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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Approvisionnement électrique de la France

Par / 30 octobre 2007

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour débattre des perspectives ouvertes par les conclusions des travaux de la mission commune d’information du Sénat sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver et, je l’espère, pour former le voeu commun d’une rapide traduction législative et réglementaire de ses quarante propositions.

Je commencerai toutefois mon intervention par quelques remarques générales.

Nous assistons actuellement à une dérive institutionnelle particulièrement grave, où le Parlement non seulement n’effectue pas son travail dans des conditions satisfaisantes, mais tend également à être privé de son pouvoir législatif.

En témoigne le nombre de projets de loi passés en urgence, notamment dans le secteur de l’énergie.

En témoigne, aussi, la censure de la commission des finances sur toute proposition engageant les deniers publics, comme cela a été le cas quand le groupe communiste républicain et citoyen a proposé la fusion entre EDF et GDF, et ce alors même que cette censure empêche tout débat de fond sur la politique nationale énergétique et les alternatives concrètes au projet proposé par le Gouvernement.

Nous nous retrouvons donc avec un Parlement dont la mission est réduite à la simple exécution de la volonté présidentielle.

Je suis donc, dans ce contexte, particulièrement attaché à ce que les propositions formulées et partagées par la quasi-totalité des membres de la mission commune d’information ne tombent pas dans l’oubli, mais trouvent au contraire une traduction concrète. J’appuie donc la demande du président Bruno Sido.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, venons-en au fond.

Il y a maintenant un an, le groupe communiste républicain et citoyen soumettait à la Haute Assemblée une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête sur les causes de la panne d’électricité survenue le 4 novembre 2006.

Compte tenu de la dimension communautaire d’une telle commission et de l’impossibilité des parlementaires français de contraindre nos partenaires européens, c’est une mission commune d’information sur la sécurité d’approvisionnement en France et en Europe qui a vu le jour et dont les travaux se sont déroulés au printemps dernier.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions de cette mission, son président nous les ayant très bien exposées.

Elles mettent particulièrement en lumière les contradictions des politiques libérales menées à travers les directives européennes.

Il faudrait, selon la Commission européenne, démanteler les monopoles publics et organiser la concurrence entre les opérateurs, alors même que ceux-ci remplissent une mission d’intérêt général. Cette nouvelle organisation, toujours selon la Commission, bénéficierait aux clients, qui disposeraient d’une offre plus attractive par le jeu de la concurrence.

Pourtant, la mission a fait un tout autre constat.

D’une part, la libéralisation du secteur énergétique s’est soldée par une hausse vertigineuse des tarifs sur le marché libre et par des risques accrus sur la sécurité d’approvisionnement. D’autre part, les besoins importants en termes de production d’électricité ainsi que la question du vieillissement du parc nucléaire en France imposent des investissements massifs pour la création de nouvelles capacités.

Pour finir, la mission a constaté que ces questions se posent dans un monde où les principales ressources énergétiques se raréfient. Cela a été rappelé plusieurs fois à cette tribune, l’électricité est un bien particulier, car non stockable. Par conséquent, la mission a souligné les risques que font naître, en termes géopolitiques, la rupture de la sécurité d’approvisionnement ainsi que la perte d’indépendance énergétique et, donc, d’indépendance économique et politique.

La mission est naturellement arrivée à la conclusion que, l’énergie n’étant pas une commodité comme les autres, sa maîtrise doit donc rester publique.

Selon les termes même du rapport, ce secteur ne peut être laissé à la seule « main invisible » du marché.

Les rapporteurs se sont également intéressés aux tarifs d’accès à l’électricité et se sont inquiétés de leur envolée dans la plupart des pays de l’Union européenne. C’est pourquoi ils proposent le maintien des tarifs réglementés et des contrats d’approvisionnement dits « de long terme ».

Depuis, plusieurs mois se sont écoulés, ponctués par de multiples rebondissements nationaux, européens et internationaux dans le secteur de l’énergie, qui confirment une nouvelle fois les enjeux pointés par les travaux de la mission.

