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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Aide aux producteurs de fruits et légumes

Par / 26 janvier 2005

par Gérard Le Cam

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher-e-s collègues,

La question qui nous est posée aujourd’hui a trait à l’aide aux producteurs de fruits et légumes, particulièrement éprouvés en 2004 sur la quasi-totalité de leurs productions. Cette question interpelle naturellement le gouvernement sur ses intentions en matière d’aide aux producteurs, les décisions précédentes n’ayant eu que très peu d’effets.
La question s’élargit ensuite à la nécessaire réforme de l’organisation commune de marché et la mise en place d’un véritable dispositif de gestion de crise au niveau européen.

Malgré l’urgence de décisions efficaces, cette question est un round de préparation aux lois à venir ayant trait à la modification de la loi GALLAND dans le cadre de la loi JACOB, ainsi qu’à la future loi d’orientation agricole. Disons qu’au mieux, nous pouvons espérer l’amorce de l’esquisse de propositions fin 2005 ou début 2006.
Une question qui intervient dans un moment privilégié, dans la mesure où nous débattons en ce moment même du développement des territoires ruraux et dans la mesure où la notion de coefficient multiplicateur vient d’être votée par le Sénat. Espérons d’ailleurs que cet amendement ayant trait au coefficient multiplicateur en cas de crise survivra à la commission mixte paritaire, nous allons y être très attentifs, Mesdames et Messieurs de la majorité sénatoriale, d’autant plus attentifs, que Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’Agriculture a affirmé que le dispositif du coefficient multiplicateur de toute façon.

La crise que nous vivons touche toutes les régions de France, tout particulièrement les régions du sud de la France et celle du nord-Bretagne (Côtes d’Armor, Finistère et Ile-et-Vilaine) où la récente crise du chou-fleur a montré, une fois de plus, les contradictions du système économique libéral en place. Cette crise se distingue par son ampleur et sa durée. Selon l’INSEE, les prix des fruits et légumes en juillet étaient en recul de 26,5% par rapport à 2003. La perte au niveau national pour les producteurs est estimée à 600 millions d’euros par an et cette crise dure et s’accentue depuis plusieurs années.

Souvent mise en avant, les causes conjoncturelles des crises sont multiples et servent à cacher le vrai mal qui se situe dans les causes structurelles de l’organisation même du marché. L’abondance de l’offre ou surproduction et la faiblesse de la demande, sont souvent évoquées pour masquer la réalité des importations abusives à bas prix et celle d’une France qui ne produit que 65% de sa consommation.

La faiblesse de la demande a elle-même ses causes qui s’appellent baisse du pouvoir d’achat et défaut d’incitation des pouvoirs publics à la consommation de ces produits naturels.

Le défaut d’organisation des producteurs face à la grande distribution, lui aussi souvent évoqué, soulève la faiblesse des aides gouvernementales à l’organisation commune de marché et son laxisme à l’égard des pratiques scandaleuses des GMS et des centrales d’achat. Rappelons également que ces productions ne bénéficient pas des aides de la PAC.
A propos des aléas climatiques, leurs effets peuvent être contraires - à titre d’exemple, la douceur du climat breton a favorisé la production des choux-fleurs et avancé leur arrivée sur le marché, le tout bien combiné avec des importations massives de choux-fleurs de Pologne et vous avez une belle crise. A contrario, le mauvais temps, gel et neige, font parfois flamber les prix de produits difficiles à extraire du sol.

Ceci pose en grand la nécessité d’avancer vite en matière d’assurance récolte et de calendrier d’importation, national, communautaire et extra-communautaire.
Les causes les plus profondes des crises sont purement structurelles, elles s’appellent : « Racket des GMS et pratiques mafieuses des marges arrières, rabais, ristournes, déréférencement ».

Elles s’appellent « importations abusives et distorsions de concurrence intra et extracommunautaires » en vue de dumping économique.
Elles s’appellent « découplage des aides » dans la nouvelle PAC et permettent de produire autre chose que ce pourquoi on perçoit des primes, pourquoi pas des fruits et légumes en lieu et place des céréales ? C’est la « désorganisation organisée » du marché qui se met en place.
Parlons maintenant des effets dévastateurs de ces crises qui frappent avant tout des femmes, des hommes, des familles.

