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Les questions d’actualité

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Il faut faire barrage à la marchandisation de « l’Incorruptible »

Vente des manuscrits de Robespierre -

Par / 12 mai 2011
Il faut faire barrage à la marchandisation de « l’Incorruptible »
Il faut faire barrage à la marchandisation de « l’Incorruptible »

Une vive émotion s’est emparée d’historiens et d’archivistes à l’annonce de la mise aux enchères, le 18 mai, par Sotheby’s, d’écrits de la main de Robespierre et datés de la période comprise entre le 25 janvier 1792 et le 26 juillet 1794.

C’est un véritable trésor mémoriel : gardé par la famille du conventionnel Le Bas pendant plus de deux siècles, il doit absolument intégrer le patrimoine public.

L’action de Robespierre, homme d’État hautement responsable dans un moment de tourments, grand orateur, a marqué notre histoire nationale en profondeur. M. le ministre a notamment été sollicité par la commission de la culture du Sénat, unanime, pour faire barrage à la marchandisation de « l’Incorruptible ».

Trois moyens existent pour empêcher l’abandon au marché de ces précieux documents : acquérir ces lettres à la vente publique en achat simple ; utiliser le droit particulier de l’État de préempter en vente publique ; refuser le certificat d’exportation des manuscrits.

À ce jour, ils sont inemployés.

Il faut aussi une institution culturelle d’accueil : Archives nationales, Bibliothèque nationale de France, bibliothèque Mazarine ou bibliothèques de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces deux dernières auraient honneur à recevoir des écrits d’un grand parlementaire.

Il faut enfin un budget. Mais le ministère, soumis à la révision générale des politiques publiques, a réduit les crédits d’acquisition – moins 50 % en dix ans –, au point qu’on nous dit manquer d’argent pour acheter les émouvants écrits de Maximilien Robespierre.

La mise à prix de Sotheby’s se situe entre 200 000 et 300 000 euros. Qui croira qu’un ministère revendiquant un musée de l’histoire de France ne peut réunir ce crédit, qui permettra la mise en partage d’un grand moment de notre histoire et l’enrichissement de ses sources ?

M. Roland Courteau. En effet !

M. Jack Ralite. Aujourd’hui, par France Domaine et les nouvelles menaces contre l’inaliénabilité des œuvres dans les musées et archives, une politique démissionnaire et désespérante se déplisse. Tout n’a pas valeur marchande. Or la pratique ministérielle multiplie les actes bâtis sur elle.

L’acquisition des cent treize pages de Robespierre est un achat vertueux. L’initiative de la Société des études robespierristes de lancer une souscription publique et le niveau des réponses indiquent l’ampleur citoyenne de cette démarche. C’est là une grande politesse républicaine.

Que l’État prenne sa part : sa part légale, sa part morale, sa part d’implication responsable, qui doit être inébranlable, sa part de courtoisie.

Monsieur le ministre, ne laissez pas faire un outrage à ce bien commun, à ces documents si éclairants de notre histoire nationale. Il ne reste que six jours !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Mitterrand, qui, comme vous le savez, est actuellement au Festival de Cannes. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Il fait son métier de ministre de la culture, mesdames, messieurs les sénateurs !

M. Charles Gautier. Il monte les marches !

M. Pierre-Yves Collombat. On voit où se situe le pouvoir !

M. Patrick Ollier, ministre. Je connais, monsieur le sénateur, comme chacun dans cet hémicycle, votre intérêt pour les questions liées à notre patrimoine historique et la grande connaissance que vous en avez. Je tiens à vous rendre hommage.

Robespierre, quoi que l’on pense du personnage, fait partie de l’histoire politique de notre pays. Je vous remercie d’exprimer ici la préoccupation qui est la vôtre.

Le Gouvernement n’ignore évidemment pas la vente, prévue le 18 mai prochain, d’un ensemble d’archives concernant Robespierre, ensemble constitué de brouillons de discours, d’articles et d’une lettre, largement inédits et couvrant la période de janvier 1792 à juillet 1794.

Le ministre de la culture et de la communication a demandé à ses services d’expertiser cette collection, comme il a eu l’occasion de vous le préciser ce matin.

Monsieur le sénateur, chacun connaît les moyens dont dispose l’État…

M. René-Pierre Signé. Ça dépend pour quoi !

M. Patrick Ollier, ministre. … pour faire en sorte que ces documents soient mis à la disposition de l’ensemble des citoyens. Vous les avez cités. Soyez certain que le ministre de la culture et de la communication est vigilant et qu’il prendra, au nom de l’État, toutes ses responsabilités.

Monsieur le sénateur, vous avez dit que, à ce jour, les moyens de l’État n’étaient pas employés, avant d’ajouter qu’il restait encore quelques jours.

M. Pierre-Yves Collombat. Six !

M. Patrick Ollier, ministre. Vous comprendrez que l’usage par l’État de ces moyens d’intervention nécessite, pour être efficaces, une certaine discrétion.

Toute pression politique qui obligerait l’État à dévoiler ses intentions lors de la vente porterait préjudice à la cause que vous entendez défendre, cause que nous partageons, et pourrait également entraîner un accroissement du coût d’achat de ces manuscrits pour les finances publiques et donc pour les contribuables. Cela s’appelle la spéculation.

Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, je ne dirai rien des instructions de l’État.

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