Ainsi, le nouveau Président de la République a annoncé le prochain rapprochement entre Alstom et Areva, organisant ainsi une ouverture très importante du nucléaire civil aux capitaux privés en ce qui concerne la construction de centrales, la production énergétique, ainsi que la gestion des déchets.

Le chef de l’État a également contribué largement à rendre effective la fusion entre GDF et Suez.

Or, la constitution de ce nouveau groupe privé, dont l’État détiendra seulement 35 % des actions, organise la perte de la maîtrise publique non seulement sur le secteur du gaz, mais aussi bien au-delà.

Ce sont les intérêts des actionnaires qui prévaudront et, notamment, leur logique de profit maximum.
Dans ce sens, lors de leur première déclaration, les P-DG du futur groupe ont indiqué que les actionnaires recevront plus de la moitié du résultat net sous forme de dividende, qui devrait croître par action de 10 % à 15 % par an en moyenne entre 2007 et 2010.

Voilà qui résume bien les priorités industrielles de ce nouveau groupe !

Autre élément inquiétant de cette première déclaration, le P-DG de Gaz de France, Gérard Mestrallet, évoquant les réacteurs nucléaires de troisième génération, a précisé : « Le nouveau groupe GDF Suez prendra une décision soit en 2008 soit en 2009 pour construire un ou plusieurs EPR en Europe, dans les pays où cela sera possible et souhaitable », afin de « disposer de ces capacités entre 2017 et 2020 ».

Nous pouvons alors émettre de sérieux doutes sur la pérennité du monopole accordé à EDF concernant la production de l’énergie nucléaire en France. J’avais déjà évoqué cette crainte voilà plusieurs mois, lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Pour sa part, la mission commune d’information réaffirme dans ses conclusions le choix du nucléaire, notamment au regard des impératifs environnementaux. Cependant, elle reconnaît que la sûreté nucléaire ne peut être garantie que par une forte maîtrise publique.

Seule une maîtrise publique peut permettre la transparence nécessaire sur les objectifs industriels et de recherche, ainsi que sur le niveau de sécurité des installations.

Monsieur le secrétaire d’État, je profite donc de ce débat pour vous demander des précisions sur ce sujet.

Au niveau européen, une nouvelle directive, parachevant le marché de l’énergie, vient d’être adoptée. Elle prône la séparation patrimoniale entre les réseaux de transport et les centres de production.

À ce titre, dans un communiqué de presse, le président et les rapporteurs de la mission commune d’information ont exprimé leurs réserves sur ce nouveau paquet énergétique, notamment concernant la pérennité des contrats d’approvisionnement de long terme et la séparation patrimoniale.

Cette fuite en avant libérale conduit aujourd’hui M. Sido, président de la mission et membre éminent de la majorité parlementaire, à solliciter M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables sur les suites que le Gouvernement entend donner aux quarante propositions formulées dans le rapport de cette mission.

Je ne peux que soutenir une telle initiative, a fortiori si l’on considère que ledit rapport a été voté à la quasi-unanimité des membres de la mission. Si un consensus existe entre les parlementaires de tous bords pour reconnaître que l’énergie n’est pas un produit de consommation comme les autres et que sa maîtrise doit être publique, il faut que le Gouvernement non seulement entende cette exigence, mais également qu’il la traduise en acte. Cela passe, notamment, par une transcription législative et réglementaire des quarante propositions.

Pour autant, si les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen partagent les conclusions du rapport, ils estiment que les décisions à prendre doivent aller plus loin qu’un simple perfectionnement de la régulation du secteur de l’énergie.

Nous le voyons bien, et c’était le sens de mon intervention lors de la récente discussion de la proposition de loi de notre collègue Ladislas Poniatowski, il y a une antinomie fondamentale entre la mise en oeuvre de la concurrence libre et non faussée comme pierre angulaire de toute politique publique et le maintien d’un service minimal pour chacun, notamment dans le secteur de l’énergie.