En région PACA, 250 producteurs sont au bord du dépôt de bilan, ce qui signifie des milliers de disparitions d’exploitations au plan national et des dizaines de milliers de nouveaux chômeurs dont la reconversion est très compliquée. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la spéculation foncière et immobilière, s’en trouve stimulée. La crise frappe durement les plus petits producteurs, mais n’épargne pas les entreprises maraîchères de taille respectable, plombées par leurs investissements. La crise frappe aussi l’emploi des saisonniers dont le statut, déjà précaire est peu enviable. Emplois saisonniers également menacés à terme par la directive BOLKESTEIN qui s’apprête à fournir légalement en France une main d’œuvre très bon marché, dépendant de la législation sociale de son pays d’origine.

La crise, ce sont aussi des économies régionales, mises à mal, un affaiblissement de la biodiversité végétale par les standards imposés des GMS, enfin, à terme, c’est l’indépendance alimentaire du pays qui est menacée.
Face à cette crise, le gouvernement n’a pas eu grand-chose, à mettre sur la table, préférant l’austérité budgétaire à toute autre considération, pourtant vitale pour notre pays. Certes, 10 millions d’euros ont été dégagés à la fin de l’été 2004, en aides directes de trésorerie, 50 millions d’euros de prêts de consolidation (à rendre donc plus tard) et dix millions à venir en direction de l’ONIFLHOR.

Le tout agrémenté par quelques mesures en faveur de la publicité hors des lieux de vente. L’utilisation des médias et des dispositions fiscales en direction des salariés.
Il faut rapprocher ces dispositions de 600 millions d’euros de perte annuelle de la profession pour être objectif ou des 530 millions d’euros de cadeaux à la grande distribution et la boucherie dans le cadre de la suppression de la taxe d’équarrissage. Quant au grand coup de bluff de M. SARKOZY sur la baisse des prix aux consommateurs, ces derniers ne l’ont pas ressentie, par contre, les producteurs ont accusé une nette baisse de leurs prix. Il a été fréquemment constaté, cet été sur les marchés locaux, que les fruits et légumes étaient nettement moins chers que dans la grande distribution.
Les dispositions proposées et adoptées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi territoires ruraux ne suffiront pas si le dispositif du coefficient multiplicateur n’est pas validé. Je rappelle que ce dispositif a un double avantage :

- d’un côté, en évitant les pratiques de marges abusives de la grande distribution il tire vers le haut les prix à la production ; ce qui permet des prix rémunérateurs pour les producteurs, en particulier les petits producteurs

- de l’autre, il tire vers le bas les prix à la consommation en préservant ainsi le pouvoir d’achat des consommateurs.

Ce type d’indexation des prix d’achat aux producteurs et des prix aux consommateurs permet non seulement d’éviter les comportements prédateurs de la distribution mais aussi de favoriser la transparence en matière de fixation des prix !
Nous savons bien que les prix à la consommation des fruits et légumes sont parfois trop élevés et crée des difficultés d’écoulement et des surproductions sur certains marchés. Mais, dans la majorité des cas, ce niveau trop élevé des prix est le résultat des ponctions opérées par la grande distribution par le biais de marges abusives et par des importations à des prix bradés, véritables prix de dumping.
Comment dès lors ne pas s’étonner dans le contexte actuel de crise de la filière fruits et légumes de l’analyse menée par la Commission Canivet qui voit dans l’insuffisante baisse des prix des produits de grande consommation, des obstacles à la libre concurrence.
Ainsi tout en prenant en compte la spécificité des produits agricoles, le rapport rejette les propositions du coefficient multiplicateur et des prix minimum parce que contraires aux règles européennes.

Pas un mot parmi ces 130 pages du rapport sur les conditions de travail et de rémunération des employés des grands magasins, ni sur les milliers de petits paysans surexploités, qui n’arrivent pas à vivre de leur travail et qui sont de plus en plus acculés à la faillite. Faire abstraction de ces données et croire que l’on peut, grâce à la libre concurrence et donc à la suppression de la législation et réglementation actuelles, relancer la consommation par la baisse des prix est non seulement un leurre mais une grave erreur.

