Les questions d’actualité
Il faut retirer ce projet, un point c’est tout !
Réforme des retraites -
Par Laurence Cohen / 18 décembre 2019Madame la ministre, après deux semaines de grèves et de manifestations, notamment celle d’hier, à l’appel de toutes les organisations syndicales, après les scandales qui ont éclaboussé votre ancien et éphémère secrétaire d’État, vous continuez à défendre l’indéfendable, en répétant que tout le monde sera gagnant avec votre projet de réforme des retraites. En réalité, dans tous les pays où le système de retraite par points a été mis en œuvre, l’ensemble du monde du travail a dû travailler plus longtemps pour gagner moins.
Vous essayez de monter les Françaises et les Français les uns contre les autres – régimes spéciaux contre régime général, jeunes contre vieux –, mais tout le monde a bien compris que votre pseudo-régime universel était une machine à fabriquer précarité et misère sociale.
Les manifestantes et manifestants d’hier sont autant de porte-voix pour démonter votre entreprise d’intox et d’enfumage, tout comme les associations féministes et les syndicalistes réunis lundi soir à la Maison des métallos pour s’élever contre votre argumentaire, selon lequel les femmes seront les grandes gagnantes, quand elles sont les premières perdantes.
Madame la ministre, la France est dans la rue, personne ne veut de votre néfaste projet, à part vos amis du Medef et de la haute finance.
Ma question est simple : quand allez-vous retirer votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Laurence Cohen, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence d’Agnès Buzyn et du nouveau secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, dont je me permets de saluer la nomination. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Pour commencer, le Gouvernement a bien conscience des conséquences pénibles de la grève sur notre territoire au quotidien. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.) Nous savons que beaucoup de nos compatriotes doivent se lever tôt le matin pour aller travailler et qu’ils doivent faire face, en Île-de-France comme ailleurs, à des transports saturés. Soyez également convaincue que le Gouvernement s’attelle à ce que, à l’approche des fêtes de fin d’année, chacun puisse aller retrouver ses proches.
Mme Éliane Assassi. Éléments de langage !
M. Claude Raynal. La réponse !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Premier ministre, la ministre des solidarités et de la santé et le secrétaire d’État en charge de la réforme des retraites rencontrent, en ce moment même, les partenaires sociaux. Demain, une réunion multilatérale, associant l’ensemble des organisations syndicales, se tiendra à Matignon.
Madame la sénatrice, nous avons engagé une réforme du système français de retraites pour le rendre universel.
Mme Éliane Assassi. Ça, on sait !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cela implique effectivement, sans dresser un seul Français contre un autre, la disparition des régimes spéciaux. Nous réformons parce que chaque régime a ses propres règles et parce que les Français n’ont pas tous les mêmes droits lorsqu’ils partent à la retraite.
Vous avez évoqué la situation des femmes. Comme vous le savez, une femme salariée du privé a droit à huit trimestres par enfant, quand une femme travaillant dans la fonction publique n’a droit qu’à deux trimestres.
Nous réformons aussi parce que nous voulons redonner de la confiance dans notre système de retraite. À cet égard, il nous faut redonner de la confiance dans le principe de solidarité intergénérationnelle. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Le système n’est plus adapté aux changements de métier. Il pénalise les personnes qui passent d’un statut à un autre. C’est un système fondé sur les statuts, et non sur les trajectoires individuelles de chacun de nos compatriotes.
M. David Assouline. Il ne vous reste que quelques secondes…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Par exemple, je ne pense pas que vous soyez opposé au minimum contributif à 1 000 euros pour les Françaises et les Français qui n’ont jamais eu de droits – je pense notamment aux agriculteurs.
L’instauration du régime universel constituera un progrès, vers plus de justice sociale.
Je vous le dis, madame la sénatrice, cette réforme des retraites est l’une des réformes du quinquennat qui porte le plus de progrès social. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Huées et moqueries sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, la nomination du nouveau « M. Retraites », qui a à son actif le licenciement d’une caissière d’Auchan pour quelques centimes d’euros, est loin d’apaiser l’inquiétude et la colère dans le pays.
Contrairement à ce que vous dites, les mobilisations sont largement soutenues par les Françaises et les Français, qui ne veulent sacrifier ni leurs vieux jours ni ceux de leurs enfants.
Quant à vos arguments comptables, ils sont nuls et non avenus. Le « pognon de dingue » existe : c’est l’explosion des revenus du capital, qui ne participe pas au financement des retraites. Qu’attendez-vous pour le taxer ? Qu’attendez-vous pour arrêter d’exonérer les cotisations patronales à hauteur de 66 milliards d’euros ? Qu’attendez-vous pour faire appliquer la loi en matière d’égalité salariale, ce qui rapporterait 11 milliards d’euros à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ? Qu’attendez-vous pour faire sauter le verrou des 14 % du PIB…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Cohen. … pour la part des dépenses consacrées aux retraites ?
Vous êtes responsable de la situation du pays. Il faut retirer ce projet, un point c’est tout.