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Les personnes âgées ne sont pas des marchandises

Scandale des établissements Orpea -

Par / 26 janvier 2022
Les personnes âgées ne sont pas des marchandises

Ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Aujourd’hui sort l’ouvrage Les Fossoyeurs, dans lequel l’auteur, Victor Castanet, décrit, à la suite d’une enquête menée durant trois ans, la maltraitance organisée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés lucratifs du groupe français Orpea, leader mondial sur le marché.

Ce secteur est particulièrement marqué par des dérives lucratives : sous-effectif constant, dépenses réduites et, en conséquence, souffrance au travail du personnel soignant et accompagnant, qui se répercute sur les personnes âgées comme sur les familles.

Cette étude n’est pas la première à dénoncer la marchandisation de la fin de vie, et à quel prix ! Notre groupe pointe ce problème depuis longtemps.

Le Gouvernement compte-t-il assurer un véritable contrôle pour empêcher que de telles dérives ne se reproduisent, en particulier dans ces établissements privés lucratifs ? Et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui aurait également pu vous répondre. Comme vous le savez, elle a contracté le covid et ne peut donc être présente.

Je tiens à vous faire part de mon émotion – je pense que vous la partagez – et à avoir une pensée pour les résidents et les familles de résidents ayant pu subir les violences décrites dans l’ouvrage que vous avez mentionné. Rien ne peut justifier de tels faits s’ils sont avérés ! Ils sont extrêmement graves, et l’ensemble du Gouvernement, à l’instar, je le crois, des parlementaires, les condamne fermement.

Un établissement en particulier est évoqué dans le livre. Vous le savez probablement, l’agence régionale de santé avait diligenté une inspection inopinée en 2018 à la suite de réclamations et de signalements qui avaient déjà été adressés à l’époque. Les révélations récentes laissent cependant penser que la situation était bien pire que ce dont nous avions alors connaissance.

Toute la lumière doit être faite sur les pratiques de cet Ehpad. La ministre Brigitte Bourguignon a demandé aux services de l’État de mener une enquête flash dans les meilleurs délais.

Mais les faits rapportés soulèvent d’autres questions, sur lesquelles nous demandons au groupe Orpea, dont le directeur général a été convoqué par Brigitte Bourguignon, de s’expliquer, là aussi, dans les plus brefs délais.

Au-delà de cette situation particulière, je rappelle que le Gouvernement avait agi dès le début du quinquennat pour soutenir l’ensemble des soignants et des professionnels des établissements accueillant des personnes âgées. Dès 2018, nous avons installé une commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, qui rassemblait de nombreux experts. Elle a remis ses travaux au Gouvernement l’année dernière, permettant d’aboutir à une définition de la maltraitance plus précise et transversale aux âges, à l’autonomie et au handicap.

Mme Laurence Rossignol. Elle existait déjà !

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Peut-être, madame la sénatrice, mais toujours est-il que cette définition de la maltraitance est désormais inscrite dans la loi, le texte relatif à la protection des enfants ayant été adopté définitivement hier.

Par ailleurs, l’État s’est fortement engagé pour moderniser un certain nombre d’Ehpad, avec un investissement de plus de 2 milliards d’euros, et, surtout, pour renforcer la présence de soignants dans les établissements. Ainsi, 10 000 soignants supplémentaires viendront s’ajouter dans les cinq années à venir aux 10 000 qui avaient déjà été recrutés en 2017. En outre, vous le savez, il y a eu en urgence un plan de recrutement de 40 000 personnels de soins dans ces établissements pour prendre soin de nos aînés. (Mme Nadège Havet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que « rien ne peut justifier » de tels actes. Mais, concrètement, vous faites quoi ?

Nous vous parlons d’un problème systémique, qui révèle une crise du libéralisme, et vous nous apportez des réponses ponctuelles. Il aura fallu une crise d’une telle ampleur pour que l’on redonne quelques moyens aux Ehpad. De même, c’est seulement en fonction de l’actualité, la parution d’une enquête, que vous réagissez aujourd’hui.

Nous connaissons la détresse des personnels, confrontés à des dilemmes éthiques inhumains : rester dans un secteur en manque de moyens constants pour prodiguer des soins décents ; ou bien le quitter alors même qu’il y a un manque de professionnels dans ces métiers.

C’est le business : tout est rationalisé, jusqu’au rationnement des couches et des biscottes ! Des maisons de retraite sont rachetées par des multinationales et des fonds d’investissement, le tout avec de l’argent public ! Vous n’en avez pas dit un seul mot.

L’une des grandes promesses d’Emmanuel Macron était de faire une loi structurante sur le grand âge ; celle-ci n’a jamais vu le jour.

Il nous faut un véritable service public du grand âge. Les Ehpad dépendant des groupes privés qui se sont rués vers l’or gris aux dépens de la qualité de vie de leurs patients doivent être mis sous tutelle.

L’État ne doit plus laisser faire, car les personnes âgées ne sont pas des marchandises. Le grand âge doit sortir du marché !

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