Les tarifs réglementés en sont un bon exemple. Dans la configuration libérale, ils sont voués, in fine, à disparaître, car contraires aux objectifs de l’Union européenne. Toute disposition transitoire ou dérogatoire en la matière s’apparente donc à une correction à la marge.

Pour les sénateurs communistes républicains et citoyens, c’est donc au Gouvernement d’engager une réorientation complète de la politique énergétique au niveau national et de l’impulser au niveau européen.

Cela suppose, en préalable, de faire le bilan des dix années de libéralisation dans le secteur de l’énergie et de s’orienter vers une renégociation des directives européennes.

Nous avons suffisamment d’exemples pour savoir que l’ouverture à la concurrence n’a pas atteint les objectifs escomptés, bien au contraire. Certains pays reviennent même progressivement à une plus ample maîtrise publique.

Les enjeux sont fondamentaux et multiples. Ils font de l’énergie une denrée exceptionnelle, qui ne peut être considérée comme une simple marchandise.

Ce constat, partagé par la mission commune d’information, ne peut aboutir qu’à une seule conclusion : une politique de l’énergie ambitieuse, donnant la priorité à la recherche d’économies d’énergie, à la diversification des moyens de production électrique, ainsi qu’à la coopération avec les autres acteurs énergétiques européens ne peut se réaliser qu’avec des opérateurs publics, porteurs de l’intérêt général.

Force est de constater que la politique d’entreprise des opérateurs historiques, depuis l’ouverture de leur capital, a également changé de cap. L’objectif d’augmenter la rentabilité pour les actionnaires est maintenant mentionné dans les contrats de service public.

Au final, les anciens monopoles, qui auraient dû être modernisés et démocratisés, seront remplacés par des oligopoles privés. D’après l’estimation que nous a fournie la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, d’ici à une dizaine d’années, il resterait uniquement cinq ou six oligopoles dans l’Union européenne.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen en tirent les conséquences. D’une part, nous estimons qu’une véritable maîtrise publique passe par le respect d’une condition stricte, la nécessité de garantir des capitaux uniquement publics au sein des opérateurs énergétiques, toute prise de capitaux privés modifiant irrémédiablement la politique d’entreprise. D’autre part, nous estimons que les synergies doivent être renforcées dans le secteur de l’énergie entre les opérateurs historiques au sein d’un pôle public de l’énergie, qui pourrait s’étendre au pétrole.

C’est pourquoi nous avons proposé la fusion d’EDF et de GDF au sein d’un nouvel EPIC, un établissement public industriel et commercial.

Cette idée de fusion a été immédiatement réfutée, au nom des contreparties qui seraient, semble-t-il, imposées par Bruxelles.

Pourtant, la création du géant Suez-GDF se fait également au prix d’importantes contreparties, notamment la cession de contrats d’approvisionnement de long terme pour GDF, la séparation du pôle environnement pour Suez et la création du principal concurrent d’EDF en France, et ce sans les bénéfices d’une véritable maîtrise publique.

L’avenir énergétique de la France est donc, avant tout, l’affaire de choix politiques.

Au moment même où le Gouvernement affine ses propositions dans le cadre du « Grenelle de l’environnement », nous estimons que les enjeux du secteur énergétique intègrent pleinement ceux de la préservation de l’environnement.

Travailler à la maîtrise de la consommation de l’énergie, au développement des énergies renouvelables et non polluantes, ainsi qu’à l’égal accès de tous à ce bien universel suppose, j’y insiste, une véritable maîtrise publique du secteur.

Le développement durable doit être dégagé de la pression des marchés financiers et des intérêts de court terme.

Dans ce cadre, les propositions formulées par la mission commune d’information dans son rapport, qui prône une maîtrise publique de l’énergie et la création d’instruments de régulation prospectifs, sont de véritables points d’appui, qui, je l’espère, trouveront une traduction législative et réglementaire énergique et courageuse.

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