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Les questions cribles

Vous voulez en fait transformer ces collectivités en simples services déconcentrés de l’État

Fiscalité des collectivités territoriales -

Par / 17 janvier 2012
Vous voulez en fait transformer ces collectivités en simples services déconcentrés de l’État
Vous voulez en fait transformer ces collectivités en simples services déconcentrés de l’État

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’interroger sur la thématique de ces questions cribles. En effet, peut-on encore parler de fiscalité des collectivités locales alors qu’elle tend à disparaître, tout particulièrement la fiscalité directe ?

M. Alain Le Vern. Exact !

M. Christian Favier. Il y a quelques années, les ressources fiscales représentaient 60 % des recettes des collectivités locales et la fiscalité directe en constituait les trois quarts.

Si nous sommes aujourd’hui incapables de chiffrer précisément la place de cette fiscalité, nous savons qu’elle a quasiment disparu pour les régions, en dehors de la modulation de la TIPP – taxe intérieure sur les produits pétroliers –, qu’elle est très faible pour les départements, qui ne votent plus que le seul taux du foncier bâti, et qu’elle est profondément réduite pour les communes, du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

Devant ces évolutions, nous sommes en droit d’affirmer qu’aujourd’hui la garantie constitutionnelle d’une autonomie financière des collectivités territoriales n’est plus assurée.

Cette question est importante car, comme le déclarait Pascal Clément dans son rapport sur la réforme Raffarin de 2004 : « la fiscalité locale relève d’une exigence démocratique, car il n’est pas de pouvoir politique véritable sans pouvoir fiscal ».

Le Conseil des prélèvements obligatoires, reprenant cette citation, est même allé plus loin dans son rapport de mai 2010. En effet, selon lui, il découlerait de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « que doit être considéré comme un élément essentiel de la démocratie le lien qui existe entre le vote qui permet de désigner les élus et le fait que ceux-ci aient le droit de déterminer précisément le taux ou l’assiette des impôts ».

L’autonomie fiscale constituerait donc un fondement de notre démocratie locale, laquelle est aujourd’hui bafouée par le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre.

Alors allez-vous enfin rendre aux élus locaux leurs responsabilités fiscales, monsieur le ministre ? Ce serait un gage démocratique et un gage d’efficacité. Cela permettrait aux citoyens de comparer le montant de leurs impôts en fonction des services dont ils bénéficient. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Comme vient de le dire M. Favier, les ressources des collectivités ont été spécialisées : la fiscalité, notamment celle des ménages, est davantage regroupée sur les communes et les intercommunalités. Les départements et les régions ont moins de ressources fiscales et plus de ressources financières. Telle est la réalité.

La Constitution, je le rappelle, consacre le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales, non de leur autonomie fiscale. La question est de savoir comment la mettre en œuvre.

Comme vous le savez, j’ai été pendant dix ans président de conseil général. À ce titre, permettez-moi d’évoquer l’une des ressources transférées – qui est importante – des conseils généraux, à savoir les DMTO, les droits de mutation à titre onéreux. Vous le savez, ceux-ci ont beaucoup varié. (M. Claude Jeannerot opine.) En 2008, je le rappelle, ils s’élevaient à 7,2 milliards d’euros, en 2009 à 5,3 milliards d’euros, en 2010 à 7 milliards d’euros. En 2011, ils dépasseront sans doute les 8 milliards d’euros.

Les départements ont d’abord des compétences sociales. Or on sait très bien que cette ressource importante pour les conseils généraux ne fluctue pas proportionnellement aux dépenses sociales. (M. Claude Jeannerot opine de nouveau) Monsieur Favier, on demande à tout prix pour les collectivités, par exemple le département, la fiscalité. Or celle-ci est très mal adaptée, car elle ne correspond pas du tout à l’évolution de la dépense des conseils généraux. (M. Alain Le Vern s’exclame.)

Il existe une deuxième manière d’aborder ce sujet – je le fais de façon très libre, car c’est là une vraie question. Elle consiste à verser des dotations, à l’instar de ce qui a été fait par exemple pour le RSA. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Le reproche qui est fait à la dotation, quel que soit d’ailleurs le gouvernement en place, est souvent qu’elle ne laisse aucune marge de manœuvre, qu’il faut se débrouiller avec la somme obtenue. (M. Claude Jeannerot s’exclame.)

On le voit, le financement des collectivités nécessite un réel débat, car si la dotation vient en remplacement de la fiscalité, son évolution ne correspondra jamais à celle de la dépense.

M. Alain Le Vern. C’est laborieux !

M. Philippe Richert, ministre. Nous devons réfléchir à une manière d’ajuster les financements. On ne peut pas partir du principe qu’une dépense est couverte par la fiscalité, puis, chaque fois que la fiscalité ne suffit pas, demander une compensation supplémentaire.

M. Alain Le Vern. Vous réfléchissez après !

M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit là d’un vrai débat, qui doit permettre au Parlement d’évoluer sur ce sujet.

Un sénateur du groupe socialiste. Il n’a rien dit !

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour la réplique.

M. Christian Favier. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas satisfait de votre réponse. Vous venez en effet de confirmer votre volonté de restreindre l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et la possibilité pour les élus de continuer à voter leurs impôts.

Vous êtes profondément attaché, on peut le dire, à une mise sous tutelle permanente des collectivités locales afin de freiner leurs dépenses, de réduire leur liberté d’action et de les empêcher de répondre aux besoins de leurs populations.

À cet égard, l’exemple des DMTO que vous avez pris est éclairant. Vous avez déjà privé les collectivités territoriales d’une certaine liberté en procédant de manière tout à fait arbitraire à une péréquation des DMTO,…

M. Philippe Richert, ministre. C’est le Parlement qui l’a votée !

M. Christian Favier. … laquelle, si elle tient compte effectivement de la progression de ces droits de mutation, ne prend pas en compte la réalité des dépenses des départements.

Je prendrai un seul exemple, celui du département de la Seine-Saint-Denis. Alors qu’il est très certainement l’un des départements faisant face aujourd’hui aux difficultés sociales les plus importantes, il contribue au Fonds national de péréquation des DMTO, c’est-à-dire qu’il paie pour d’autres départements.

Mme Christiane Demontès. C’est incroyable !

M. Christian Favier. C’est le monde à l’envers !

Si les régions et les départements ne peuvent plus maîtriser leurs ressources, c’est parce que vous voulez en fait transformer ces collectivités et leurs élus en simples services déconcentrés de l’État.

M. Alain Le Vern. Tout à fait !

M. Christian Favier. Vous ne supportez plus leur liberté, leur capacité à mettre en œuvre d’autres choix politiques que ceux du gouvernement auquel vous appartenez.

Quant à l’autonomie fiscale des communes, elle repose désormais sur la seule taxe d’habitation, impôt on ne peut plus injuste…

M. Alain Le Vern. C’est une strangulation !

M. Christian Favier. … car il ne tient pas compte des revenus. Vous refusez pourtant obstinément de le réformer.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous serons conduits à faire de la réforme fiscale l’un des premiers chantiers de la prochaine législature, lorsque la gauche sera majoritaire à l’Assemblée nationale, comme elle l’est aujourd’hui au Sénat.

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