.

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