La remise en cause de la loi Galland, de celle de Raffarin et de la loi sur les nouvelles régulations économiques mérite plus amples réflexions. Certes la loi Raffarin de 1996 n’a pas ralenti la disparition du petit commerce qu’elle était censée protéger et elle n’a pas freiné l’extension et la concentration des grandes enseignes.

Entre autres facteurs explicatifs, la TACA n’a-t-elle pas été détournée des objectifs pour lesquels elle avait été créée, à savoir l’aide au maintien du petit commerce.
L’interdiction de revente à perte instituée par la loi Galland constituait au final un dispositif protecteur pour les fournisseurs ; raison pour laquelle les agriculteurs avaient toujours protesté d’en être exclus.

Avec la suppression de ces lois, ce sont autant de dispositions comme les seuils de revente à perte, les obligations de transparence et de non discrimination dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, le gel administratif d’implantation de nouvelles surfaces de vente supérieure à 300 m2 qui disparaîtrait.
Les propositions du gouvernement dans le cadre de la loi DTR, celles notamment relatives aux dispositifs de sanction en cas de prix abusivement bas ne sont-elles pas bien pâles et beaucoup moins protectrices face à l’interdiction de vente à perte qu’il aurait fallu étendre aux agriculteurs plutôt que de la supprimer ?
Ce sont les centrales d’achat et les GMS qui n’ont eu de cesse de contourner la législation, entraînant le développement des marges arrières pour représenter jusqu’à 30% du prix officiel affiché sur les factures fournisseurs. Ce qui représente au fond un véritable « racket organisé ».

Or, la commission Canivet propose ni plus ni moins que de légaliser ces pratiques de marges arrières en les transformant progressivement en marges avant et de fixer le seuil de revente à perte au prix dit triple net, c’est-à-dire déduit des ristournes, remises, rabais, coopération commerciale…
Après ces constats et remarques, il convient d’avancer un certain nombre de propositions concrètes et efficaces dans un contexte où, depuis 1992, l’agroalimentaire et la grande distribution ont bénéficié d’un transfert de valeur ajoutée en provenance de l’agriculture de 12 milliards d’euros par an. La grande distribution est la première bénéficiaire des réformes de la PAC (1992 et Agenda 2000).

Les agriculteurs ont perdu 12 milliards d’euros par an sur la vente globale de leurs produits, ils n’ont en retour perçu que 2 milliards d’aides compensatoires. Ils ont été volés de 10 milliards d’euros par an.
Les consommateurs et contribuables n’ont pas bénéficié de la baisse des prix à la consommation, ils ont déboursé 2 milliards d’euros par an pour financer les aides compensatoires européennes.

Des prix rémunérateurs, seuls à même de permettre une agriculture sereine et pérenne nécessitent des dispositions volontaristes.
Cela passe par de nombreuses mesures souvent contraires à l’esprit communautaire comme disent nos ministres, mais indispensables au nom de la subsidiarité et de l’intérêt national.

Le coefficient multiplicateur doit être gravé dans la loi française et appliquée dans un premier temps aux périodes de crise, dans un second temps en permanence.
La préférence communautaire, l’harmonisation des charges et l’unicité des prix, aujourd’hui absentes du projet de Constitution européenne, doivent y figurer.
L’encadrement des pratiques des GMS par l’interdiction des marges arrières et autres pratiques de rabais, remises et ristournes.
L’instauration produit par produit d’un prix minimum et d’un prix rémunérateur de référence.

D’autres mesures de type calendrier d’importations - encadrement des productions par régime et par pays - orientation vers les conserves et l’appertisation, devrait également permettre de réguler l’offre et de maintenir des prix rémunérateurs.
La consommation des fruits et légumes mérite également d’être resituée dans la société de consommation qui nous est imposée. Indispensable à notre santé, ils méritent d’être promus au plan médiatique, afin d’inciter nos concitoyens à les consommer, notamment en dehors de produits préparés à très forte valeur ajoutée.
En conclusion, ce débat, qui a le mérite d’exister, appelle des mesures radicales et urgentes, certes souvent contraires à l’esprit communautaire, cet esprit libéral qui fait tant de mal, doit donner à chacune et chacun d’entre nous à réfléchir avant d’aller se perdre dans les choux… de Bruxelles, bien sûr !!!!

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