Les questions écrites
Quel circuit justifie qu’un opérateur, qui achète le MWh à 42 euros, puisse le revendre aux particuliers à 166,5 euros ?
Par Fabien Gay / 27 janvier 2023M. Fabien Gay attire l’attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les conditions d’indemnisation par l’État des fournisseurs alternatifs dont les offres reposent sur un principe d’activation différée.
Alors que de nombreux fournisseurs alternatifs sont indemnisés par l’État pour la mise en place du bouclier tarifaire, il apparaît toutefois que plusieurs d’entre eux proposent des contrats reposant sur un principe d’activation différée.
Prétendant permettre aux consommateurs et consommatrices de bénéficier de tarifs « moins chers que le tarif bleu d’EDF », ces contrats qui se présentent comme étant indexés sur le tarif réglementé d’électricité sont toutefois assortis d’une mention « activation au 31 mars 2023 ».
Dans le cas de Ohm Énergie, qui fait actuellement l’objet d’une enquête par la commission de régulation de l’énergie (CRE) pour des soupçons de revente d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) sur le marché de gros, il est possible de lire qu’avant cette date du 31 mars 2023, le tarif pratiqué sera fixé à 0,1665 euros/KWh (soit 166,5 euros le megawattheure).
Ce fonctionnement, dont Ohm Énergie n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, pose deux problèmes fondamentaux.
D’une part, au regard du relèvement du plafond de l’ARENH de 20 TWh, opéré en 2022 pour permettre aux fournisseurs alternatifs d’appliquer le bouclier tarifaire grâce à l’octroi d’un volume supplémentaire perçu à 42 euros/MWh.
La persistance d’offres aux tarifs quatre fois supérieurs à 42 euros/MWh parmi celles proposées par ces fournisseurs alternatifs interroge nécessairement quant à l’utilisation faite par ces derniers du quota supplémentaire d’ARENH dont ils ont bénéficié. Le problème est d’ailleurs le même pour les quotas d’ARENH dont ils bénéficient au titre de l’année 2023 ; quel circuit justifie qu’un opérateur, qui achète le MWh à 42 euros, puisse le revendre aux particuliers à 166,5 euros ?
Pour en venir au second problème, étroitement lié au premier, il est tout aussi questionnable qu’un fournisseur soit indemnisé par l’État pour la mise en place du bouclier tarifaire, lorsque ce dernier pratique par ailleurs des offres différées dans le temps. Ainsi, il serait possible d’acheter le MWh à 42 euros, de fournir ses clients sur une base de 166,5 euros/MWH durant plusieurs mois avant de passer au montant des tarifs réglementés de vente de l’électricité, et de recevoir, après tout cela, une indemnisation conséquente de l’État.
Notons par ailleurs que durant l’année 2022, les opérations de maintenance sur la moitié du parc nucléaire ont contraint EDF à acheter de l’électricité au prix du marché de gros (800 euros/MWh en août) pour être en capacité de la revendre à 42 euros le MWh aux fournisseurs alternatifs.
Un tel circuit se répercuterait donc à la fois sur les consommateurs (qui se voient vendre des contrats « moins chers que le tarif bleu », en réalité quatre fois plus chers que ce dernier), sur le budget de l’État (qui indemnise les fournisseurs pour le bouclier tarifaire qu’ils n’appliquent pas toute l’année), et sur EDF (qui a dû acheter de l’électricité à prix fort sur le marché pour fournir le supplément d’ARENH nécessaire au bouclier tarifaire).
Il souhaite ainsi connaître les règles d’indemnisation des fournisseurs alternatifs et savoir si ces derniers ont bel et bien le droit de recevoir une compensation de l’État alors qu’ils proposent la souscription de contrats plus chers que les tarifs réglementés de vente de l’électricité. Si des règles et conditions existent, il aimerait en connaître le détail et savoir si le principe d’activation différée est toléré.
En attente de réponse du Ministère de la transition énergétique.